L’homme doit veiller autant que possible à ne pas se faire remarquer, comme nous l’avons vu dans le traité Tamid (32a) : « Il leur demande : Comment doit-on se comporter pour avoir une longue vie ? Ils répondent : on doit se tuer. Comment doit-on se conduire pour raccourcir ses jours ? On doit se faire exister.

Et d’expliquer : que veut dire "se tuer" ? Anéantir son égo, et que signifie "se faire exister" ? Se faire valoriser et, par là, les créatures lui font le mauvais œil, le jalousent et il finit par mourir. » Nos sages en déduisent qu’un homme désirant vivre anéantira son égo, les hommes auront pitié de lui, et il vivra de longues années, il fuira l’orgueil pour éviter de raccourcir sa vie et de mourir avant l’heure fixée.

Malheureusement, certains cherchent à se faire remarquer et ne comprennent pas que par là, ils se causent du tort.

D’autres ne veulent absolument pas se faire valoir, mais comme dans la réalité, ils se font remarquer, ils en souffrent.

Le Rav Diskin, l’un des Roch Yéchiva d’Or’hot Torah, m’a relaté qu’ils se trouvaient un jour chez le Rav Aharon Leib Steinman pour parler de la préparation d’une intronisation d’un nouveau Séfer Torah pour l’élévation de l’âme du père du Rav Yaakov Virzivinsky, avec un grand rassemblement d’anciens élèves, etc. Rav Steinman répondit immédiatement : « Non. Les premières Tables de la Loi ont été données en public et ont été immédiatement détruites ». Il annula ce projet.

Rav Steinman déclara un jour dans son cours que ceux qui organisent un mariage en grande pompe, ou qui reçoivent un grand appartement, n’ont souvent pas le privilège d’avoir d’enfants, car les gens voient que leur situation est trop enviable, et on leur porte le mauvais œil. D’après le sens premier, Ra’hel Iménou n’avait pas d’enfants pour cette raison-là : Ya’acov l’aimait et avait travaillé pour elle pendant sept ans, etc. Cela paraissait trop enviable aux autres.

D’après le Rav Schneider, Rav Steinman a expliqué un jour au directeur de l’association « Boné ‘Olam » (association s’occupant des couples ayant des problèmes de fertilité) que la plupart de ceux qui n’ont pas d’enfants sont dans cette situation soit parce qu’ils ont organisé un mariage trop somptueux, soit qu’ils ont reçu un appartement exceptionnel, et les gens s’interrogent : pourquoi un jeune couple doit-il recevoir un appartement de quatre pièces ?!

Quelque temps plus tard, le directeur de cette association vint trouver Rav Steinman en lui expliquant qu’il avait vérifié les données, et qu’elles correspondaient aux propos du Rav !

Un jour, un Roch Yéchiva érudit était hospitalisé, Rav Steinman vint lui rendre visite, il lui expliqua que cela provenait du mauvais œil, parce qu’il réussissait trop.

Il déclara une fois : « Le Gaon Rav ‘Haïm Kanievsky dit au nom du ‘Hazon Ich qu’à Bné Brak le mauvais œil ne fait pas de victimes. Peut-être qu’à l’époque du ‘Hazon Ich, le mauvais œil n’existait pas à Bné Brak, grâce à son mérite, mais à notre époque, nous voyons de nos propres yeux que le mauvais œil fait des dégâts ici ».

Le Rav Steinman affirme que la popularité aussi bien dans le domaine de la spiritualité que de la matérialité fait des dégâts. En conséquence, lorsqu’il a publié ses livres (Ayélet Hacha’har), il n’a pas écrit de nom d’auteur, il n’y a fait qu’une allusion (le Rokéa’h préconise de faire une allusion à son nom dans l’ouvrage).

Voici ce qui est écrit dans le Séfer ‘Hassidim : « Un élève a demandé à un sage : "Lorsque je finis une étude, ou un traité, comment éviter d’être frappé par un malheur ? Et le sage de lui répondre : "n’écris pas ton nom dans le livre", c’est ce qu’il fit, et réussit sans qu’on lui porte atteinte. »

Un homme interrogea une fois Rav Steinman : « J’ai reçu en cadeau un objet en forme d’arbre avec des branches où est dessinée la généalogie de ma famille avec tous mes descendants. Puis-je le suspendre chez moi, ou dois-je craindre le mauvais œil ? » Rabbénou lui conseilla de le suspendre dans un endroit discret.

Rav Steinman a demandé au bedeau de la synagogue où il prie de ne jamais réciter de « Mi Chébérakh » pour la naissance d’un petit-fils, et il demande toujours que les fiançailles ou mariages de sa famille soient annoncés discrètement, sans grande pompe. Il a toujours interdit à ses élèves de publier une annonce de bénédiction dans le journal lorsqu’il a une fête de famille. De même, lorsqu’il était en deuil suite au décès de la rabbanite, il a demandé à ne pas publier d’annonce dans les journaux.

J’ai entendu du Rav Steinman qu’il avait pensé éditer un livre sur le Siddour uniquement pour sa famille pour éviter le mauvais œil. « Pour tout livre que j’ai publié, il me semble qu’ensuite, je ne me suis pas senti bien. »

A un homme qui voulait déménager pour s’installer dans un appartement plus spacieux et plus beau, et qui craignait le mauvais œil, Rabbénou répondit : « Es-tu le seul à posséder un bel appartement ? Nos Sages ont dit : "un bel appartement apporte de la satisfaction et de la sérénité à l’homme". ».