Steeve, juif de 18 ans, ne connaît pas de limite ! Il a tout pour réussir mais préfère passer son temps à enquiquiner les autres. Suite à un bouleversement dramatique et une rencontre improbable, son destin prend une nouvelle dimension totalement à l'opposé de ce qui était prévu. Steeve va devenir peu à peu Shimon.

Chaque mercredi, vous découvrirez cette histoire, inspirée d’une histoire vraie, belle, forte, et qui vous surprendra sur bien des points. Bonne lecture !


Enfin…

Il est 19h50. Je suis comme prévu sur les marches du Kotel, juste à côté de la grande Ménora. On peut affirmer que je n’en suis pas à mon premier Chiddoukh, et pourtant, ma nervosité est au niveau maximum. Je ne saurai dire le pourquoi du comment, mais je sens que quelque chose de grand va m’arriver ce soir. Pourtant, je n’ai jamais été du style voyant ou parano, mais cela n’empêche que j’ai un fort pressentiment. C’est pourquoi je me suis mis en route, en sachant pertinemment que j’allais être très en avance.

Je me ronge les ongles et me trouve complètement ridicule. Qu’est-ce qu’il peut m’arriver ? Au pire des cas, que peut-il m’arriver ? Je suis à quelques mètres du Mur des Lamentations, l’endroit le plus saint du monde. Je respire l’air de la ville la plus sainte du monde. Qui mieux que moi à l’instant T. ?

Pour joindre mes pensées à mes gestes, je décide de fermer les yeux et de me laisser bercer par l’aura que seul Jérusalem procure à mon âme.

Puis, j’entends mon prénom :

– Shimon ?

Je connais cette voix…

Je ne peux pas le croire…

C’est trop beau pour être vrai…

Cela doit être une coïncidence…

Elle ne peut pas être là pour moi…

– Perla ? Perla, c’est toi ?

– Oui. Je sais ce que tu penses, mais non, ce n’est pas un hasard si je suis là.

– Ce n’est pas possible.  Qu’est-ce qu’une fille comme toi ferait avec un garçon comme moi ?

– Arrête de dire des bêtises. Connais-tu l’histoire de Rabbi Akiva et de Rachel, la fille du notable, Calba-Savoua ? Rabbi Akiva, l'un des plus grands sages du Talmud, n’a-t-il pas commencé à apprendre à lire en hébreu à quarante ans ? Pourtant, Rachel a su percevoir son potentiel avant même qu'il ne commence, et décida de se marier avec lui, malgré les menaces de son père de la déshériter. Alors toi, tu n’imagines pas le potentiel énorme que j’ai su voir en toi ! J’attendais que le Steeve que j’ai connu devienne Shimon. Mais maintenant, j’ai peur… Est-ce que je suis dans le bon timing avec toi ?

Je suis tellement ému que je suis incapable de répondre. Je ne pouvais que secouer la tête pour lui dire oui… Bien sûr que c’est le bon moment. N’importe quand, venant d’elle, aurait été le bon moment.

Et elle pleure.

Je pleure.

Nous pleurons.

C’est trop beau pour être vrai. Je n’arrive tout simplement pas à le croire.

Elle m’a connu paumé, en colère, rongé de tristesse, mal luné, et pourtant, elle a su lire à travers le brouillard brumeux dans lequel j’étais. Entre deux sanglots d’émotion, elle m’explique que c’est elle qui est à l’origine de ce voyage. Elle, qui veut devenir enseignante pour les mals-voyants. Que depuis deux ans, elle attendait de trouver le bon cursus, afin de pouvoir s’inscrire dans la bonne école en Israël, et venir me rejoindre. Régulièrement et subtilement, elle glanait des informations auprès de son père, de sa mère, ou de sa tante pour savoir où j’en étais de mon côté.

Quand on lui a rapporté l’histoire de la couverture, comme quoi je l’avais rendu à Rav Levy, commençant petit à petit à me détacher du confort que j’avais connu, Perla savait que je tenais le bon bout et que j’allais bientôt être prêt. De son côté, depuis un an, elle refuse toutes propositions de Chiddoukhim. Elle ne voulait rencontrer personne, car elle savait ! Elle savait au fond de son coeur que c’était moi et personne d’autre.

Ce qu’elle attendait par dessus tout, c’est que je fasse le premier pas, mais rien ne vint de ma part :

– Si tu savais Perla, je n’aurais jamais pensé que tu veuilles bien de moi.

– Je ne comprends pas pourquoi ! Vendredi soir, quand je me suis rapprochée de papa et que j’ai entendu pour toi et cette autre fille, j’en ai pleuré toute la nuit dans ma chambre. La chose la plus difficile que j’ai eu à faire, ce fut de me contenir devant papa et toi pour ne pas manquer de pudeur.

Et puis, Chabbath matin, mon oncle et ma tante ont compris à ma tête que je n’allais pas bien. Ils ont prétexté une envie soudaine de se promener à mes côtés. En fait, c’était pour avoir une conversation, en privé, pour me parler sérieusement de toi. Mon oncle me disait que si c’était vraiment ce que je voulais, je n’avais qu’à le leur dire. Ils sont rentrés, ont parlé à papa, et tu sais ce qu’il a dit ?

– Qu’il allait me tuer.

– Mais pas du tout ! Au contraire, qu’il en serait fier. Tu sais que tout le monde t’aime beaucoup chez moi ! Alors j’ai demandé à mon oncle de se charger de te dire de me retrouver ici. J’ai choisi cet endroit spécifiquement, près de la Ménora, parce que c’est précisément le Chabbath de ‘Hanouka que tu as franchi pour la première fois, le pas de notre maison.

En l’écoutant, je redouble de pleurs. Elle n’avait rien oublié, pas même notre première rencontre. Mon émotion est à son comble.

Et nous sommes là.

Tous les deux.

Enfin réunis après tout ce temps, pensant que jamais, au grand jamais, elle ne voudrait de moi !

Pour garder ce moment à jamais dans nos mémoires, je mets le genoux à terre pour lui demander si elle accepte de devenir ma femme. Elle essuie son magnifique visage qui resseule tout autant de larmes que moi, et me souffle :

– Oui. Bien sûr que oui !

Et c’est ensemble que nous descendons les marches pour rejoindre le Kotel, car, après tout ce qui vient de se passer, je devais gratifier l’Eternel. J’avais ma réponse, je savais qu’Il avait accepté ma Téchouva, Il venait de répondre à mes prières. Il m’avait pardonné, et c’est ainsi qu’auprès de Perla, Elnathan et Ruth, mes parents, je pouvais laisser place au Rav que je suis moi-même devenu aujourd’hui…

Mais cela, c’est une autre histoire !

La suite… mercredi prochain.