15h30 : je regarde instinctivement mon téléphone. Avec une minute de retard sur l’horaire habituel, ma voisine du dessus me demande de lui récupérer sa fille de l’école. C’est tous les jours la même chose. J’en suis arrivée à la conclusion que mes voisines ont établi un planning bien structuré. Quel jour appartient à quelle voisine pour « abuser » de mes services ? Ça ne leur vient pas à l’esprit qu’éventuellement ce jour-là je ne pourrais pas ou je ne serais carrément pas joignable… Non, évidemment, je suis toujours joignable et disponible.

Au début, ça ne me dérangeait pas, c’était sympathique, ma fille avait une compagnie, mais, très vite, je me suis rendue compte que, pendant ce petit quart d’heure, j’avais l’habitude de parler avec mon enfant de sa journée, de lui acheter un petit goûter pour la récompenser du magnifique bulletin qu’elle m’avait ramené la veille, de lui expliquer une leçon de maths qu’elle avait du mal à comprendre. Bref, ce petit quart d’heure était précieux pour moi, j’y tenais et j’étais en train de le perdre parce qu’on m’imposait du ‘Hessed (charité).

A cause de mon incapacité à répondre “non” à mes voisines, je devenais une boule de nerfs au moment d’aller récupérer ma fille et je trouvais ça vraiment injuste pour elle.

Je devais agir, changer, mais je devais surtout comprendre ce qui me poussait à toujours accepter les services, non pas qu’on me demandait, mais plutôt qu’on m’imposait. Je faisais tout simplement un amalgame malsain entre mes émotions et mes décisions.

1. La maîtrise des émotions

Lorsque le texto arrive, ou même les dix minutes qui précèdent son arrivée, je suis en conditions d’agacement. Je sens qu’on abuse de ma gentillesse, et de mon incapacité à refuser quoi que ce soit. Moi qui aimais rendre service auparavant, je suis aujourd’hui aigrie et énervée à chaque fois qu’on me sollicite. J’ai l’impression d’être la bonne poire de service, la serpillère sur qui on n’hésite pas à se décharger de toutes les tâches qui ne sont pas très plaisantes. Je cultive une négativité et c’est entièrement ma faute.

L’être humain est de nature demandeuse. Il faut savoir une chose : si vous fermez votre porte parce que votre priorité est ailleurs à ce moment-là, le monde continuera à tourner. Cette personne trouvera une autre solution, même si, JE REPETE, même si elle vous avait fait entendre que vous étiez sa seule et unique option.

Il ne sert à rien d’accepter de rendre service en éprouvant de la rancœur ou en montrant de l’hypocrisie. Ces émotions sont malsaines et toutes ces mauvaises ondes finiront par être reversées au sein même de votre foyer contre les êtres qui vous sont les plus chers, mari et enfants.

Aussi, tout acte de ‘Hessed doit être réalisé sans aucune arrière-pensée de recevoir quelque grâce en retour. Dans la Torah, le VRAI ‘Hessed est l’appellation que nous donnons au ‘Hessed accompli envers un défunt. En effet, de par son statut, nous n’attendons pas qu’il éprouve une quelconque reconnaissance envers nous ou qu’il se sente redevable. Il s’agit là d’un ‘Hessed de vérité.

Dans mon cas, j’avais commencé à prendre les enfants des voisines en espérant pouvoir compter sur elles également de temps en temps. C’est mon erreur. Je dois faire la chose si j’en ai envie et non pas si j’ai envie de recevoir gratitude et faveurs en retour.

Enfin, tout un chacun a sa liste de priorités allant du plus important au moins important, du plus urgent au moins urgent. Une personne qui ébranle constamment sa pyramide des priorités n’est pas une personne responsable et elle souffre beaucoup de ce manque de stabilité permanent. Lorsqu’on est au travail, rien n’est plus important que notre travail. Si l’un de nos enfants nous appelle et que ce n’est pas urgent, nous devons lui demander de rappeler plus tard. De la même façon, lorsque le soir, on est en train de raconter une histoire à son enfant, le patron peut attendre.

Ainsi, rendre service à la voisine ne peut uniquement être possible si et seulement si durant la journée, nous avons une case de notre emploi du temps vide et inoccupée. Du moment où vous réfléchissez comment caser cette mission supplémentaire, peut-être en intervertissant certaines cases ou carrément en en supprimant une ou deux, c’est que ce n’est tout simplement pas possible, et que votre droit de répondre NON vient de prendre toute sa valeur.

La Torah nous enseigne, justement dans le cadre de la Tsédaka, combien il faut donner. En effet, ce n’est pas à nous de décider. Il faut donner entre 10 et 20% de ce que nous gagnons. La Torah est le plus intelligent des modes d’emploi de la vie. Elle sait que certaines personnes ne sont pas d’une nature très généreuse, aussi, elle leur met un minimum obligatoire, et de la même façon elle sait qu’il existe certaines personnes qu’il faut freiner, de peur que leur don de soi ne porte préjudice à leur propre personne et leur entourage.

2. Le pouvoir de décision

Une fois que le tableau émotionnel n’est plus en ébullition, on est à même de prendre une décision juste. Ainsi, peu importe si ma réponse sera négative ou positive, je serai entière avec moi-même et je n’éprouverai aucun sentiment négatif envers la personne demandeuse.

Lorsqu’une demande de service se présente à moi, je dois me répéter : je suis ma propre priorité, et, au moment où ma personne est sollicitée, je m’entretiens avec mon moi intérieur et j’évalue les options. Puis-je dire oui ou dois-je dire non ? Est-ce que le fait d’accepter cette mission va m’apporter satisfaction ou regret ? Est-ce que ça va venir interférer mes plans d’aujourd’hui, ou des jours à venir ? Est-ce que ça va me prendre une énergie que je n’aurais pas ensuite à donner à ma propre famille ? Et ainsi, en toute sérénité, je prendrai la meilleure décision pour ma propre personne.

Dire non ne signifie pas être dur ou injuste avec autrui, cela signifie être juste avec soi-même.