Depuis de nombreuses années déjà, notre organisme a eu le privilège d’organiser des offices pour les Grandes Fêtes à Manhattan. Nous louons l’un des hôtels au cœur de la ville et transformons la salle de bal en magnifique synagogue. Notre prière est toujours exaltée. La sainteté de la journée nous enveloppe, les prières montent et tout le monde s’élève spirituellement.

Ces offices ont commencé il y a environ 14 ans, et parmi les nombreux participants qui se joignaient à nous, il y avait une merveilleuse famille avec deux garçons, Its’hok et Baroukh. Raizel, leur ravissante mère, arborait toujours un sourire chaleureux. Elle s’asseyait au premier rang de la section des femmes, impatiente d’absorber chaque mot. La bonté qui irradiait de ses yeux était éloquente et nous devînmes rapidement de bonnes amies.

Je découvris que, derrière ce beau sourire, Raizel portait un très lourd fardeau. Elle souffrait d’une terrible maladie, le cancer, mais elle ne permit jamais à la maladie d’assombrir sa joie. Entourée par son mari aimant et ses adorables fils, elle s’éleva courageusement au-dessus de la maladie, et insuffla des forces à sa famille. Raizel était préoccupée d’organiser des Chidoukhim à ses fils pour avoir la joie de les accompagner sous la ‘Houppa.

Une année, nous honorâmes ses garçons à notre dîner annuel. Ce même soir, nous rendîmes hommage également à ‘Haya, une ravissante jeune femme. En l’observant, elle et Baroukh, je pris soudain conscience qu’ils formeraient un formidable couple. Il en fut ainsi : Raizel eut le Na’hat, la grande satisfaction, d’accompagner Baroukh sous la ‘Houppa.

Mais avec Its’hok, ce fut une autre affaire. Je lui présentai de nombreuses candidates possibles. Il tomba d’accord que toutes étaient des filles très sympathiques, mais pas exactement ce qu’il recherchait. Pendant ce temps, la maladie rongeait Raizel, et elle s’affaiblissait de plus en plus. Lorsque nous l’honorâmes à notre déjeuner annuel des femmes de Hinéni, c’est clouée à un fauteuil roulant qu’elle délivra un puissant message. Puis, lors des fêtes de Roch Hachana et Yom Kippour suivantes, la place de Raizel à la synagogue resta vide. Elle était à l’hôpital.

A la fin de cette sainte journée, nous fîmes Havdala et rompîmes le jeûne. Je me hâtai vers l’hôpital, où je vis la famille aimante de Raizel présente au grand complet à son chevet. Lorsqu’elle m’aperçut, elle rassembla toute son énergie et m’accueillit avec son habituel sourire chaleureux. « Rabbanite, m’implora-t-elle, trouvez s’il-vous-plaît une bonne jeune fille juive pour mon Its’hok. » Et c’est avec cet espoir qu’elle alla au Ciel et rendit son âme sainte à son Créateur. Raizel est peut-être montée aux Cieux, mais ses paroles restèrent gravées dans mon cœur. En dépit de tous mes efforts, je n’arrivais pas à trouver la jeune fille qui correspondait à Its’hok.

Un soir, j’enseignai à Hinéni, notre organisme. A la fin de mes cours de Torah, j’ai l’habitude de parler aux participants, un par un. Je remarquai un très élégant jeune homme qui attendait pour me parler et j’assumai automatiquement qu’il cherchait un Chidoukh.

  • Quel âge as-tu ?, lui demandai-je le plus discrètement possible.

Il se mit à pleurer. « Ce n’est pas la raison de ma venue ici, me dit-il d’une voix étranglée par les pleurs. Ma famille réside à …. (il mentionna une communauté dans le Midwest) et ma mère est très malade. Elle a découvert votre livre et cela a transformé sa vie. Depuis son lit de malade, elle a envoyé votre livre à de la famille et des amis. Pourriez-vous lui faire la faveur de l’appeler ? Elle serait tellement heureuse de pouvoir vous parler. »

Je fus profondément touchée par l’amour et la préoccupation sincères de ce jeune homme, Tsvi Dov. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre un tel dévouement chez un fils, et je lui assurai que ce serait un honneur pour moi de l’appeler.

C’est ainsi que Dvorah et moi devinrent de proches amies. Nous nous parlions plusieurs fois par semaine et je lui transmettais des enseignements de Torah qu’elle absorbait avec enthousiasme. Le cancer était néanmoins persistant et continuait à ronger son corps frêle. Mais le cœur et l’esprit de Dvorah étaient vibrants et forts, et même dans les moments les plus difficiles, elle n’oublia jamais de formuler la même requête : « De grâce, Rabbanite, faites-en sorte que mes enfants trouvent des conjoints juifs » (tous les enfants de Dvorah étaient encore célibataires). Le jour arriva où Tsvi Dov m’appela pour me faire part de la douloureuse nouvelle : la sainte Néchama de sa mère avait quitté ce monde.

Le temps passa, mais je n’oubliai jamais les voix de Raizel et de Dvorah… deux magnifiques mères juives, quittant ce monde avec une prière aux lèvres : que leurs enfants trouvent des conjoints juifs et fondent des foyers authentiquement juifs.

Un jour, Tsvi Dov me présenta une autre requête. Pouvais-je placer sa sœur Rachel en priorité pour un Chiddoukh ? J’y pensais tout le temps et avais envisagé divers candidats… et soudain, j’eus un éclair de conscience ! Dvorah et Raizel seraient de merveilleuses Mé’houtanot, et Its’hok pourrait être le parfait candidat au mariage pour Rachel. Il fallut des mots d’encouragement, beaucoup de persuasion, car il y avait des distances géographiques à surmonter, Rachel n’étant pas de New York ; elle et Its’hak menaient tous deux des carrières brillantes, et il leur était difficile de se libérer du temps pour voyager. Mais je n’allais pas baisser les bras, et le jour arriva où les deux jeunes gens se rencontrèrent, et, sans surprise, ils se comprirent instantanément. Ils avaient « cliqué », mais la culture américaine adhère à de longues périodes de rencontres et de « relations », tandis que, d’après la Torah, on se fréquente une courte période et on se marie rapidement. Et grâce à D.ieu, la vision de la Torah l’emporta. Le mariage fut une véritable Sim’ha juive, Rachel portait une magnifique robe blanche, Its’hak un Kittel blanc, ils irradiaient une lumière particulière, provenant des Cieux… car, à leurs côtés, se trouvaient leurs deux mères, Raizel et Dvorah, murmurant des prières, versant des larmes de joie.

L’une des Brakhot récitée sous la ‘Houppa est « Saméa’h Téssama’h ». Le terme « Saméa’h », la joie, est répété deux fois : lorsque deux enfants méritants se marient et que tout est fait en conformité avec la Torah, on accorde la permission dans les Cieux aux parents de descendre pour se joindre à la célébration ici-bas. C’est cette lumière des deux mères qui brilla sous la ‘Houppa, la lumière que Dvorah et Raizel avaient apportée du Gan Eden.

Cette histoire n’est pas finie. Ce Roch Hachana, les nouveaux mariés, Its’hok et Rachel, étaient avec nous. Leur amour est si puissant qu’il se diffuse autour de toute personne qui les rencontre, mais celui qui est peut-être le plus joyeux de tous, c’est Tsvi Dov, car c’est son dévouement, son amour et sa vénération pour sa mère bien-aimée qui l’ont poussé à venir à Hinéni et à me demander d’appeler sa mère… C’est grâce à lui que toute cette histoire a pu voir le jour. Grâce à l’amour d’un frère, l’amour d’un fils… les voies d’Hachem sont merveilleuses !

A Roch Hachana, j’ai dit à Rachel, Its’hok et Tsvi Dov que je sais avec certitude que les deux mamans, dans le monde supérieur, sont assises l’une à côté de l’autre, et versent des larmes de joie en observant leurs enfants prier et poser les fondations d’un nouveau foyer juif. Oui, les deux mères dansent dans les Cieux. Leur joie transcende le temps et l’espace. Une nouvelle famille juive a vu le jour. Mazal Tov !