La semaine dernière, nous avons abordé divers cas qui pourraient laisser penser qu’il est permis de voler, et nous avons vu que dans de nombreux cas, c’est considéré néanmoins comme du vol.

La question se pose de savoir ce qu’il en est lorsqu’on utilise un objet appartenant à un parent ou à un ami proche sans le leur demander : la loi est-elle plus indulgente dans ce cas ?[2]

Il y a un certain nombre de variables qui jouent sur la réponse à cette question. Si on n’est pas certain que le parent serait content de donner cet objet, alors c’est considéré comme du vol. Si néanmoins, dans le passé, le parent nous a donné la permission expresse de prendre ce type d’objet, alors ce n’est pas considéré comme du vol lorsqu’on se sert de cet objet sans la permission du propriétaire. La raison pour laquelle nous agissons ainsi est que le parent a pré-consenti à nous le laisser prendre. Par exemple, John se rend régulièrement au domicile de ses parents qui lui offrent à manger et à boire. Un jour, John se retrouve seul chez eux ; il a le droit de se servir de la nourriture et de la boisson sans que ses parents en soient informés.

Et dans le cas où on n’a jamais pris un certain objet dans le passé, mais qu’on est certain que notre proche parent n’en sera pas dérangé ? La majorité des Posskim[3]sont d’avis que c’est interdit. C’est le cas même si le proche n’a pas été gêné lorsqu’il a découvert ce qui s’était passé. Par exemple, Brian avait besoin d’un nouveau stylo et savait que son frère Dave en possédait beaucoup. Il a pris l’un des stylos de Dave sans permission. Lorsque Dave s’en en rendu compte, il a été très content que son frère ait pris le stylo. L’acte de Brian est néanmoins considéré comme du vol. Nous ne considérons pas dans ce cas que Dave avait donné une permission antérieure, car il n’avait jamais permis à Brian de prendre ce genre d’objet dans le passé.[4]

Les lois relatives à la prise d’objets d’un membre de la famille s’appliquent également à un mari et une femme. Un homme ne pourra prendre d’objets personnels appartenant à son épouse sans son consentement, et vice versa. Une femme ne pourra pas distribuer des ressources appartenant à son époux sans son accord. En conséquence, elle ne pourra pas faire de don d’un montant supérieur à ce que son mari aurait voulu donner, sans qu’il n’en soit informé au préalable. Mais si son mari l’autorise à offrir le montant qu’elle désire, elle pourra le faire. De plus, si elle dit à des solliciteurs que son mari l’autorise à donner une certaine somme, ils auront droit de la croire et de la prendre.

Autre question importante : quelle est la règle en ce qui concerne les objets appartenant à nos enfants ? Ces lois changent-elles lorsque l’enfant atteint l’âge de la Bar Mitsva ou de la Bat Mitsva ?[5] De manière générale, les biens d’un enfant mineur (un garçon de moins de treize ans ou une fille de moins de douze ans) entretenu par ses parents appartiennent légalement à leur père. En conséquence, un parent a le droit de prendre un objet appartenant à son enfant sans sa permission. C’est même le cas pour des cadeaux offerts aux enfants. Le père devient le propriétaire légitime du cadeau, qu’il peut employer à sa discrétion, pour le bénéfice de l’enfant. De même, des objets perdus trouvés par un enfant appartiennent légalement aux parents.

Il y a une controverse parmi les décisionnaires en ce qui concerne les revenus d’un mineur. Certains sont d’avis qu’ils appartiennent également aux parents, tandis que d’autres s’y opposent, arguant que les salaires appartiennent de manière légitime à l’enfant.

Si l’enfant reçoit un héritage ou a reçu un cadeau à condition que son père soit exclu du droit de propriété, il est alors la propriété légale de l’enfant et le parent ne pourra pas le lui prendre. C’est même le cas si le père souhaite employer l’argent ou l’objet dans l’intérêt de l’enfant[6].

Lorsqu’un garçon atteint l’âge de 13 ans ou une fille, de 12 ans, la loi diffère en fonction de si l’enfant subvient lui-même à ses besoins ou si ses parents l’entretiennent. S’il subvient lui-même à ses besoins, les cadeaux qu’on lui a offerts lui appartiennent et si ses parents les lui prennent sans sa permission, c’est du vol[7]. Si les parents entretiennent leur enfant, il y a une controverse parmi les Richonim sur les cadeaux qu’ils ont reçus. Certains tiennent que le parent en est le propriétaire légitime, tandis que d’autres sont d’avis qu’ils appartiennent à l’enfant.


[1] Une bonne partie des informations de ce texte sont extraites de l’ouvrage Halachos of Other People's Money du Rabbi Yisroel Pinchos Bodner.

[2] Remarque : il y a deux manières de prendre des objets qui seront abordées dans les semaines à venir. La première consiste à prendre un objet qui sera consommé, par exemple, de la nourriture. L’autre consiste à emprunter un objet et à le restituer sous la même forme - par exemple, utiliser la chaise de quelqu’un d’autre et la lui rendre. Dans cet article, nous abordons uniquement la première forme, lorsqu’on ne restitue pas l’objet dans le même état.

[3] Un Possek désigne un décisionnaire en Torah.

[4] Le raisonnement lié à cette règle dépasse le cadre de cet article. Pour plus de détails, consulter l’ouvrage

 Halachos of other People's Money, p.27-8 dans les notes de bas de page en hébreu.

[5] Un garçon célèbre sa Bar Mitsva à 13 ans, lorsqu’il est tenu de pratiquer toutes les Mitsvot, comme un adulte. Lorsqu’une fille atteint l’âge de la Bat Mitsva à douze ans, elle obtient le même statut.

[6] Voir Bodner, Halachos of Other People's Money, p.30 pour plus de détails sur cette règle.

[7] Ceci s’applique à condition que l’enfant ne laisse pas régulièrement ses parents se servir de cet objet - dans un tel cas, il serait permis au parent de le prendre sans sa permission.