"Chalom Rabbanite,

Je suis mariée depuis un an et demi, et comment dire ? Le mariage est une expérience différente de ce que je m’imaginais. J’espérais tant atteindre le bonheur une fois mariée. Je pensais que mon mari et moi formerions un vrai couple, que nous sortirions ensemble de temps en temps, comme tout le monde.

Je savais que mon mari était quelqu’un d’introverti, mais plus le temps passe, et plus je m’aperçois qu’il est carrément fermé. Il vit dans sa bulle. Il n’aime pas être en société, s’éloigne de la famille et des amis. Il n’aime ni sortir avec moi, ni avec d’autres couples, ni assister aux fêtes familiales ou autres. Quand j’invite des copines, il leur dit à peine bonjour et part s’enfermer dans sa chambre avec une tasse de thé et un livre. Ça me rend folle. Je me sens seule et incomprise. Ne m’aime-t-il pas ? Quand je lui en parle, il me dit qu’il m’aime et qu’il aime être avec moi, mais qu’il est casanier et n’aime pas voir du monde. Il dit qu’il est comme ça et qu’il n’y a pas de quoi paniquer. De mon côté, je souffre en silence. Ce n’est pas ce que j’attendais de mon mariage. Qu’en pensez-vous ? Quels conseils pouvez-vous me donner ?"

Réponse de la Rabbanite Yémima Mizra’hi :

Chalom ma chère amie,

Tout d’abord, ne crains rien, sache que la situation que tu décris est tout à fait banale et est caractéristique de nombreux couples. Tu es quelqu’un de sociable, qui aime sortir avec tes amies/ta famille, tandis que lui préfère rester seul, ou avec toi, mais sans trop de bavardages…

Comprends que le fait que deux opposés s’unissent, comme c’est le cas avec toi et ton mari, résulte de la volonté du Créateur. Bien que tu aies l’impression que vous n’êtes pas compatibles l’un avec l’autre, la vérité est que, justement, deux opposés qui s’unissent constituent la plus haute expression de ce qu’est la compatibilité, puisque celle-ci ne peut avoir lieu qu’entre deux éléments différents et non identiques !

Première bonne nouvelle : avec le temps, les différences s’estompent. On apprend à aller l’un vers l’autre en comprenant que ce n’est qu’ainsi que l’on peut espérer former une seule entité. Avec le temps, tu sauras à la fois trouver les mots justes pour lui exprimer tes besoins et aussi apprendre à l’accepter tel qu’il est.

Mais davantage que cela, j’aimerais attirer ton attention sur un enseignement tiré de la Paracha de Béréchit. Celle-ci, à travers le récit de la création du premier couple de l’humanité, nous appelle à accepter l’altérité. Elle nous invite à abandonner l’idée d’un lien « fusionnel », à l’image d’un couple siamois, pour vivre le lien marital d’une manière bien plus enrichissante.

Le Or Ha’haïm Hakadoch, célèbre commentateur de la Torah, explique qu’à l’origine, homme et femme furent créés comme un être androgyne, mais que D.ieu réalisa que ce n’était pas bon. « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul » (Béréchit 2,18), dit la Torah. Or, le Or Ha’haïm interprète le terme « Lévado » (« seul ») comme étant dérivé de « Bad », qui signifie « tissu ». Ainsi, on peut lire le verset ainsi : « Il n’est pas bon pour l’homme et la femme d’être faits du même tissu », puis « Je ferais à l’homme une aide face à lui », à savoir : face à lui et non plus collée à lui.

Davantage que cela, lorsque l’homme et la femme sont faits du même « tissu », ils sont profondément « seuls » ! Il n’y a pas de plus grande solitude que de se contempler dans un miroir, que de voir dans son conjoint une réplique de soi. Vivre avec son semblable, c’est justement ce que D.ieu a décrété n’être « pas bon ». Car, si je vis avec mon alter ego, qui sera là pour attirer mon attention sur mes défauts ? « Nissouïm », qui signifie en hébreu « mariage », provient du verbe « Lassèt », qui veut dire « élever ». Le but du mariage est de grandir, moralement et spirituellement. Or, comment s’élever et s’améliorer en l’absence de tout contraste ?

À cette terrible solitude de l’être unique, le roi Chlomo oppose la solution : « Deux valent mieux qu’un » (Kohélèt 4,9). C’est pourquoi, D.ieu a divisé cette créature monoïque en deux entités distinctes qu’il plaça l’une face à l’autre. Car, assurément, « Deux valent mieux qu’un ».

On pourrait s’interroger : s’il en est ainsi, pourquoi D.ieu a-t-Il commencé par façonner une première créature androgyne ? Ne savait-Il pas que ce n’était pas bon ? La réponse est : D.ieu le savait, mais Il souhaitait nous enseigner là une leçon, à savoir qu’homme et femme doivent définitivement abandonner l’idée qu’ils ne formeront qu’un être à l’image de frères siamois. Ils sont deux entités distinctes et doivent apprendre à aller l’un vers l’autre, pour apprendre à se compléter et, ainsi, ne former qu’un. Certes, ce déchirement fut douloureux pour le premier homme, comme il l’est pour nous de renoncer à l’idée d’un amour fusionnel. Mais c’est la condition nécessaire pour atteindre le vrai bonheur dans le mariage.

Enfin, pour finir, quelques mots destinés à vous, cher mari : assurément, vous souhaitez rendre votre épouse heureuse. De grâce, faites l’effort de vous ouvrir à ses désirs. Quand vous refusez d’être à l’écoute de ses besoins, elle se sent seule et en souffre. Faites en sorte que cette solitude et cette souffrance disparaissent, car ce n’est pas là le but de votre union ! Sacrifiez un peu de votre volonté pour prendre en considération la sienne. Elle a tant besoin de vous ! N’oubliez pas que la femme fut créée à partir de l’homme ; or, l’être humain tend toujours à revenir à sa source. C’est pourquoi elle aspire tant à votre proximité.

En vous souhaitant de vivre toujours dans la joie et dans l’union réelle, celle résultant de la complétude de deux êtres.

Affectueusement,

Adapté par Elyssia Boukobza