La Paracha de Nasso nous dévoile le secret indispensable pour savoir aimer. Mais, avant de nous dévoiler ce secret, elle nous présente à travers la femme « Sota », puis le Nazir, les deux façons de mal aimer.

Qui est la femme Sota ? Une femme soupçonnée par son mari d’adultère parce qu’elle s’est isolée avec un homme, alors que son mari l’avait prévenue de cesser toute relation avec cet homme. Une procédure pénible se mettait en place : elle devait boire des eaux dans lesquelles se trouvait un parchemin mentionnant le nom de D.ieu. Si la femme soupçonnée était coupable, elle subissait des souffrances, ainsi que l’homme avec lequel elle s’était isolée (précisons bien que c’est seulement à condition que son mari soit lui-même innocent[1]). En revanche, si elle était innocente, elle recevait les plus grandes bénédictions du Ciel.

Or, cette description est précédée du principe suivant : le Kohen qui servait dans le Temple ne recevait pas de salaire à ce titre et vivait grâce aux dons obligatoires que les Juifs lui faisaient quotidiennement. Quel est le rapport ?

Rachi nous explique le lien de façon brillante : si un homme refuse d’aller chez le Kohen pour lui apporter les dons qui lui reviennent, il finira de toute façon par aller chez le Kohen pour de mauvaises raisons : pour lui amener la femme soupçonnée d’infidélité...[2]

Ainsi, Rachi nous explique, de façon subtile, que si l’on n’est pas capable de donner aux personnes de l'extérieur (au Kohen, notamment), on finira forcément par avoir des problèmes de couple…

Autrement dit, la personne qui n’est pas capable de donner n'est pas capable non plus d’aimer.

Puis, le processus de la Sota est suivi par les lois du « Nazir », un homme ayant fait vœu notamment de ne pas consommer de vin et qui s’imposait d’autres formes d’abstinence. Le Nazir considère qu’il est nécessaire pour lui de s'abstenir de certains plaisirs afin de se rapprocher d’Hachem. Or, à la fin de sa période d'abstinence, il devra apporter un sacrifice, car il a quelque chose à se faire pardonner ! Mais de quoi donc doit-il se faire pardonner ? N’est-il pas un “saint” ?

Tout simplement, car il n’a pas été capable d’aimer Hachem tout en profitant des choses de ce monde ![3] Or, la Torah nous enjoint de servir Hachem en intégrant notre dimension corporelle et non pas en mettant de côté notre corps. Le meilleur exemple du fait que la Torah nous demande de nous élever en profitant des plaisirs du monde c’est le Chabbath, où l’on mange à satiété de bons plats, où l’on chante de beaux chants, et où l’on profite d’une bonne sieste, mais aussi où l’on prie et l’on étudie ; bref, c’est un moment où l’on fait plaisir autant à la Néchama (âme) qu’au corps. Ainsi, le judaïsme nous demande d’intégrer le plaisir dans le service divin, et non pas de nous détacher de notre corps. C’est comme cela que l’on saura vraiment aimer Hachem et se rapprocher de Lui.

On a donc deux formes de dérives dans l’amour qui nous sont présentées par la femme Sota et par l’homme Nazir. Dans le premier cas, on nous parle d’un couple où l’on n’est pas capable de donner, c’est-à-dire que l’on considère l’autre comme un objet, c’est donc un couple qui est surtout basé sur la dimension corporelle. Et de l’autre côté, on a un homme qui pense que, pour aimer, il faut se défaire de son côté matériel et corporel.

On pourrait imaginer au sein d’un couple les deux dérives possibles. Une femme qui est aux petits soins avec son conjoint du côté physique : par exemple, qui se soucierait de préparer de bons plats, de prendre soin de son linge, mais qui ne saurait pas être à l’écoute ! Pour se justifier, elle dirait : “Mais de quoi se plaint-il ? Cela ne lui suffit pas que je lui prépare à manger tous les jours et que je sois aux petits soins pour lui ? Il a aussi besoin que je sois à son écoute, alors que je suis si fatiguée en fin de journée…?”

Ou, à l’inverse, un mari, par exemple, qui ferait beaucoup de compliments à son épouse, mais ne lui offrirait jamais de cadeaux ou ne témoignerait pas de gestes affectueux au quotidien. Il se justifierait ainsi : “Ma femme n'est pas superficielle, elle n'a pas besoin de tous ces cadeaux : elle a seulement besoin d'amour et d'attention !”

Alors, comment ne pas tomber dans un de ces deux travers ?

La suite de la Paracha nous apporte une belle réponse. Elle passe en revue les différentes offrandes apportées par les douze chefs de tribu. Or, ces offrandes sont les mêmes à l’identique, donc ces énumérations sont fortement répétitives ! Pourquoi une telle répétition ?

Premièrement, la Torah détaille les offrandes des douze princes pour nous apprendre qu’Hachem prête attention aux actions de chacun, c’est-à-dire qu’Il valorise les actes d'une personne en tant que telle.

Mais aussi, nos Sages nous disent qu’elle détaille les offrandes, car, d’après la Torah, « L’homme est chéri, parce qu’il fut créé à l’image D.ieu »[4]. C’est-à-dire que chaque personne a une valeur inestimable, parce qu’elle est dotée d’une âme, une Néchama qu’Hachem a insufflée en chacun de nous. C’est la raison pour laquelle Hachem insiste tant pour mettre en valeur chacune des personnes ayant fait une offrande.

Ainsi, cette Paracha nous apprend à aimer en intégrant les deux dimensions en permanence : physique et psychologique - corporelle et mentale. Pour aimer véritablement son conjoint, il faut prendre en compte ses besoins concrets, comme par exemple le besoin d’être habillé de façon respectable ou de manger à satiété, mais aussi des besoins plus profonds, comme le fait d’être à l’écoute, d’être respecté et même admiré. Un parent qui aime son enfant, c'est celui qui est à la fois capable de se préoccuper de son aspect spirituel (l’inscrire dans les bonnes écoles ou le complimenter sur ses bonnes Middot, par exemple) et en même temps de se préoccuper de ses besoins plus concrets (l’aider avec ses devoirs, prendre le temps de s'asseoir pour jouer ou discuter avec lui etc.).

Ce n’est pas par hasard que cette Paracha est souvent lue après la fête de Chavou’ot. La fête de Chavou’ot est considérée comme étant le mariage entre D.ieu et le peuple juif, que l’on revit chaque année le 6 Sivan ! Ainsi, au lendemain du mariage entre D.ieu et nous-mêmes, la Torah nous donne le secret d’un amour durable. Nous serons alors capables d’aimer l’autre pleinement, tel qu’il est, créé par Hachem dans les deux dimensions de son être qui sont indissociables : matérielle et spirituelle.

Que nous ayons le mérite d’aimer pleinement et durablement en sachant profiter de ce merveilleux conseil !


[1] Rambam (lois de Sota, chap.3)

[2] Rachi (5,12), Brakhot 63a

[3] Ta’anit 11a

[4] Pirké Avot (3,18)