« Mais enfin, tu fais déjà toutes les Mitsvot, en quoi est-ce si difficile pour toi de te couvrir la tête ? » Alors qu’il parlait, elle le regardait avec un sourire dépité : « Vous autres les hommes ne pourrez jamais comprendre… »

Ils ne firent pas Téchouva du jour au lendemain. Ce fut un processus graduel, au cours duquel chaque jour fut l’occasion de se renforcer encore davantage. Bien qu’ils n’avançaient pas tous deux au même rythme dans leur découverte du judaïsme, la chose ne le dérangeait pas, du moins pas au début.

Ce n’est que lorsqu’ils placèrent les enfants en école religieuse que les choses se compliquèrent. Il lui demanda alors de franchir le pas – se couvrir la tête. Mais à son grand étonnement, il essuya un refus.

« Comprends-moi, je suis une femme et c’est difficile, tenta-t-elle d’expliquer. Ce n’est pas que je ne veux pas, c’est juste que c’est dur pour moi. Quand tu as commencé à faire Chabbath, je t’ai suivi. Quand tu as voulu cachériser la cuisine, je t’ai emboîté le pas. Les Mitsvot liées au couple, je les ai prises sur moi avec joie. Quant aux enfants, bien que je craignais le regard des autres, j’ai accepté qu’on les inscrive à l’école religieuse, car je savais que c’était la meilleure chose pour eux. Mais me couvrir la tête, je n’y arrive pas. Comprends-moi… », supplia-t-elle.

Mais il ne comprenait pas. « Non, franchement, je ne te comprends pas. Tu as déjà bien avancé, tu es une femme pratiquante en tous points, et juste à ce niveau, tu bloques ? Observer le Chabbath et renoncer au shopping ce jour-là, tu l’as bien fait pourtant ! C’est quand même plus difficile que de se mettre un foulard sur la tête… ». Alors qu’il continuait à parler, elle le regardait avec un sourire en coin, en pensant à voix haute : « Vous autres les hommes ne pourrez jamais comprendre… ».

Quand ses efforts de persuasion s’avérèrent inefficaces, il décida de prendre conseil auprès de son Rav quant à la situation. Ce dernier le redirigea vers le Rav Chlomo Zalman Auerbach zatsal, afin qu’il puisse exposer au Gadol son problème.

Le Rav le reçut avec le sourire et la chaleur qu’on lui connaissait. Il le fit asseoir et notre homme commença à expliquer au Rav la raison de sa visite. « Mon épouse et moi sommes mariés depuis vingt ans ; nous avons commencé à nous renforcer il y a de cela huit ans, dit-il. Grâce à D.ieu, nous avons bien évolué : nous mangeons strictement Cachère, nous observons scrupuleusement Chabbath, mes fils et moi-même étudions la Torah, etc. ». Il marqua une pause. « Le seul problème, c’est que ma femme refuse obstinément de se couvrir la tête. Elle prétend vouloir, mais ne pas y arriver. Elle dit que la chose lui est trop difficile et qu’elle est persuadée que D.ieu le lui pardonnera. J’ai honte d’inviter les gens, et mes fils non plus ne veulent pas que leurs copains voient leur mère les cheveux découverts. Je ne comprends pas son entêtement, alors qu’elle accomplit toutes les autres Mitsvot sans difficulté… », finit-il, visiblement découragé…

Le Rav posa sa main sur la sienne et, avec l’autre, lui tapota chaleureusement l’épaule. « Mon fils, sais-tu à quel point il est difficile pour une femme de se couvrir la tête ?, l’interrogea-t-il avec sérieux. Tu es un homme et non une femme, c’est pourquoi tu as du mal à comprendre. Sache, mon cher ami, que la chose la plus difficile pour une femme est de se couvrir la tête. Les cheveux d’une femme font partie d’elle, ils sont une partie intégrante de sa personnalité. Comprends : si on te demandait de te taillader la joue avec un cutter, comment réagirais-tu ? Même si on te demandait de le faire par amour pour D.ieu, ne serait-ce tout de même pas un peu difficile ? »

« Mais c’est un commandement de la Torah comme un autre ! Elle ne peut tout de même pas s’y soustraire », protesta-t-il. « Exact, répondit le Rav. Je sais aussi que c’est une Mitsva de la Torah. Mais comprends que pour une femme qui n’en a pas l’habitude, c’est un pas extrêmement dur à franchir », continua-t-il.

« Mais enfin, Rav… Et les enfants… ? », tenta-t-il une dernière fois. « Tu as raison, se vit-il à nouveau répondre. Mais sache que rien n’est plus difficile pour une femme que de se couvrir la tête », répondit encore le Rav. Cette discussion dura encore quelques minutes, au cours desquelles l’homme tentait de « convaincre » le Rav de l’importance de cette Mitsva et le Rav persistait à se ranger du côté de la femme…

Finalement, notre homme quitta le Rav Auerbach d’une manière conviviale, mais quelque peu désemparé. De réponse, point. Comment gérer cette situation sans mettre en péril la paix au sein de son couple ? La question ne lui laissait pas de répit.

À son retour à la maison, il trouva sa femme comme à son habitude : occupée à préparer le dîner aux enfants et, vous l’aurez deviné, la tête découverte. Elle laissa les enfants à la cuisine et s’installa au salon avec lui. « Alors, qu’a dit le Rav que tu as consulté ? », demanda-t-elle, curieuse d’en savoir plus. « Laisse tomber », lâcha-t-il sur un ton désabusé. « Mais dis-moi, que t’a-t-il conseillé ? Souhaite-t-il me parler ? », essaya-t-elle. « Non, non… », grommela-t-il. « Alors ? », demanda-t-elle à nouveau. « Hum…, hésita-t-il. Il a dit que… Il a dit que je ne pourrais jamais te comprendre. Que les cheveux d’une femme font partie de sa personnalité. Que se couvrir la tête pour une femme est la chose la plus difficile qui soit. Voilà, c’est à peu près ce qu’il a dit », s’empressa-t-il de terminer avant de s’enfermer dans un mutisme presque complet.

Soudain, elle sentit un large sourire illuminer son visage. Elle le regarda elle aussi en silence, avant de déclarer : « C’est intéressant. Au moins quelqu’un qui me comprend… C’est un grand Rav ? », demanda-t-elle, toujours avec le sourire. « On ne peut plus grand », répondit-il, plongé dans ses pensées. « Mais pourquoi sourit-elle ? », se demandait-il.

Il était à mille lieues d’imaginer la surprise qui allait l’attendre le lendemain à son retour de la synagogue. Alors qu’il posait son Talith et ses Téfilines sur la table de l’entrée et s’apprêtait à prendre son petit-déjeuner dans la cuisine, il aperçut sa femme dans le couloir, debout devant le miroir, un foulard sur la tête… « Comment tu me trouves ? », demanda-t-elle, face à l’expression incrédule de son mari. Il resta sans voix, tant sa surprise était grande. Tant sa femme était belle.

« Je confirme, on ne peut plus grand, ton Rav… », dit-elle en souriant.