Un groupe de Raché Yéchiva (directeurs d'académies talmudiques) vint consulter Rabbi ’Haïm concernant un problème humain. Ils hésitaient à accepter dans leur institution un jeune homme d’un niveau très faible par rapport à celui de la Yéchiva. « Si nous l’acceptons, expliquèrent-ils, on risque finalement d’en arriver à n’avoir d’autre choix que de le renvoyer. D’un autre côté, il aspire de tout cœur à intégrer notre Yéchiva. »

En guise de réponse, le Rav Kanievsky leur raconta un incident qui avait eu lieu avec le ’Hatam Sofèr, qui était lui aussi Roch Yéchiva. Un jeune homme plein de candeur était venu le voir pour lui demander de l’accepter dans sa structure.

« Quel âge as-tu ? l’interrogea le ’Hatam Sofèr.

– Dix-huit ans.

– Et quelles connaissances as-tu ?

– Aucune, avoua le jeune. Je n’ai jamais appris l’Aleph-Beth.

– Il n’est pas possible d’accepter à la Yéchiva un jeune qui ne sait pas même lire, s’excusa le Rav.

– J’aspire de tout mon cœur à étudier la Torah, insista le jeune homme ; je ne veux pas rester ignorant ! »

Devant une telle détermination, le ’Hatam Sofèr décida de l’accepter. Il chargea des élèves de combler ses lacunes, à commencer par l’apprentissage de la lecture. Mais les capacités du jeune semblaient si limitées qu’il oubliait chaque jour ce qu’il avait appris la veille !

Cependant, cela n’était pas pour décourager le studieux jeune homme, qui révisait inlassablement ce qu’on lui apprenait. Après une longue période, il fut enfin capable de lire et d’écrire. Ses « tuteurs » se mirent alors à lui enseigner le ’Houmach – cela lui prit très longtemps pour comprendre les versets et surtout pour retenir ce qu’il apprenait. Mais par la force de sa volonté de fer, il surmonta les difficultés et avec le temps, passa à l’étude de la Michna puis de la Guémara.

A cette nouvelle étape, les difficultés s’amoncelèrent de nouveau. A un moment donné, le ’Hatam Sofèr le prit gentiment à part :

« Ecoute, cher élève, lui dit-il, il semblerait qu’en dépit de tous tes efforts, tu ne pourras jamais devenir un Talmid ’Hakham. Peut-être serait-il préférable que tu quittes la Yéchiva et fondes un foyer. Si D.ieu veut, le moment venu, tu enverras tes fils à la Yéchiva ; ils deviendront certainement de grands Talmidé ’Hakhamim !

– Il n’en est pas question ! protesta le jeune. Je veux en devenir un moi-même ! »

Pas à pas, notre persévérant jeune homme poursuivit son avancée dans les arcanes du Talmud.

Trente ans plus tard, le ’Hatam Sofèr reçut un courrier en provenance du Rav d’une importante communauté d’Europe. Il montra la missive à son fils, le Ktav Sofèr, pour avoir son avis sur son auteur. « On voit tout de suite qu’elle a été écrite par un éminent érudit ! » s’écria ce dernier.

« Est-ce que tu te souviens de ce jeune élève parti de zéro qui avait fourni tant d’efforts pour comprendre le Talmud ? C’est lui qui m’écrit cette lettre. Par le pouvoir de sa volonté exceptionnelle, il s’est tant et si bien investi dans l’étude qu’il est devenu un grand érudit ! »

En évoquant cette histoire, Rabbi ’Haïm ajouta qu’il avait lui-même côtoyé, à l’époque où il étudiait à la Yéchiva, un Ba’hour ayant de grandes difficultés de compréhension, qui posait des questions sans queue ni tête. Et pourtant, il fournit des efforts démesurés et progressa peu à peu.

« Dans votre cas également, conclut-il à l’adresse des Raché Yéchiva avec des larmes d’émotion, s’il est si motivé, donnez-lui une chance… »