Dans les Pirké Avot (5, 20) il est dit : « Yéhouda ben Téma dit : "sois audacieux comme le léopard, leste comme l’aigle, prompt comme le chevreuil et fort comme le lion pour accomplir la volonté de ton Père qui est aux Cieux. »

Mon père, résident de Jérusalem dans son enfance, relate qu’un Juif de la ville, qui s’appelait, me semble-t-il, Reb Chalom Guibor, déambulait à l’aube à la période des Sli’hot dans les cours de Jérusalem et déclamait cette Michna sur un ton mélodieux. Il avait une voix puissante qui résonnait sur une distance de plusieurs rues.

Qu’est-ce que « audacieux comme le léopard ? » Les commentateurs expliquent que le Rama y fait référence dans le Choul’han Aroukh (Ora’h Haïm) : « On n’aura pas honte de ceux qui se moquent de nous dans notre service divin. »

J’ai un jour pris la parole dans un séminaire de jeunes filles sur la Tsniout (pudeur), et je leur ai parlé en ces termes :

En réalité, cette Halakha de ne pas avoir honte devant ceux qui se moquent de notre service divin est une règle étonnante : comment peut-on dire à quelqu’un : n’aie pas honte. On aurait pu lui dire : en dépit de la honte que tu ressens, tu dois suivre ce que la Torah te prescrit. Mais comment lui ordonner de ne pas avoir honte ? Il a honte ! C’est la réalité. On se moque de lui, on rit de lui, on dit qu’il appartient au passé, on lui donne des surnoms.

Comment ça, ne pas avoir honte ? J’ai bien honte !

J’ai entendu à ce sujet une histoire percutante du Rav David Solovetchik, fils du Rav de Brisk :

Un Juif avait du mal à trouver le sommeil la nuit. Il sortit sur la terrasse pour prendre un peu l’air. Il vit deux hommes courir et en chemin, ils ouvrirent une poubelle à l’intérieur de laquelle ils vidèrent un sac, puis continuèrent à s’enfuir. Quelques minutes plus tard, il aperçut des policiers les poursuivre. Qu’avaient-ils bien pu jeter dans la poubelle ?

La nuit, on ne voit pas bien. Il attendit que le jour se lève, descendit les escaliers, ouvrit la poubelle et y aperçut des dollars. Il a compris qu’ils ont jeté dans la poubelle des dollars. Il commence à fouiller entre les monticules de détritus, et trouve cent dollars. Il continue à fouiller et trouve encore cent dollars, puis il continue à trouver d’autres billets de cent dollars.

Des individus commencent à passer à côté de la poubelle, en chemin pour le travail, et voient un homme fouiller au fond de la poubelle.

Il entend un homme dire à l’autre : « C’est sans doute un fou, il fouille dans la poubelle… » D’autres passants passent, et il les entend parler : « Pitié, miséricorde pour cet homme. Il n’a pas toute sa tête… »

Il entend ces propos, mais continue à fouiller. A-t-il honte devant eux ? Il se moque d’eux. Qu’ils disent ce qu’ils veulent, chaque minute il trouve un billet de cent dollars, il accumule une fortune. Que lui importe si on dit de lui qu’il est insensé, idiot, ou qu’on l’affuble d’une autre appellation injurieuse. Il sait que chaque minute, il s’enrichit de plus en plus.

« On n’aura pas honte de ceux qui se moquent de nous dans notre service divin. » En effet, on accumule ici une fortune, et de plus, puisqu’on nous fait honte, grâce à cela uniquement, on accumule une fortune. En conséquence, n’ayez pas honte, vous n’avez pas de quoi avoir honte, vous gagnez des millions. Lorsqu’on est vêtu avec décence, selon les règles de la Halakha, ça vaut des millions !