Le Rav Yossef Chalom Cahanman arriva un jour dans la ville de Cincinnati aux Etats-Unis et logea chez un notable juif de la communauté. Son hôte était un homme d’affaires qui s’était sacrifié pour créer un Talmud Torah dans la ville.

Il faut comprendre que la ville de Cincinnati était le fer de lance contre le judaïsme authentique ; c’est dans cette ville que fut créé le premier « Séminaire théologique » du mouvement de la réforme. Cette ville était considérée comme un bastion de l’hérésie, et dans le but d’y créer un Talmud Torah, il fallait beaucoup de force et de courage.

Le Rav Cahanman rendit visite au Talmud Torah, et derrière la porte, il entendit l’homme d’affaires en personne donner un cours aux jeunes enfants, sur la mélodie traditionnelle de Lituanie.

Submergé d’émotion, le Rav éclata en sanglots et dit à son hôte : « Je vous envie l’amour de la Torah dont vous avez été gratifié ! » Et l’homme d’affaires de répondre au Rav : « Cet amour de la Torah, je ne l’ai pas acquis facilement ». Il se lança alors dans le récit de son enfance.

« J’ai grandi dans une petite localité de Lituanie, dans une famille de sept enfants. Mon père travaillait durement pour gagner sa vie pendant toute la semaine, il allait de village en village pour vendre sa marchandise. Il ne rentrait à la maison que pour le Chabbath. La Parnassa était très difficile, et pendant toute la semaine, nous ne mangions aucun repas chaud.

« Un jour, un nouveau Rebbe, un enseignant de Torah, arriva dans notre village ; il prenait un salaire d’un rouble par mois et par élève », poursuivit l’homme. « Nous étions quatre garçons à la maison, et un paiement de quatre roubles par mois était vraiment hors de notre portée.

« Mais comme mes parents tenaient à cette éducation, ils commencèrent peu à peu à se séparer de leurs biens : tout d’abord, ils vendirent l’argenterie que maman avait reçue à son mariage, puis ce fut le tour des bijoux, puis d’autres objets. Ils avaient chaque mois d’immenses difficultés à rassembler l’argent. Mais ils ne renoncèrent pas à une seule chose : le salaire de l’enseignant en Torah.

« Un hiver particulièrement rigoureux, papa ne parvint presque pas à vendre de marchandise. Il ne restait plus aucun objet à vendre, lorsque maman dit à papa : « Nous avons une dette de deux mois au Rebbe ! » Et papa lui répondit sereinement : « Après Chabbath, nous irons dans la ville la plus proche pour vendre la vache ! »

« La vache faisait partie de notre vie quotidienne, grâce à elle, nous avions du lait, ainsi que du fromage et du beurre préparés par notre mère pour nous assurer une alimentation minime. C’était la seule nourriture nourrissante à la maison…malgré tout, papa réalisa son plan. Le dimanche, papa et maman se levèrent de bonne heure, et parcoururent avec la vache une distance de dix kilomètres à pied jusqu’à la ville avoisinante. Vers le soir, ils rentrèrent avec huit roubles en main, le visage rayonnant d’une joie indicible que nous n’avions jamais vue. Ils emballèrent l’argent dans une serviette, qu’ils envoyèrent au Rebbe. C’est de là que j’ai hérité l’amour de la Torah ! » conclut l’homme d’affaires.

L’initiation à l’étude de la Torah par amour et à tout prix, a conduit à la création de ce Talmud Torah exceptionnel à Cincinnati, et au bout de quelques années, notre protagoniste devint un pilier du Kollel Ohel Torah de Jérusalem.