Nous sommes tous confrontés, de manière constante, à la nécessité d’opérer des choix dans la vie. C’est ce que le judaïsme appelle le koa’h habé’hira (libre arbitre). Rabbénou Yona explique que le libre arbitre est une faculté extraordinaire constituant même une mitsva qui nous a été accordée par Hachem Lui-même. Cependant, au cours des très nombreuses occasions où l’on doit faire appel au koa'h habe’hira, il est rare que nous en faisions bon usage.

Prenons un exemple : imaginons qu’une personne ait envie d’acheter un gâteau. Mais la pâtisserie la plus proche se trouve à 6 km de distance. Elle hésite donc. Dans un premier cas, la personne décide de parcourir la distance à pied dans le froid, ou au contraire sous une chaleur étouffante, pour acheter son fameux gâteau. Dans un autre cas de figure, elle décide d’y renoncer et de rester chez elle. A priori, nous sommes ici face à une situation où l'on doit faire appel au libre arbitre. Pourtant, en y regardant de plus près, l'on réalisera qu'il n'y pas ici de bé'hira réelle. Ce à quoi nous avons affaire ici, ce sont deux défauts, en l’occurrence la paresse et la gourmandise, qui entrent en conflit et la question est de savoir lequel des deux défauts va l'emporter. Que ce soit la gourmandise ou la paresse qui ait le dessus ne veut pas dire que la personne ait utilisé son koa’h habe’hira.

Autre exemple : une personne est dans son lit et hésite à se lever. Elle est éveillée, mais oscille entre rester dans son lit ou commencer sa journée. Que la personne décide finalement de se lever immédiatement ou de prolonger son séjour au pays du sommeil ne signifie toujours pas qu’elle ait mis en œuvre son libre arbitre. En effet, si la personne décide de se lever, il est probable qu’elle le fasse uniquement par peur du regard des autres. Si en revanche, elle décide de rester dans son lit, elle n'a pas choisi cette situation de son plein gré ; elle était plutôt mue par la paresse et le plaisir que représente le fait de faire la grasse matinée. Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’une décision prise en toute bonne foi et en l’exercice de ses pleines facultés de choisir.
 

Comment donc exploiter au mieux notre libre arbitre ?

La première étape consiste à prendre du recul par rapport à la situation dans laquelle on se trouve. Il convient d’analyser la situation de manière rationnelle. Dans un second temps, il est nécessaire de faire le bilan des différentes forces qui sont en train de nous faire agir. Il faut identifier nos contradictions internes et les accepter : dans telle situation, c’est la gourmandise qui m’aura poussé à agir ; dans telle autre situation, c’est la paresse qui l’aura emporté, et ainsi de suite. Ces forces peuvent être extrêmement puissantes, ainsi, il convient de bien les prendre en considération. Ce n’est qu’ensuite que l’on pourra prendre une décision claire et rationnelle et détachée de mes intérêts personnels. La réflexion qui précèdera à cette décision sera dirigée par des principes de base moraux, spirituels et intellectuels qu’on aura établis au préalable grâce à l’étude de la Thora.

Introduisons à ce stade une parenthèse. Une personne peut s'élever spirituellement au point d’être capable de neutraliser complètement les défauts que sont la paresse, la gourmandise etc. Une telle personne sera donc en mesure de prendre une décision sur un mode totalement rationnel ; dans ce cas-là, il s’agit du meilleur emploi possible de cette force appelée le libre arbitre. Cependant, même en se situant à un niveau moins élevé qui est celui décrit plus haut, à savoir surmonter ses tendances naturelles, on considèrera tout de même être resté dans les justes limites du libre arbitre. Ainsi, même dans le cas où je sais pertinemment que ce qui me motive à acheter mon gâteau est la gourmandise, et que ce qui me motive à ne pas y aller est la paresse, il est tout de même possible de transférer l’issu de ce dilemme au libre arbitre en faisant appel, comme nous l’avons expliqué, à la raison. Il est important donc, de faire preuve de modération et de ne pas prendre de décision de façon précipitée. Il faudra prendre du recul, analyser la situation afin de prendre conscience des forces en jeu.

Il est tout à fait possible également que l'on sache de manière claire que dans telle situation, nous avons réellement besoin de nous faire plaisir et cela ne pourra que  nous être bénéfique et nous aider à mieux accomplir nos devoirs. Quelqu'un à qui, D. préserve, on aurait annoncé une mauvaise nouvelle, ou qui serait plongé dans la mélancolie, peut très bien décider de manière rationnelle, que dans cette situation précise dans laquelle il se trouve, il a besoin de s’accorder une gâterie afin d'aller un peu mieux. Evidemment, dans ce type de cas, il faudra bien peser le pour et le contre du fait que nous ne souhaitons pas aggraver nos défauts, tels la paresse ou la gourmandise. Cependant, il faut savoir que c'est là également une possibilité, et que j’aurai là aussi fait appel à mon koa’h habe’hira.