Le titre du magazine Time me fit glousser : « Le coureur remporte le marathon après que ses concurrents se sont trompés de chemin ». J’imaginais des marathoniens idiots payant le juste prix pour leur bêtise, mais, en lisant l’article, il s’avéra que ce n’était pas le cas.

Le coureur italien, Eyob Faniel, avait remporté la première place du marathon de Venise, car les coureurs favoris - Abdulahl Dawud, Gilbert Kipleting Chumba, Kipkemei Mutai et David Kiprono Metto - avaient été dirigés sur une mauvaise piste par un guide en motocyclette. Les quelques centaines de mètres parcourus dans la mauvaise direction avant de revenir sur le parcours officiel procurèrent à Faniel assez d’avance pour lui offrir la première place. L’erreur se produisit aux deux-tiers de la course. Parmi ceux qui ont été induits en erreur, Chumba est arrivé en quatrième position et Metto, en cinquième.

Vous remarquerez que les coureurs induits en erreur n’ont pas reçu de bonus de temps pour compenser l’erreur. La course n’a pas été arrêtée pour qu’ils puissent reprendre leur place. Bien que l’erreur ne fût pas de la faute de Dawud, Chumba, Mutai et Metto, ils ont dû subir les conséquences d’avoir été induits en erreur.

C’est la vie. Parfois, les gens sont induits en erreur et ils doivent en assumer les conséquences. ‘Hava a été induite en erreur par le serpent et a été maudite pour cela. Adam a été induit en erreur par ‘Hava et a été également maudit. Kora’h a fourvoyé un grand groupe de partisans, qui ont été détruits suite à cela. Le Roi A’hab a même été induit en erreur par un faux esprit, qui a conduit à sa destitution. Nous aimerions qu’il en soit autrement, mais si on nous donne de mauvais conseils ou de mauvais renseignements, nous sommes tenus d’assumer les erreurs qui en découlent.

Oui, un commandement de la Torah nous prescrit de ne pas induire les autres en erreur. Le livre de Vayikra 19, 14 nous dit : « Ne placez pas d’embûche devant un aveugle ». Bien que nous ne le fassions pas au sens littéral, Rachi explique que le sens de ce verset est métaphorique. Il existe un interdit spécifique de donner de mauvais conseils à quelqu’un d’« aveugle » dans un certain sens. Par exemple, il m’est interdit de vous dire de vendre votre motocyclette dangereuse et d’acheter une jolie berline, alors qu’en réalité je vise à acheter votre motocyclette. De même, on ne peut induire autrui en erreur dans des domaines religieux, comme en leur servant de la nourriture non-Cachère.

Dans la même veine, la Torah (Deutéronome 13:7-12) nous enjoint de ne pas entraîner les autres à l’idolâtrie. On nous dit à propos d’un tel homme (nommé un « Métiss ») que nous n’avons pas le droit de l’aimer, d’écouter sa version des faits ou de l’aider - même si sa vie est en danger ! De plus, un Métiss ne reçoit pas les avantages dont bénéficient d’autres accusés dans des cas de condamnation à mort d’après la loi de la Torah. Induire les autres en erreur est considéré comme un crime terrible.

Mais s’il est vrai qu’il est grave d’être induit en erreur, il n’en reste pas moins que l’on n’est pas dispensé des répercussions si quelqu’un nous fourvoie. Dans le Deutéronome (13, 2-6), nous trouvons les lois relatives au faux prophète (Navi Chéker). Il est bien entendu interdit d’être un faux prophète, mais l’accent est ici particulièrement porté sur le fait de n’être pas induit en erreur.

« Tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète ou de ce visionnaire car D.ieu vous met à l’épreuve, pour constater si vous l’aimez réellement de tout votre cœur et de toute votre âme » (13, 4).

En réalité, les (vrais) prophètes nous ont constamment mis en garde de ne pas nous laisser égarer par de faux prophètes, car le fait d’être induit en erreur n’est pas dénué de conséquences. (C’est valable également de nos jours. On doit soigneusement choisir son Rav, car certains individus faussent les valeurs de la Torah pour leur profit personnel ou pour promouvoir des causes partisanes.)

Nous avons même été mis en garde de ne pas nous laisser égarer ! En effet, nous répétons constamment cette mise en garde dans le Chéma’ :

« …vous rappellera tous les commandements de D.ieu afin que vous les exécutiez et ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entrainent à l’infidélité. » (Bamidbar 15, 39)

Oui, le concept de « Tinok Chénichba » existe bien, une personne ignorante qui agit mal, pour avoir été induite en erreur, et c’est certainement mieux que d’agir avec une intention frauduleuse, mais ce n’est pas pour autant que l’on nous donne carte blanche. Il vaut mieux agir convenablement dès le départ.

Les conséquences d’être induit en erreur peuvent revêtir de nombreuses formes. Disons que je vous propose un steak dans un restaurant. Si je vous trompe en vous faisant manger de la viande gâtée, la conséquence sera financière. Si je vous sers de la nourriture non-Cachère, la conséquence sera spirituelle. Aucune de ces deux situations n’est de votre faute, mais ce sont des conséquences.

Agir mal suite à un mauvais conseil dans le domaine religieux n’est peut-être pas une « faute » en soi, mais c’est tout de même une conséquence dont nous devons nous prémunir, tout comme nous le faisons pour des conséquences matérielles ou financières. Même si ce n’est pas de notre faute, le fait de nous égarer peut nous conduire à perdre la course.

Rabbi Jacky Abramovitz