Voici la retranscription d'une discussion téléphonique suite à une question posée par un certain David D. (anonyme) au Rav Daniel Scemama, qui a commenté pour le public francophone le livre le "Guide de la Téchouva" aux Editions Torah-Box.

David. D. : Kvod Harav, je suis en désaccord avec ma femme sur le choix de la scolarité que j’ai fait pour mes enfants. Je suis Baal Téchouva depuis 3 ans, je ne fais que me renforcer, et pour mon fils et ma fille, j’ai voulu le « top » au point de vue religieux. Ils étaient dans des écoles juives dans lesquels on leur apprenait très peu de valeurs juives. Je les ai donc fait passés dans des écoles orthodoxes fréquentées par des familles très pieuses, où on met bien l’accent sur la loi (Tsitsit, Tsniout etc.) et où le niveau d’études juives est bien plus élevé que dans la précédente. Ma femme me reproche ce choix, trouve les enfants peu épanouis et les locaux délabrés, déplore le manque d’hygiène etc. Dernièrement, ma fille elle aussi commence à se plaindre et regrette ses anciennes copines qu’elle a dû quitter. Personnellement, je trouve les enfants très heureux, mais je reconnais que les conditions matérielles de la nouvelle école sont nettement inférieures à la précédente. Je ne sais pas quoi faire…

Rav Scemama : Y a-t-il des différences de religiosité entre vous et votre femme ?

D.D. : Oui. En fait, au début de notre mariage, ma femme était bien plus pratiquante que moi, mais comme je vous l’ai dit, je me renforce depuis 3 ans et j’ai même fini par la dépasser. Pour tout vous dire, elle trouve que je passe trop de temps à étudier la Torah et que ma barbe est trop longue. Elle est même fatiguée que je fasse trop de zèle dans l’application des Mitsvot, ce qui me pose des problèmes de Chalom Bayit… Dernièrement, j’ai essayé de ralentir un peu, mais on y perd tous les deux au final : elle n’est pas vraiment satisfaite des efforts que je fais, et moi, j’y perds ma flamme…

Rav S. : En dehors de votre décalage religieux, avez-vous d’autres sujets de mésentente ?

D.D. : Non, nous nous entendons très bien. J’aime ma femme et je l’apprécie beaucoup, et je suis certain que c’est réciproque.

Rav S. : Exprimez-vous verbalement votre amour pour elle ? Lui dites-vous clairement que vous l’appréciez ?

D.D. : Oui, tout le temps.

Rav S. : Votre femme - selon vos dires - n’est pas éloignée du judaïsme et avait même un niveau plus élevé que le vôtre auparavant. Comment expliquez-vous vos querelles dues à votre Téchouva ? Avez-vous partagé votre expérience avec elle ?

D.D. : J’ai fait Téchouva assez brusquement. Dès que j’ai réalisé que la voie du judaïsme était celle de la vérité, je me suis engagé corps et âme et j’ai progressé très rapidement. Dans mon enthousiasme, j’ai surmonté tous les écueils et j’ai cherché à atteindre la perfection dans tout ce que j’entreprenais. J’ai vraiment accroché avec l’étude de la Torah et j’étudie plusieurs heures par jour. Mon aspect physique a changé (Tsitsit à l’extérieur, vêtements sobres, longue barbe, et j’ai même laissé pousser un peu les Péot.). Mais en fait, il est vrai je n’ai pas vraiment cherché à partager ce qui se passait en moi ni à m’expliquer. Ce qui était juste à mes yeux, je l’ai imposé sans discuter, c’est tout.

Rav S. : Une certaine forme de despotisme religieux en somme…

D.D. : Tout à fait, je le reconnais.

Rav S. : Bon, je vais vous dire ce que je pense. Votre problème de choix d’école n’est a priori que l’arbre qui cache la forêt : votre femme n’a tout simplement pas digéré votre façon de la tenir à l’écart lorsque vous avez fait Téchouva. A mes yeux, il est évident que dans l’absolu, elle ne pouvait qu’être enchantée que vous entamiez un retour vers le judaïsme dans lequel elle-même baignait déjà. Seulement, dans la mesure où vous ne l’avez pas fait participer à votre éveil, et pire encore, vous avez fait abstraction totale de sa sensibilité et de son être, elle s’est sentie délaissée et écartée dans un carrefour de votre vie où vous commenciez un nouveau départ. Sa déception n’est pas un mécontentement de fond, elle souhaite simplement être considérée et sollicitée. Elle aurait voulu partager, marcher avec vous dans cette expérience spirituelle qu’est la Téchouva. Lisez bien les propos du Rav Greenwald dans le Guide de la Téchouva (page 335), où il prévient le Baal Téchouva des maladresses qu’il est susceptible de commettre dans son foyer lorsqu’il manque de tact. Vous devez absolument reprendre le dialogue avec amour et patience, lui montrer encore plus qu’avant à quel point vous tenez à elle, que vous tenez à entendre son avis sur tous vos choix, et combien vous éprouvez un véritable bonheur à avancer ensemble. D’un autre côté, concernant la conduite à adopter, évitez pour le moment ce qui n’est pas vraiment nécessaire dans le judaïsme et tout ce qui l’agace. Car la clé d’une bonne Téchouva dans un foyer, c’est le Chalom. Je pense que même votre fille, qui exprime ses regrets sur son ancienne école, ne se fait que l’écho de sa mère…

D.D. : Tout à fait exact. D’ailleurs, lorsqu’elle a débuté dans sa nouvelle école, elle était très contente. Mais pour elle, sa mère, c’est tout…

Rav S. : Je vous souhaite une grande Hatsla’ha. Tenez-moi au courant de l’évolution de votre situation.


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