J’étais une fois au domicile de Rabbi Acher en compagnie d’amis une journée d’été de grande chaleur. Soudain, une femme habillée de manière totalement impudique fit irruption chez le Rav et demanda : « Qui est Rabbi Acher ? »

Rabbi Acher répondit : « C’est moi, que voulez-vous ? »

« Je suis arrivée de Russie, et je suis totalement isolée en Israël », commença à raconter la femme à moitié en pleurs, « je dois déménager des meubles d’un appartement de location à Beth Hakérem dans un appartement de la rue Oussickhin, et je n’ai pas d’argent pour le déménagement. Quelqu’un m’a donné l’adresse de Rabbi Acher et m’a dit qu’il aidait tout le monde et qu’il m’aiderait aussi… »

Rabbi Acher me demanda ainsi qu’à quelques amis de lui transférer ces meubles. Nous montâmes dans un minibus alors que tous mes amis avions les yeux rivés à terre en raison de son manque de Tsniout. Arrivés à Beth Hakérem, nous plaçâmes ses meubles dans le minibus et prîmes la direction de la rue Oussichkin.

Elle me dit soudain : « Je sais ce qu’est un Rav, et je sais que ce n’est pas bien d’apparaître devant lui dans la tenue que je porte. Mais je n’avais pas d’autre robe, et le Rav ne m’a pas rabaissée, il m’a gentiment parlée et m’a aidée. Sache que, jusqu’à aujourd’hui, je mangeais non-Cachère, je mélangeais le lait et la viande, mangeais du pain à Pessa’h, et ne respectais pas le Chabbath et les fêtes. Mais, à partir d’aujourd’hui, je m’engage à ne porter que des habits pudiques, à manger Cachère et à respecter le Chabbath. »

Nous étions sous le choc en entendant ses propos, prononcés du fond de son cœur ; elle poursuivit : « Sais-tu pourquoi ? Uniquement parce que ce Rav s’est conduit comme ça avec moi. »

Rabbi Acher Freind nous donne une leçon extraordinaire, adressée à chacun d’entre nous, sur la Ahavat Israël, l’amour authentique porté à nos frères juifs, et la définition d’un amour inconditionnel.

Il va de soi, d’après cette histoire, que c’est uniquement grâce à l’amour gratuit de Rabbi Acher que cette femme juive est revenue à ses racines, auprès de notre Père céleste.

Et le ‘Hazon Ich en personne a tranché dans la Halakha que, de nos jours, il nous faut rapprocher les personnes éloignées de la Torah par des liens d’amour (Yoré Déa, 2, voir sur place).

Par l’amour, il est possible d’ouvrir les cœurs et de rapprocher les Juifs du judaïsme ; c’est le sens de cet adage extrait du traité Avot : « Aime les créatures et rapproche-les de la Torah. »

Nous apprenons de nos Sages que pour ce qui a trait au rapprochement des âmes, alors celui qui fait le premier pas est rapproché en premier et c’est la clé pour ranimer la flamme de l’homme. Lorsqu’il y a une manifestation d’un amour authentique, ces mêmes âmes voudront se rapprocher de la voie de la Torah et des Mitsvot.

Et s’il est difficile de l’aimer en raison de ses actions, on apprendra à le juger favorablement et à trouver ses points positifs, car tout Juif possède une abondance de bienfaits, et, grâce à cela, notre amour pour lui s’éveillera dans notre cœur.

Voici les propos du défenseur du peuple juif, Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev :

« Celui qui ne possède pas cette vertu de voir toujours le bien et la droiture chez un Juif ni cette vertu sainte de raconter toujours du bien d’un autre juif, et que tous les Juifs soient toujours admirables à ses yeux, et s’il n’a pas la qualité de toujours juger favorablement son frère juif, il saura avec certitude qu’il n’aura pas le privilège de se mettre au service du Créateur ».

Un homme peut baigner toute la journée dans l’étude de la Torah, prier chaque matin au Nets (aube), mettre plusieurs paires de Téfilines chaque jour, se tremper au Mikvé matin et soir, achever chaque jour la lecture du livre des Téhilim, respecter les Chabbathot et les jours de fête, être très scrupuleux dans le respect de la Halakha, etc. Mais s’il n’a pas fait l’effort d’acquérir le niveau de l’amour du prochain, avec toutes ses implications, il saura qu’il lui manque l’essentiel : en effet, l’essentiel chez Celui qui a dit : « Et le monde fut » est l’Ahavat Israël.

Et puisque la Ahavat Israël est la chose la plus élevée et la plus importante qui soit, alors le mauvais penchant s’investit de toutes ses forces dans ce domaine. Il est content que l’homme se consacre toute sa vie à tout ce qui a trait à la sainteté, pourvu qu’il laisse de côté l’Ahavat Israël et abandonne l’idée de juger favorablement ses frères juifs, car, en accédant à cela, « il peut se mettre au service du Créateur » !

Puissions-nous multiplier l’amour et la paix, et nous rapprocher tous comme un seul homme de notre Père au Ciel.