Dans l’histoire du Talmud, la sagesse des hommes est mise en avant. Ils sont les juges qui savent trancher, les dirigeants qui savent guider, les prêtres qui savent sanctifier.

Les femmes sont généralement plus discrètes et retirées. Elles évoluent dans l’ombre de leurs hommes, maris, pères, frères... Ce n’était pas le cas de Berouria.

Berouria était non seulement la fille de Rabbi ‘Hanania ben Teradion, la sœur de Rabbi Chimon, la femme de l’éminent Rabbi Méir, mais elle était surtout et avant tout Berouria, la juste, la sage.

Elle ne ressentait nulle appréhension ni hésitation à donner son opinion quant à une question de Halakha ou un litige épineux entre deux voisins, et, ce, même s’il fallait aller à l’encontre de ce qu’avaient statué les grands de la génération. Les Sages faisaient d’ailleurs souvent appel au jugement de Berouria, lequel s’avérait toujours empli de sagesse féminine perspicace et pratique. Rabbi Yéhouda se rangeait généralement du côté de la Tsadékèt, car il connaissait sa pertinence et sa clairvoyance. En effet, Berouria étudiait plus de 300 questions de Halakha par jour.

Le père de Berouria, Rabbi ‘Hanania ben Teradion, était l’un des 10 martyrs tués en Kiddouch Hachem (sanctification du Nom Divin) pour le peuple juif. Son bourreau avait placé des éponges humides tout autour de son corps afin de ralentir l’effet des flammes et de le laisser mourir doucement et cruellement. En voyant la dignité et la Kédoucha (sainteté) de Rabbi ‘Hanania, alors que ce qu’il était en train de vivre était d’une douleur atroce et inhumaine, le bourreau eut pitié de lui, il lui retira ses éponges pour mettre fin à ses souffrances et se jeta dans le feu pour mourir aux côtés du Saint homme.

Berouria était non seulement intellectuellement érudite, mais elle détenait également les secrets de cette sagesse concrète, que seuls les « hommes » de terrain ont.

Lorsque sa sœur a été emmenée de force dans la ville d’Antioche pour vivre une vie de honte parmi les Romains, Berouria n’a pas hésité à déménager elle et son mari, à s’installer à ses côtés afin de veiller sur elle, et de la sauver.

Une autre fois, Rabbi Méir s’était surpris à maudire des ivrognes, qui, par leur bruit constant, empêchaient le Tsaddik de se concentrer sur son étude. Berouria l’avait repris en disant : « N’est-il pas plus justifié de souhaiter l’éradication du mal plutôt que des pêcheurs ? ».

Elle connaissait sa place et surtout elle savait quand faire preuve de compassion et quand, au contraire, faire preuve d’intransigeance.

S’il fallait retenir une seule histoire de Berouria, ce serait celle qui relate de la perte de ses fils durant Chabbath, car elle est celle qui montre à quel point cette femme était grande et proche d’Hakadoch Baroukh Hou, au point de faire passer la Torah avant ses propres sentiments. Son cœur de maman saignait, sa tristesse ne demandait qu’à être hurlée, mais elle fit totalement abstraction de ce qu’elle ressentait car Hachem attendait autre chose d’elle à ce moment-là.

Berouria a perdu ses deux fils durant le Chabbath. Elle était alors seule, elle les a placés dans une chambre retirée, et les a couverts d’un drap. Lorsque son mari, Rabbi Méir, est rentré à la maison et a réclamé la présence de ses enfants, Berouria a simplement mentionné qu’ils étaient sortis un peu plus tôt. Le Chabbath s’est terminé sans qu’elle ne montre une once de tristesse. Elle a attendu que son mari fasse la Havdala et honore Mélavé Malka pour lui annoncer, mais avec une grande sagesse. Elle préparait son cœur et son surtout son esprit de Talmid ‘Hakham de telle façon qu’il ressentirait une peine réduite en intensité et dans le temps.

Elle lui dit : « On m’a confié la garde de biens il y a quelque temps, et le propriétaire vient les récupérer, que dois-je faire ? ». La réponse de Rabbi Méir fut évidente et ne se fit pas attendre : « Tu dois les rendre, quelle est cette question ma fille ? ». Elle le conduisit auprès des corps sans vie de leurs enfants, et lorsque la peine commença à submerger Rabbi Méir, Berouria, avec une force qui nous est totalement étrangère, rappela à son mari : « Que viens-tu de me dire ? D’où provient ta tristesse ? Hachem donne, Hachem reprend, Il est venu récupérer le trésor qu’Il nous a confié durant toutes ces années. Notre devoir est de Lui rendre sans faire d’histoires ».

Cette femme était un roc sur lequel s’appuyaient toute sa famille et tout son entourage. Elle connaissait sa mission sur terre, elle savait ce que le Créateur du Monde attendait d’elle et a mené cette mission à bien avec courage et détermination. Il ne servait à rien de se faire trop discrète lorsqu’elle détenait les réponses, ou de se plaindre lorsque la vie ne lui faisait pas de cadeaux. Ces attitudes l’auraient éloigné de sa mission. Berouria représente, pour nous, femmes juives, un magnifique modèle de sagesse féminine.