Le Roi Salomon nous dit : חֲנֹךְ לַנַּעַר עַל פִּי דַרְכּוֹ גַּם כִּי יַזְקִין לֹא יָסוּר מִמֶּנָּה ("Eduque le jeune homme dès le début de sa vie, afin qu’il ne s’en écarte pas en vieillissant.")

Ce verset de Michlé précise que le ’Hinoukh consiste à faire acquérir à l’enfant une bonne conduite afin qu’il la préserve quand il ne sera plus sous la tutelle de ses parents. Le Saba de Kelem remarque une anomalie : Chlomo dit d’éduquer l’enfant ‘afin qu’il ne s’en écarte pas’ – à quoi ce ‘s’en’ fait-il allusion ? A une bonne conduite ? Ce complément d’objet manque dans la première partie du verset ! Et de déduire : afin qu’il ne s’écarte de s’éduquer en vieillissant ! Le devoir d’apprendre à l’enfant à apprendre est explicite dans le verset !

Il nous arrive tant de fois d’avoir à réviser une leçon avec un enfant. Inconsciemment, on a tendance à espérer rencontrer un produit fini; on attend de l’enfant qu'il sache déjà bien sa leçon, et on l’agresse de ce fait lorsqu’il ne répond pas instantanément. Puis, stressé, l’enfant commence à répondre n’importe quoi. On se met alors à trembler profondément à l’idée d’avoir un fils qui dise des âneries. Alors, le ton monte, et on fait un petit coup de ‘formatage’ – afin que l’enfant se ressaisisse et comprenne que ‘de MOI ne peut pas sortir un idiot !’ [Honnêtement, si l’enfant parvient à se développer avec une pression pareille, c’est de l’ordre du miracle !]

Evidemment, personne n’exprime cela avec autant de violence. Mais il faut savoir qu’au fond de nous, c’est cette conviction qui alimente notre amertume. Remettons donc un peu d’ordre dans les idées.

Tout d’abord, l’enfant n’est pas censé connaître sa leçon quand on la révise; sinon, pourquoi le professeur demande-t-il de la réviser ?! Objection : mais alors, que fait-il à l’école ?! Réponse : La même chose que nous lorsque nous étions enfants. Comment exiger d’un enfant normalement constitué de rester en place pendant une heure à écouter un cours ennuyeux ? Certes, il doit s’y habituer à la longue; mais on ne peut tout de même pas lui en vouloir de ne pas être un grand-père à l’âge de 10 ans !

Mais le point le plus important est que l’on a enfin l’occasion d’apprendre à l’enfant à apprendre. Si ce n’était pas les devoirs imposés, on ne prendrait jamais le temps de s’asseoir avec lui pour l’aider à évoluer. Alors quand le besoin se présente, saisissons l’aubaine de pouvoir lui faire découvrir ses capacités !

Paradoxalement [et logiquement !] beaucoup d’enfants ne réussissent pas à l’école parce qu’ils sont intelligents. Lorsque Mr J.M. Ennuie expose ses sciences abstraites, le petit génie est en demi-finale de "croix et ronds". Vraiment doué, il sait que quelques efforts suffiront pour saisir le nécessaire pour le contrôle. Mais il laisse aussi passer des éléments qui lui seront essentiels par la suite. Et en peu de temps, il n’aime plus les maths, la physique, ne veut plus étudier la Guemara. Pour la simple raison qu’une étude superficielle écœure les gens intelligents ! L’inexactitude dans les bases ne permet pas d’apprécier l’enchaînement des sujets et provoque une véritable haine pour cette matière.

Il est donc primordial de s’installer calmement, avec plaisir, et de chercher à lui éveiller la soif de connaître. Il faut absolument laisser l’enfant s’exprimer et proposer ses méthodes de tâtonnement par lesquelles il assimile les notions. Tout enfant à une logique perspicace. Naturellement, il ne dit que des choses réfléchies – selon son point de vue. Tout jeune, il possède déjà une force cognitive qui le pousse à interpréter les phénomènes qu’il perçoit. Et il y a de quoi s’émerveiller devant sa force de déduction ! Il se trompe certes sur les données, mais a un raisonnement incisif ! Il remarque par ex. que papa a une moustache et pas maman; il s’interroge aussi sur l’utilité de la moustache. Et un jour, maman est alitée, et le petit savant lui affirme qu’elle est enrhumée car elle n’a pas de moustache pour retenir les muqueuses !

Quand un enfant ne comprend pas une notion, ce n’est pas le manque de logique qui fait défaut, mais l’interprétation erronée d’une base. Pour le faire avancer, il faut le laisser s’exprimer, afin de la déceler et l’aider à la corriger. L’enfant goûte ainsi au plaisir de savoir et découvrir davantage, et s’investira davantage pour tout comprendre.