« Si quelqu’un te dit : il y a de la sagesse parmi les Nations, tu peux le croire. Si par contre, quelqu’un te dit : il y a de la Torah parmi les Nations, ne le crois pas. » (Midrash Ekha Rabba 2,13)
Par cette formule lapidaire, nos Sages ont voulu définir deux choses essentielles : le regard que nous devons porter sur la « Torah » des Nations et le regard que nous devons porter sur leur sagesse. Si l’on te parle d’une Torah chez les Nations, d’un rapport transcendantal à la divinité, d’une vérité exclusive dont ils se réclameraient, n’y crois pas, n’y ajoute pas foi. En effet, la Torah a été donnée au peuple d’Israël et à nul autre peuple. Comme il est dit : « Source de bénédiction, Lui notre D.ieu, Qui nous a créés pour Sa gloire, nous a séparés de ceux qui se trompent et nous a donné une Torah de vérité. »

Cela signifie clairement que la seule spiritualité authentique se trouve chez le peuple juif. Les autres spiritualités, ce que nos Sages appellent : « Torah bagoyim » ne sont que de pâles imitations dans le meilleur des cas ou bien carrément des perversions de tous ordres qui font appel aux forces de l’impureté ou bien encore un mélange des deux.

C’est ainsi que le Rama (Rabbi Moché Isserlès de Cracovie), auteur du célèbre commentaire la Mapa sur le Choul’han ‘Aroukh explique dans son livre « Torat Ha’ola » qu’à la suite de la conquête de Jérusalem par Alexandre le Grand, qui était l’élève d’Aristote, ce dernier s’empara des livres du Roi Salomon. À la suite de cela, Aristote procéda à un véritable plagiat en recopiant les passages qui l’intéressaient et en y mêlant des idées à lui (fausses bien entendu) comme l’éternité du monde ou le refus de croire en la Providence divine. En publiant ses écrits par la suite, Aristote se garda bien de mentionner l’origine juive de nombre de ses idées.

Plus encore que cela, ce n’est pas seulement Aristote qui a puisé sa sagesse aux sources pures de la Torah ; c’est l’ensemble des Nations du monde qui a puisé sa sagesse aux sources divines de la Torah. Rabbi Yéhouda Halévy, auteur de l’illustre Séfer Hakouzari nous rapporte que l’ensemble des peuples venait écouter la sagesse du Roi Salomon à Jérusalem. Par un concours de circonstances, cette sagesse arriva en Inde puis de là, fut transmise aux Chaldéens (patrie d’origine d’Avraham), et enfin aux Perses et aux Mèdes. Par la suite, cette sagesse a été transmise aux Grecs puis aux Romains. Cependant l’origine hébraïque de cette sagesse s’est perdue au fil du temps.

חכמה בגוים תאמין À l’inverse, nos Sages ont dit que si l’on te parle d’une sagesse à visage humain chez les non-juifs, tu peux y ajouter foi. Le domaine de la foi transcendantale, des vérités absolues et révélées n’appartient qu’au peuple juif à l’exclusion de tout autre peuple. Par contre, la sagesse humaine qui provient de l’expérimentation, de la réflexion, de l’analyse critique de toutes sortes de phénomènes a une valeur incontestable reconnue par la Torah elle-même. Ce champ d’exploration est laissé à la libre initiative de l’homme et celui-ci doit s’en servir pour améliorer son quotidien, sa santé et son environnement immédiat, entres autres choses.

On rapporte dans le traité Kidouchin 33a que Rabbi Yo’hanan avait l’habitude de se lever devant les personnes âgées non-juives à cause de l’expérience considérable que ces dernières avaient accumulée au cours de leur existence. Le Rambam (Maïmonide) dans son « Traité des huit chapitres » qui constitue la préface à son commentaire des Pirké Avot nous enjoint « d’écouter la vérité de celui qui la dit ». En d’autres termes, il nous recommande une grande ouverture d’esprit qui nous rendra capable de reconnaitre la vérité même si elle est proférée par un non-juif.

De nos jours, la question se pose avec une acuité accrue : depuis près de deux siècles, toutes les sciences ont fait des progrès considérables ; quel regard devons-nous poser sur ces avancées ? La réponse de la Torah est claire : « ‘hokhma bagoyim taamin ». « Si on te parle d’une sagesse qui existerait chez les non-juifs, tu peux y ajouter foi ». Nous devons prendre en considération ces avancées dans le domaine des sciences humaines (psychologie, sociologie, ethnologie…) comme dans celui des sciences exactes (physique, chimie, astronomie…)

Prendre en considération ne signifie pas y adhérer complètement. En effet, il ne s’agit pas de Torah, dont la valeur est divine et absolue mais seulement de sagesse dont la valeur ne peut être que relative. Par conséquent notre ouverture d’esprit vis-à-vis de toutes ces avancées humaines doit être à la mesure de notre esprit critique. Et lorsque survient un conflit entre science humaine et Torah, le relatif doit s’effacer devant l’absolu…

Pour prendre un exemple, lorsque les découvertes archéologiques viennent, en apparence, contredire les données du Canon Biblique Juif (le Tanakh), il va sans dire que nous ne pouvons accorder aucune crédibilité aux sciences humaines. Ces dernières ont un mode de fonctionnement empirique et contestent la réalité d’un évènement ou d’un phénomène dès lors qu’elles ne peuvent l’appréhender. En d’autres termes, elles fonctionnent sur un mode relatif et suivent à la trace les enseignements d’Aristote l’impie qui refusait d’admettre l’existence de tout ce qu’il ne pouvait percevoir.

La Torah qui est d’essence divine n’évolue pas dans le domaine du relatif mais de l’absolu. En définitive, l’attitude du Juif peut se résumer de cette manière. Disciple fidèle de la Torah, il est armé de certitudes absolues. Fort de ces certitudes, il est tout à fait prêt à écouter et à découvrir les progrès des sciences, de toutes les sciences. Il se servira de ces progrès, soumis au préalable à une analyse critique rigoureuse pour améliorer tout ce qui peut l’être en termes d’hygiène de vie, de relations familiales et sociales, de compréhension des phénomènes politiques et historiques, de compréhension de la structure physique de l’univers et la liste n’est pas exhaustive.

En définitive, ces progrès, certes fruit de la recherche humaine mais inspirés comme l’on sait par la Providence divine, serviront au Juif à mieux comprendre la Torah, à la pratiquer avec plus de facilité et de confort ; l’eau courante, l’électricité, le téléphone, l’automobile, l’électro-ménager etc. illustrent ce principe. En d’autres termes, ces progrès feront du Juif un meilleur serviteur encore, s’il en était besoin, de l’Éternel.