Dans un précédent article, j’avais expliqué qu’organiser un Chidoukh n’a jamais été aisé et qu’il y a toujours eu des obstacles. Néanmoins, chaque période est différente, et, cette semaine, je me concentre sur notre génération.

Ces difficultés s’appliquent de manière égale à tous les segments de la population juive, et bien que les célibataires orthodoxes soient plus à l’abri des influences culturelles, les répercussions en chaîne ont tous un impact sur nous. Alors la question demeure : pourquoi les célibataires n’arrivent-ils pas à se marier ? Pourquoi cela a-t-il mal tourné ?

Il n’y a pas de réponses toutes faites. De nombreux facteurs ont contribué à cette situation. Il y a de longues années, les célibataires vivaient à la maison jusqu’au mariage. Les parents étaient activement impliqués pour aider leurs enfants à trouver leur partenaire. Au minimum, ils les pressaient de s’en occuper et de fonder leur propre foyer. Aujourd’hui, néanmoins, la situation est différente. Dès que les jeunes gens ont terminé leurs études secondaires, ils s’en vont, et même s’ils reviennent à la maison à un moment donné, les parents adoptent souvent une attitude de « laissez-faire » lorsqu’il est question du mariage de leurs enfants.

De plus, notre culture encourage les jeunes gens à se focaliser sur leur carrière, alors que le mariage est relégué au second plan. Cette attitude a eu un effet dévastateur. Plongées dans leur profession, de jeunes femmes ont été dépassées par leur horloge biologique. On les a induites en erreur en leur faisant croire qu’elles avaient tout le temps ; elles ont ensuite réalisé un jour que les années s’étaient écoulées et qu’il était impossible de revenir en arrière. Bien que ce soit une tragédie affectant les deux sexes, les femmes en souffrent plus, non seulement en raison de leur horloge biologique, mais aussi parce que, par nature, elles aspirent à créer un foyer.

Bien qu’il soit devenu à la mode de penser que les femmes peuvent avoir des enfants même à la quarantaine - et oui, il y a de merveilleuses histoires garantissant un excellent tirage - dans la vraie vie, les choses sont assez différentes. Même si, par chance, une femme de la quarantaine trouve son âme sœur, le chemin jusqu’à la maternité peut être pénible et douloureux, et inclure des traitements médicaux onéreux.

Une jeune femme brillante du monde des affaires vint un jour me consulter pour trouver son âme sœur. « Rabbanite, me dit-elle, j’ai une mère âgée et veuve. Je l’appelle tous les jours et lui rends visite au moins une fois par semaine, mais je suis hantée par une pensée terrible. Qui me rendra visite lorsque j’aurai son âge ? J’ai toujours pensé qu’on pouvait tout avoir : une carrière réussie, un mariage, des enfants, mais la vérité, c’est que les hommes, même s’ils sont déjà âgés, peuvent combiner le mariage et le rôle de parent avec une carrière brillante, mais ce n’est pas aussi simple pour les femmes. Nous avons perdu les meilleures années de notre vie. On nous a induites en erreur. »

A qui la faute ? Peu importe. Toute une génération a été trompée et bernée. Il se peut que les hommes s’en sortent mieux dans le monde des célibataires, mais, d’après mon expérience, ils souffrent également. Un grand nombre d’entre eux désire se marier, mais ne le peuvent pas, ils souffrent de la phobie de l’engagement.

Certes, de nombreux facteurs les ont rendus phobiques (ceci s’applique parfois également aux femmes). De nombreux hommes ne ressentent plus le besoin de se marier. Ils peuvent tout aussi facilement avoir des « relations ». Mais ces relations ne sont qu’une négation du mode de vie prôné par la Torah, il faut en payer le prix fort et elles laissent des marques indélébiles sur l’âme. On ne peut avoir une intimité avec quelqu’un puis se débarrasser de cette personne sans conséquences. Même si on est dans le déni, le cœur, l’esprit et l’âme ont la mémoire longue.

De plus, une vie sociale active, qui est souvent le lot de nombreux célibataires, sert à masquer leurs sentiments de solitude. Ils sont toujours impliqués dans une foule d’activités qui leur fait croire qu’ils font tout pour chercher un conjoint, alors qu’en réalité, ils passent d’une rencontre à l’autre, d’un rassemblement à un autre, d’une soirée pour célibataires à l’autre.

Je rencontrai un jour un jeune homme dans le cadre d’une convention où j’avais pris la parole. Je l’avais vu des années plus tôt à Hinéni ; ce jour-là, je lui demandai comment il se portait.

« Je suis toujours célibataire, me déclara-t-il. Avez-vous des recommandations ? »

Je réfléchis un instant et suggérai une adorable jeune femme qui assistait à mes cours.

« Je la connais, me répondit-il. Nous sommes amis. Elle n’est pas pour moi, et pour être honnête avec vous, Rabbanite, je n’ai pas attendu tout ce temps pour me caser maintenant ! »

J’ai eu de la peine pour lui - non seulement pour les années gâchées, mais aussi pour s’être totalement trompé dans ses priorités. Le pauvre jeune homme n’était pas conscient de la grossièreté de ses propos. Il ne réalisait pas qu’il se condamnait à une vie de solitude. Avec cette attitude, même si avec un coup ce chance, il finissait par se marier, il porterait toujours le fardeau des relations passées - « peut-être aurais-je dû épouser celle-là, ou celle-là, ou celle-là. »

La remise en question est toujours facile en période de stress ou de conflit. Le mariage, tout comme la vie, ne se déroule pas sans heurts. Il y a beaucoup d’embûches en route, et si on traverse une période particulièrement difficile, il devient tentant de blâmer le véhicule et de s’imaginer que si on avait choisi un modèle différent ou une marque différente, tout se serait parfaitement déroulé.

De tels arguments sont aux antipodes du mariage : cela vous induit à penser que le problème n’est pas le vôtre, mais celui de votre conjoint, et si seulement vous pouviez l’échanger, tout irait bien.

Plus que jamais, j’en suis venue à réaliser la sagesse de la bénédiction prononcée sous le dais nuptial : que le marié et la mariée trouvent le bonheur ressenti par Adam et Eve au Gan Eden. Adam et Eve savaient avec certitude qu’ils étaient faits l’un pour l’autre : il n’y avait pas d’autre choix !

De même, nous souhaitons à chaque fiancé et fiancée de bénéficier de la même clarté et d’être libéré des poids portés par de si nombreux célibataires de notre génération : toujours comparer, toujours se remettre en question, et ne jamais être capable de s’engager dans une relation de longue durée.

A suivre…