Le ventre d’une femme enceinte est très inspirant… Il y a ceux qui s’émerveillent, celles qui caressent le ventre comme si elles caressaient le bébé lui-même en oubliant l’image folle qu’elles sont en train de caresser une partie du corps d’une parfaite inconnue… Et il y a ceux qui questionnent. Ah, ils sont nombreux ceux-là en général ! C’est juste magique comme les barrières tombent devant le ventre d’une femme enceinte. Tous les sujets qu’on ne se serait jamais permis d’aborder dans un autre contexte, tout devient permis : « Vous êtes enceinte ?? Mais quel âge avez-vous ? », « Mais dites donc Madame Cohen, vous avez remis ça ? Ça vous fait combien d’enfants D.ieu bénisse ? », « Oh là là , quel courage ! Le petit dernier n’a même pas 2 ans si je ne me trompe pas. », « Mais comment vous faites ? Moi avec deux enfants, j’ai déjà du mal à boucler les fins de mois… » Et la palme, je la décerne à l’échographe qui, un jour, alors que je venais faire un examen pour ma sixième grossesse, m’a lancé une question assez déstabilisante : « Les 6 du même père ? »…

Bref, je vous passe les réflexions beaucoup plus crues et les leçons de morale à la pelle que l'on reçoit lorsque le ventre pointe le bout de son nez. Mais vous aurez compris que la femme enceinte est un sujet qui nourrit les esprits curieux.

Je me rappelle d’un jour où j’avais dû prendre l’avion avec toute ma famille. Et si l'on arrive plus ou moins à passer inaperçus dans les grands espaces de l’aéroport, c’était peine perdue d’essayer dans les mini couloirs de l’avion. On passait tous l’un derrière l’autre, à une cadence tellement lente que les passagers déjà installés avaient le temps de dresser notre arbre généalogique en détail. Limite je les voyais, crayon et gomme à la main, se concerter pour savoir qui il mettrait avant qui sur les branches de l’arbre « Oh là là, tellement rapprochés, on s’emmêle les pinceaux ». À en voir les bouches grandes ouvertes et les yeux écarquillés, j’avais compris avec amusement que nous étions devenus le projet d’étude de l’avion entier. Au fur et à mesure de notre parade royale, j’avais entendu plein de : « Oh, il est trop mignon », « Regarde ça comme il attrape sa sœur », « Petit, tu as fait tomber ton doudou », mais la réflexion qui m’est restée gravée dans l’esprit et dans le cœur, ça a été : « Ces gens-là ont beaucoup d’enfants. » Encore aujourd’hui, je me répète cette phrase, non pas par offense, mais par fierté. Effectivement, nous sommes les gens qui ont beaucoup d’enfants. Quelle joie d’être définis ainsi !

En effet, avoir une grande famille ne vient pas par hasard. On ne tombe pas enceinte 7 ou 8 fois par erreur. On le désire, on le projette, on le veut ! C’est un choix ! C’est notre choix !

Avoir une grande famille, c’est éponger 3 fois plus de lait chocolaté sur le sol le matin, c’est multiplier ses dépenses, c’est abandonner l’idée de la voiture coupée de ses rêves pour quelque chose de moins esthétique, plus pratique et plus économique, c’est faire le repas tout en récitant les poésies ou les tables de multiplication, c’est aussi dormir moins, avoir moins de liberté ou moins de temps pour soi… Mais si je devais vous faire le décompte des +, ça ne tiendrait pas sur une ligne ou deux, croyez-moi.

Avoir une famille nombreuse, c’est décupler l’amour. Un huitième enfant recevra trois fois plus d’amour qu’un enfant unique… Toute la famille attend un nouveau bébé, ce n’est plus le rêve de deux parents, c’est le rêve d’une famille entière. Ce bébé ne sera pas uniquement un fils ou une fille choyé(e), il sera un frère ou une sœur aimé(e), il sera un petit-fils ou une petite-fille gâté(e)… Avoir une famille nombreuse, c’est apprendre des notions telles que la tolérance, le partage, la patience (les travaux pratiques de cette qualité se travaillent généralement devant la porte de la salle de bain le matin), c’est apprendre qu’abondance ne rime pas forcément avec bonheur, c’est créer des souvenirs, c’est se construire. Avoir beaucoup d’enfants, c’est multiplier les rires, la vie tout simplement... Lorsque les enfants grandissent, ils deviennent indépendants, silencieux, ils sont plongés dans leurs pensées, la maison devient alors plus calme, plus ordonnée, les parents sont moins sollicités, mais lorsqu’il y a toujours des bébés (ou presque toujours, il faut bien que ça s’arrête à un moment donné), les parents gardent une certaine jeunesse, ils s’occupent d’adolescents, mais également de jeunes enfants, la vie active est d’une certaine façon maintenue.

Enfin, je pense que tout est question de point de vue. Avoir une grande famille ne doit pas être subi - comme le perçoivent la plupart des regards extérieurs et qui prennent les mamans de familles nombreuses en pitié -, mais, au contraire, ça doit être choisi. Lorsque j’éponge le lait chocolaté de mon enfant renversé sur le sol, ou lorsque je fais une nuit blanche à veiller sur mon bébé malade, je ne dois pas me dire : « C’est un mauvais moment à passer. » Je dois, au contraire, me dire : « C’est le but de ma vie ». Et lorsqu’on change notre perception des choses, tout devient tellement plus facile à porter. On n’attend pas que ça passe, on vit le moment présent et on est heureux de ce moment, quel qu’il soit, parce qu’on l’a voulu, parce qu’on l’a choisi, et parce qu’il nous aide à nous accomplir.

Quoi de plus merveilleux dans un monde, qui devient de plus en plus égocentrique, où chacun est centré sur lui-même, que d’amener des enfants ici-bas, des enfants qui nous apprendront coûte que coûte à donner. Donner de notre temps, de notre argent, donner de l’amour à profusion, à l’image de notre Créateur qui ne fait que nous donner à chaque seconde en somme.