Je suis enseignant depuis de longues années et je relate chaque année l’histoire suivante à mes élèves.

J’ai étudié dans une excellente Yéchiva. J’étais considéré comme un bon élève, assidu, et lorsque je suis arrivé en âge de me marier, je me suis fiancé avec une fille d’une très bonne famille, aujourd’hui mon épouse.

Deux semaines après nos fiançailles, nos parents se sont lancés à la recherche d’un appartement pour nous. De temps en temps, ils nous demandaient de les accompagner pour que nous visitions nous-mêmes des appartements, mais nous n’avons pas trouvé de logement qui nous convenait.

Un mois et demi s’écoula, nous étions très tendus, à un mois du mariage et toujours sans appartement.

J’ai un caractère dominateur et je suis très concret. J’ai ressenti qu’autour de moi, tout le monde était occupé par les soucis du quotidien et par l’organisation du mariage, le repas, etc., et oubliait que nous devions habiter quelque part à la fin des festivités.

Un matin, je décidai de passer à l’action.

Je quittai la Yéchiva à midi, au milieu de la session d’étude du matin, pour me rendre dans une agence immobilière en ville.

Je consultai l’agent immobilier qui me proposa divers appartements. Nous en avons sélectionné quelques-uns qui me paraissaient convenir au niveau de la localisation, de la description et du prix.

Je lui expliquai que je voulais visiter les appartements avec mes parents et ceux de ma fiancée. Il me répondit qu’il n’y avait aucun problème et que je devais l’informer d’un horaire où je voudrais les visiter. Il me fit ensuite signer des papiers, car si nous achetions l’un des appartements qu’il m’avait proposés, nous devions lui payer deux pour cent du prix de l’appartement, comme c’est l’usage.

Je retournai à la Yéchiva pour la prière de Min’ha et le repas de midi, et je comptai téléphoner à mes parents pour qu’ils s’arrangent avec les parents de ma fiancée pour trouver un horaire ce soir. Avant que je puisse leur téléphoner, le père de ma fiancée appela la cabine de la Yéchiva en m’expliquant qu’il avait vu une annonce de vente d’appartement collée sur un arbre près de chez lui, qui lui semblait convenir à tous points de vue.

« Très bien, répondis-je, on m’a également proposé des appartements aujourd’hui, mais il vaut la peine de voir un appartement sans frais d’agence. Il est préférable de visiter l’appartement que vous avez trouvé. »

***

A 21 heures, comme prévu, nous sommes allés visiter l’appartement qui était mis en vente sur une annonce que mon beau-père avait repérée sur un arbre. Nous l’avons visité et il nous a plu.

« Je crois qu’il n’est pas nécessaire de voir les appartements proposés par l’agent immobilier », déclara mon beau-père.

J’étais d’accord avec lui. L’appartement était réellement taillé sur mesure pour nous.

Mes parents et ceux de ma femme s’entretinrent avec le propriétaire, et la première question qu’il posa était la suivante : « Etes-vous venus par l’intermédiaire d’une agence ou de l’annonce ? »

Le père de ma fiancée répondit : « J’ai détaché l’annonce de l’arbre, la voici. »

J’eus soudain un doute, et je dis : « Un instant, attendez. » Je sortis le contrat sur lequel j’avais signé avec l’agent immobilier le matin même, et dès que je le vis, je défaillis.

Le premier appartement mentionné était celui que nous venions de visiter. Je regardai à nouveau. La rue, le numéro, l’étage et le nom de famille. Tout correspondait.

Je ne savais pas comment l’annoncer, mais je n’avais pas le choix. En présence de tout le monde - mes parents, mon beau-père, ma belle-mère et ma fiancée, je fus contraint d’avouer que le matin même, j’étais allé consulter un agent immobilier et que je m’étais engagé à payer à cet agent deux pour cent si nous achetions cet appartement, celui dont mon beau-père avait détaché l’annonce au même moment…

Je ne sais plus combien nous avons payé ce Bitoul Torah, mais faites vous-mêmes le calcul. Deux pour cent du prix d’un appartement. C’est la somme que j’aurais économisée si j’avais décidé de rester jusqu’à la fin de la session d’étude du matin, sans me soucier d’agences immobilières. Mais je n’ai pas résisté à l’épreuve, et j’ai été contraint de payer la somme totale à l’agent immobilier.

Jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas ce qui a été le plus difficile - l’argent que j’ai perdu ou l’inconfort d’avoir quitté la session d’étude du matin… en tout cas, si vous associez les deux facteurs, vous comprendrez la leçon que j’ai apprise sur le Bitoul Torah.

***

Tu aimes les histoires qui finissent bien, alors en voici une pour toi.

Des années plus tard, alors que j’étais Avrekh au Kollel, j’avais épargné la somme de 20 000 dollars que je voulais investir dans une transaction.

A cette époque, beaucoup de mes amis avaient acheté des terrains dans la région d’Ashkelon au prix de 25 000 dollars l’unité. C’était un investissement qui avait circulé de bouche à oreille, et un grand nombre de Juifs, et parmi eux des orthodoxes, voulaient les acquérir, car ces terres devaient être libérées pour la construction six mois plus tard, et sa valeur serait dix fois plus élevée que l’investissement de départ.

L’homme qui commercialisait ces terrains est mentionné indirectement dans l’une de tes histoires, et il se peut que tu ne le saches pas toi-même. La raison pour laquelle tout le monde voulait acheter des terrains tenait à un homme de confiance qui était le contact du monde des Avrékhim, et ses conseils constituaient une sorte de garantie de fiabilité de cette affaire. En réalité, cet homme avait entrepris cette démarche en croyant de tout cœur qu’elle permettrait aux Avrékhim de marier facilement leurs enfants.

J’avais l’intention d’investir mon argent dans cette initiative, et j’avais déjà parlé plusieurs fois avec cet homme, à qui j’avais convenu de transmettre l’argent.

Mais en réalité, j’avais en ma possession 20 000 dollars et il me manquait 5000 dollars que je comptais emprunter à la banque. Or, la banque ouvre ses portes à 8h30 le matin, et à l’époque, j’étudiais dans un Kollel en-dehors de la ville, ce qui m’obligeait à partir avant 8h30, l’heure de l’ouverture des succursales.

Un jour dans la semaine, la banque était ouverte jusqu’à 18h30, et je comptais y aller et retirer de l’argent, mais ce jour-là, je fus coincé dans les embouteillages et j’arrivai trop tard.

Mon contact commença à exercer des pressions sur moi : « Il ne reste que quelques terrains, je te les garde, mais je ne peux pas m’engager. »

Je pensais partir un matin une demi-heure plus tard, mais je me souvins de la résolution que j’avais prise : je ne ferai jamais de Bitoul Torah pour des choses futiles, même s’il s’agit d’un appartement ou d’un bénéfice financier.

***

Je tiens à préciser que j’affrontai une épreuve difficile. Tu dois comprendre que manquer une telle opportunité n’était pas une option. Tout le monde savait que c’était un investissement qui t’aidait à marier deux ou trois enfants dans un avenir proche. Tout mon entourage en avait acheté, et j’étais coincé avec 5000 dollars et un contact qui me regardait comme si je n’étais pas fiable. « On m’a dit que tu étais sérieux », me dit-il sur un ton où planait le doute… J’étais mal à l’aise d’un côté, et irresponsable de l’autre. « Comment manquer une telle opportunité ! », me demandai-je, sans avoir de réponse à ma question.

Mais je n’avais pas l’audace d’arriver en retard au Kollel pour une telle transaction. Il y avait eu des cas où j’étais arrivé en retard, contraint d’amener l’un de mes enfants chez le médecin, mais pour une histoire financière, j’avais déjà une expérience, et pas des meilleures…

J’attendis avec impatience le mercredi, le jour où la banque était ouverte à une heure tardive, tandis que chaque jour, mon contact me répétait qu’il ne lui restait qu’un terrain et dès le moment où il était vendu, j’avais perdu mon opportunité. Il m’est difficile de décrire l’épreuve que je traversais.

Mercredi, je quittai le Kollel en fin de journée, et j’arrivai à la banque à temps : je réussis à contracter un emprunt de 5000 dollars.

Dès ma sortie de la banque, j’appelai mon contact pour le rencontrer. Il ne répondit pas. Je l’appelai à plusieurs reprises, je refusai de le croire, mais au fond de moi, je savais que j’avais perdu cette transaction. Il n’était jamais arrivé qu’il ne réponde pas au téléphone.

Le soir, je suis allé chez lui, j’ai frappé à la porte et il m’a ouvert.

Je lui annonçai que j’avais apporté l’argent et que je voulais conclure l’affaire.

Il m’observa, et soudain, je remarquai qu’il ne ressemblait pas à l’homme que je connaissais.

  • Dis-moi, tu es le seul à n’être pas au courant ?, me demanda-t-il.

  • Au courant de quoi ?

  • Le propriétaire des terrains s’est enfui à l’étranger, je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais d’après les informations dont je dispose, il a fait faillite, et il s’avère que les terrains ne lui appartenaient pas vraiment. Tu ne sais pas ce que je vis. Tout le monde me tombe dessus, et ils ont un peu raison, j’ai donné ma promesse, j’ai incité des Avrékhim à perdre leur argent. Je lui ai vraiment fait confiance et je n’ai pas prêté attention à ceux qui me mettaient en garde… Remercie le Saint béni soit-Il, tu as échappé à une perte financière.

***

Je le quittai, tout troublé. D’un côté, je voulais me mettre à danser, mais je m’en abstins, sachant que tous mes amis avaient perdu de grandes sommes d’argent. Certains avaient investi dans plusieurs terrains tout en contractant des emprunts. En chemin, je passai par une synagogue pour prier ‘Arvit, et je fis une prière de remerciement particulière au Maître du monde pour avoir été épargné, grâce au mérite de ma résolution de ne faire de Bitoul Torah pour rien au monde.

Je compris que la perte des frais d’agence immobilière était une récompense pour ancrer en moi une leçon capitale. Grâce à cette leçon, j’ai résisté à une épreuve difficile et je n’ai pas fait un instant de Bitoul Torah. C’est ainsi que j’ai « manqué » une affaire qui m’aurait fait perdre tout mon argent et plonger dans les dettes.