Question d'une internaute : Peut-on tout pardonner ? À l'approche de Yom Kippour, je n'arrive pas à être sereine... En effet, je n'arrive pas à pardonner à mon ex-meilleure amie depuis plusieurs années. Chaque Kippour, j'essaye, mais je ne trouve toujours pas les forces de lui pardonner... En fait, je pense que ce qu'elle a fait est impardonnable !

Alors que j'étais fiancé avec un garçon extraordinaire, que j'aimais vraiment, il m'a brusquement quittée en prétextant qu'il ne m'aimait pas. Et voici que quelques semaines après, alors que cette fille était une de mes meilleures amies, ils se sont mis ensemble et se sont mariés juste après ! Ils sont toujours mariés à l'heure actuelle, et ils ont même deux enfants, et moi, je suis toujours célibataire, je n'arrive pas à tourner la page de cette histoire. Comment lui pardonner, mais surtout comment apprendre à refaire confiance après cet épisode tellement traumatisant...?

Réponse de Mme Nathalie Seyman

Dans le judaïsme, nous avons entre Roch Hachana et Yom Kippour, 10 jours consacrés au Pardon. Pourquoi avoir besoin de cette période pour une action qui semble si banale telle que demander pardon ou pardonner à quelqu’un ? Parce que finalement, le pardon n’est pas si « venant de soi » à l’être humain, et ces jours de Téchouva qu’Hachem nous a offerts nous permettent de nous arrêter un instant et d’y songer, que nous soyons l’offenseur ou l’offensé. Mais en fin de compte, pourquoi prendre la décision de pardonner à quelqu’un qui nous a fait du mal ? Et comment arriver à lui pardonner ? Et après le pardon, que se passe-t-il ? Autant de questions que vous vous posez et auxquelles nous allons tenter de répondre ensemble.

À qui profite le pardon ?

Quand une personne que nous aimons nous trahit, nous entrons dans une phase de souffrance intense qui envahit notre vie. Par la suite, le temps faisant son effet, trois choix s’offrent à nous :

- Se venger : cela peut apparaître comme un pansement qui soulagera la douleur, mais il ne s’agit que d’un mirage. Car, tout comme le sparadrap, le jour où on le retire, la plaie reste toujours ouverte et même plus à vif. La vengeance nous enferme dans une haine qui finit par nous détruire, en arrivant parfois à ne même plus nous reconnaître.

- Continuer à souffrir : option qui n’est évidemment pas envisageable. Nous avons besoin de ressentir cette souffrance afin de réaliser ce que nous avons vécu et en faire le deuil, mais nous sommes obligés de la dépasser, le temps aidant, afin d’avancer et laisser ce point noir de notre vie derrière nous pour nous consacrer au meilleur qui n’attend que nous.

- Pardonner : c’est le choix qui nous permettra de tirer un trait sur notre souffrance, celui qui nous fera grandir, celui qui nous rendra enfin maître de notre situation. Car si les deux autres options nous enferment, celui de pardonner nous libère au contraire de par le choix de ne pas rester la victime d’une trahison, mais redevenir acteur de sa vie. Ne pas pardonner, c’est continuer à laisser le pouvoir de bourreau à celui ou celle qui nous a blessé. Pourquoi lui laisser cette importance dans votre vie ? Mérite-t-il cette place ?

Car pardonner, ce n’est ni valider ni excuser, mais c’est renoncer à faire payer notre offense. Ce n’est pas non plus prétendre que tout va bien et garder rancune. C’est faire en sorte que le passé n’empêche pas l’avenir en arrêtant de le faire payer. Ce n’est pas non plus un effacement de la plaie, mais une décision de l’ensevelir afin de guérir. Ce qui compte, c’est de pardonner pour soi afin d’être plus heureux.

Comment pardonner ?

On ne peut pas accorder son pardon de façon brute et rapide. Pour qu’il soit sincère, indispensable au processus de guérison, il faudra passer par plusieurs étapes qui permettront à la personne blessée d’arriver à un stade où il lui sera possible de pardonner :

- Décider de ne plus souffrir et de s’en sortir, avoir envie d’avancer et de ne plus haïr, et, ainsi, de sortir du statut de victime.

- Cesser de se sentir coupable : très fréquemment, on se sent coupable de ce qui nous est arrivé et c’est pour cela que l’on n’avance pas. Libérez-vous de cette culpabilité, vous n’auriez rien pu empêcher car ce qui est arrivé se serait passé de toute façon. Vous n’étiez pas mariée et il n’y a pas d’enfants au milieu qui souffrent. Hachem vous a en quelque sorte protégée.

- Exprimer sa colère : pour pardonner, vous allez avoir besoin d’exprimer ce que vous avez sur le cœur. L’écriture sert à la fois de facteur libérateur face à notre trop plein d’émotions, d’instrument pour donner du sens à nos pensées, et de support pour écrire nos objectifs. Écrivez une lettre adressée à ceux qui vous ont trahie en décrivant tout ce que vous avez ressenti du fait de leur comportement, en bref, tout ce que vous voulez qu’ils sachent. Prévenez-les que vous êtes en voie de les pardonner, mais pas d’oublier, et que pardon ne signifie pas réconciliation, mais un pas en avant. Peut-être que, de par cette lettre, réfléchiront-ils à venir eux-mêmes vous demander pardon par la suite ?

- Comprendre ceux qui nous ont blessés : pour aller mieux, il est utile d’essayer de se mettre dans la peau du coupable. Qu’auriez-vous fait vous-même si vous aviez eu des doutes sur votre amour avant de vous marier ? Si une autre personne vous attirait ? Comprendre la personne qui nous a fait souffrir c’est le rendre plus humain et donc parvenir à accepter la faute plus facilement en la dédiabolisant.

Si vous arrivez à passer à travers toutes ces étapes, alors vous pourrez pardonner et guérir de votre blessure. La vie n’attend plus que vous !

Refaire confiance

Pardonner ne signifie pas oublier. Au contraire, il faut se souvenir de l’offense pour pardonner. Car le passé est irréversible et le pardon n’a pas pour usage de l’effacer. Mais c’est justement enrichi d’une expérience nouvelle que vous pourrez désormais affronter les épreuves de la vie : ces expériences négatives sont vos armes ! Ce sont elles qui vont vous permettre de savoir à qui pouvoir faire confiance, de qui se méfier, ou dans quelle situation ne pas se retrouver. Elles vont vous diriger désormais. Aujourd’hui, vous savez ce que vous voulez : créer un foyer avec un homme qui vous aime tellement qu’il ne pourra pas imaginer sa vie sans vous. Qui ne s’imaginera personne d’autre que vous comme la mère de ses enfants ! Vous le méritez ! Ne vous le refusez pas ! Cet homme vous attend, et, lorsque vous le rencontrerez, vous direz : Gam Zou Létova, tout est pour le bien, s’il ne m’était pas arrivé cette histoire, je n’aurais pas été aussi heureuse, et ça, c’est la meilleure des revanches.

Béatsla'ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essayera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.