J’ai souvent écrit et déclaré que nous vivons aujourd’hui une époque remarquable, mais aussi dangereuse dans laquelle nous pouvons entendre (à condition de savoir écouter) les pas du Messie. Notre génération a toutefois du mal à écouter. Nous sommes constamment entourés de bruit, non seulement des événements du monde qui se déroulent rapidement sous nos yeux, sans que nous ayons le temps de les intégrer, mais nous sommes également assaillis par nos propres modes de vie tumultueux qui conduisent au repli de soi et à la « surdité ».

Vous pourriez vous étonner de la pertinence du terme de « surdité ». N’est-ce pas un peu extrême ? Non ! Même s’il y avait une expression plus forte, j’y aurais recours, car, en effet, notre génération est devenue sourde, même si l’appel d’Hachem est tonitruant.

Mais vous pouvez vous demander : qu’y a-t-il dans notre société qui nous empêche d’écouter ? Pourquoi notre génération serait-elle plus sourde que celles qui l’ont précédée ? A coup sûr, à chaque génération, nous avons des problèmes à écouter « cette petite voix » qui apparaît sous de nombreuses formes. Néanmoins, dans notre génération, ce blocage est devenu encore plus grave. Tant de sons nous distraient et nous empêchent d’écouter. De nos jours, il est rare de voir quelqu’un prendre le temps, même quelques minutes, pour penser. Il y avait un temps où les gens se promenaient pour méditer, ils s’enfermaient pour se donner le temps de penser et de faire un bilan de leur vie. Aujourd’hui cependant, de tels cas n’existent pas du tout, ou à peine. Aujourd’hui, lorsque nous voyons des gens marcher, ils sont toujours engagés dans une activité, que ce soit avec leur téléphone portable, l’envoi de SMS, la lecture de leurs e-mails sur leurs Blackberrys ou à l’écoute de leurs I-Pods. Et même s’ils prennent quelques instants pour s’isoler, il y a toujours d’autres diversions pour détourner leur attention, que ce soit l’Internet, la télé, les jeux vidéo, etc.

Pendant ce temps, le temps passe implacablement, et à chaque instant, des événements adviennent dont nous ne sommes pas au courant. Non seulement avons-nous perdu notre aptitude à entendre, mais également celle de parler… de tenir une conversation. De nos jours, les gens communiquent par e-mail, s.m.s, ou twitter. C’est devenu si fréquent que les enfants ne parlent plus à leurs parents, les couples ne communiquent plus. Il leur est bien plus facile d’envoyer des messages ou d’avoir recours à d’autres moyens de communication technologiques, car, par ces méthodes, ils n’ont pas besoin d’entendre une réponse, une autre voix qui pourrait remettre en question ou réfuter leur message. Ils ne sont pas non plus obligés d’entendre les expressions d’amour qui pourraient leur donner un sentiment de culpabilité ou le sentiment d’être redevables. Un dicton Yiddish dit : « Il y avait une époque où les parents enseignaient à leurs enfants à parler, mais, de nos jours, les enfants apprennent à leurs parents à garder le silence ».

Indépendamment de notre réaction, toutefois, les messages continuent… les sons se font de plus en plus forts, exigeant une réaction, mais comment pouvons-nous réagir si nous ne savons plus comment écouter ? Sourds, muets et aveugles, nous continuons à marcher au son de notre propre musique et nous félicitons de notre ouverture d’esprit et de notre tolérance à tous les modes de vie.

Nous ne tirons jamais les leçons. Même des événements majeurs d’envergure mondiale passent inaperçus. Ni la Shoah, ni la renaissance d’Israël après deux mille ans d’exil nous ont poussés à marquer un arrêt et à repenser notre existence.

Je pourrais citer d’innombrables événements de notre vie contemporaine, mais je mentionne la tragédie du 11 septembre qui a frappé tous les citoyens américains. Incroyablement, même alors, nous avons continué à être sourds, et avons perverti son message pour le transformer en « politiquement correct ».

Nous sommes devenus si insensibles que nous ne voyons rien d’inhabituel à l’augmentation constante des catastrophes naturelles, que ce soit des tsunamis, des inondations, des tornades, des tremblements de terre, des accidents nucléaires, etc.

Nous ne voyons rien de remarquable à ce que des oiseaux morts tombent du ciel ou des poissons morts échouent sur les côtes. Même s’ils se comptent par millions. Nous ne nous sommes pas sortis de notre torpeur lorsque des désastres financiers ont eu lieu. Du jour au lendemain, nous avons assisté à la chute de corporations et de sociétés puissantes… l’effondrement de Wall Street et la dévaluation du dollar, tout ce que nous croyions invincibles.

Notre incapacité à entendre nous a rendus sourds et aveugles aux messages cachés derrière la chute de gouvernements puissants - des gouvernements qui, pendant des années, ont été contrôlés par des dictateurs ayant régné avec une main de fer. Nous tombons dans l’illusion que ce à quoi nous assistons, c’est à l’établissement de sociétés démocratiques, l’aube de la liberté et de la paix dans le sombre monde du Moyen Orient. Nous refusons de considérer que les foules dans les rues sont les précurseurs de dictatures encore plus tyranniques. Prenez l’Egypte, par exemple, que nous croyons être l’exemple parfait du rêve démocratique accompli. Dans notre état d’aveuglement et de surdité, nous avons refusé de prêter attention aux hurlements haineux de « Juive, Juive ! » lorsque Lara Logan, la correspondante à l’étranger de CBS a été attaquée de manière barbare (bien qu’elle ne soit pas juive en réalité). Le monde n’a pas non plus fait attention à la destruction d’églises et au meurtre d’individus de confession chrétienne. Oui, tout ceci se déroule dans « l’Egypte nouvellement démocratique ». Paradoxalement, ni Rome, ni d’autres confessions chrétiennes n’ont levé la voix, outragées. Ce silence est assourdissant. Pourquoi ? Pourquoi ? Mais nous rejetons également cette question. Nous avons nos propres problèmes. Nous ne pouvons pas vraiment nous impliquer dans les événements du monde. Cela ne servira de toute façon à rien, alors l’appel continue de résonner et nous restons aveugles, sourds et muets.