Abordons à présent un sujet primordial : le rôle des instincts, des pulsions et des tendances qui nous animent. Nous nous trouvons tous confrontés à des envies et à des pulsions. Elles sont parfois le fruit d’un instinct grégaire nous poussant à imiter les attitudes environnantes, d’autres fois elles ressurgissent d’un passé que l’on espérait révolu… Et hélas, nous nous apercevons que malgré la techouva, les envies interdites reparaissent avec encore plus de vigueur. Nous verrons quelle est l’attitude à adopter dans ces moments qui peuvent être déconcertants.

Dans un premier temps, il est nécessaire de s’accepter tel que l’on est avec ses tendances et ses défauts. Lorsqu’on aspire à s’améliorer, il nous incombe de bien nous connaître et de reconnaître ses défauts afin de pouvoir y remédier dans un second temps. Le Rambam enseigne qu’il incombe à tout un chacun de se rendre chez les Sages de la Thora qui sont les « guérisseurs de l’âme », à l’instar des médecins qui, eux, guérissent le corps. Il faudra prendre conseil auprès des Sages afin de savoir comment nous débarrasser de nos défauts et de nos vices tels que la colère, l’orgueil, la jalousie et nous éloigner des plaisirs superflus que nous propose ce monde.

La michna affirme : « La nature de l’homme peut être perçue à travers à trois éléments : son verre, sa poche et sa colère ». Le « verre » représente la boisson, à savoir l’homme en état d’ivresse ; « sa poche », c’est son rapport à l’argent ; « sa colère » : il s’agit de son comportement lorsqu’il se met en colère. Ainsi, ces trois éléments vont révéler la véritable personnalité de l’homme. Il faut avoir la lucidité et le courage d’admettre et d’accepter la réalité de son comportement dans les trois domaines susmentionnés. C’est à cette condition, puis en soumettant son comportement à une analyse critique, que l’on peut arriver à se connaître et à s’améliorer.

Il peut également arriver que l’on entende une critique à notre propos à l’insu de ceux qui l’ont proférée. Cette situation, aussi désagréable qu’elle soit, peut cependant contenir un aspect positif. En effet, nous dit Rabbi Israël Salanter, un homme  intelligent et qui aspire à la perfection morale se doit d’écouter en silence les paroles proférées à son encontre et en analyser le bien-fondé. Peut-être contiennent-elles une once de vérité ? Un verset des Téhilim fait du reste allusion à cette situation : « De celui qui m’est proche, mes oreilles écoutent » : lorsqu’on fait sa critique, l’homme doit se montrer prêt à écouter ce qui est dit sur lui et d’utiliser ces paroles dans un but productif.

Il faut être conscient du fait que chaque être humain possède des qualités et des défauts qui relèvent aussi bien du domaine de l’acquis que de celui de l’inné. Cependant, ne perdons pas de vue la polarité existentielle qui caractérise l’humain, à la fois ange et animal. L’homme possède en effet d’une part des possibilités illimitées, des forces morales et spirituelles insoupçonnées, et d’autre part une attirance irrésistible vers le bas.

C’est à l’aune de cette explication que l’on peut comprendre le rêve que fit Yaakov Avinou. Yaakov, après avoir passé 14 ans en yéchiva chez Chem et Ever, s’endort en chemin et fait un rêve extraordinaire : « …une échelle était dressée à terre et son sommet atteignait le ciel ; des anges montaient et descendaient… ». Le texte précise bien que les pieds de l’échelle reposaient sur la terre et que son sommet atteignait le ciel. Les commentateurs expliquent que cette échelle est une représentation de la vie spirituelle de Yaakov. Celui-ci était conscient du fait que d’une part, il possédait en lui un aspect terrestre, mais également qu’il avait la capacité de s’élever jusqu’au ciel, c’est-à-dire à l’infini…

Ainsi, l’homme est composé d’un corps et d’une âme, d’un corps qui est matériel et d’une âme qui est élevée, grande et spirituelle ; se connaître réellement, c’est connaître ces deux pôles inverses et ce qu’ils renferment : nos actions et nos pensées qui révèlent l’essence profonde de l’individu.

Rabbi Israël Salanter affirme qu’un homme qui ne connaît pas les défauts qui l’habitent est en mauvaise posture : en effet, il n’a pas la possibilité de s’amender et de s’améliorer. Pourtant, l’homme qui ignore ses qualités est dans une situation pire encore. Il est semblable  à l’artisan qui ne sait même pas faire un juste emploi des outils de travail dont il dispose.

Rabbi Tsadok Hacohen, dans son ouvrage « Tsidkat Hatsadik », alinéas 49 et 181, nous enseigne ce qui suit : tous les défauts et toutes les pulsions qui nous poursuivent au quotidien et nous incitent à la faute sont en réalité des « kélim » (ustensiles) capables de contenir la  bénédiction et la réussite pour celui qui en est porteur. Ce sont les fautes qui présentent un attrait particulier à nos yeux qui constituent précisément un champ d’exercice et d’avancement privilégié.

C'est pourquoi la Thora exige de nous une maîtrise totale et parfaite dans ces domaines qui nous semblent les plus difficiles. La michna dit bien : « Qui est l’homme fort ? Celui qui domine son mauvais penchant [yitsro] » spécifique à lui, et non « le mauvais penchant » en général.

La Thora dit : « Ce fut soir, ce fut matin, un jour ». Les ténèbres précédèrent donc la lumière. A ce propos, le Zohar hakadoch explique : « La lumière ne peut jaillir qu’à partir des ténèbres », de la même façon que l’aube pointe après la nuit. Ainsi donc la réussite ne survient qu’au sein de la difficulté. Au plus fort de l’affrontement avec le yétser hara, surgit la lumière. La progression spirituelle dépend précisément de l’importance et de la difficulté de l’épreuve.

Rabbi Tsadok Hacohen affirme que c’est là tout le but de la venue de l’homme sur terre. Le Midrach Raba dit à ce propos : « Le membre qui a fauté devra faire des mitsvot ». Une langue souillée par le lachon hara devra par exemple, pour se purifier, multiplier la tefila et l’étude de la Thora en général, ainsi que l’étude des lois de chmirat halachone en particulier. Rabbi Tsadok Hacohen ajoute que la personne qui agit ainsi répare non seulement le membre qui a fauté, mais répare aussi tout son être en général. Car l’être humain vient au monde dans un but spécifique afin de réparer un défaut particulier.