Tous les vendredis soirs, à l’arrivée du repas de Chabbath, le chef de famille chante une chanson d’une beauté sans précédent, afin de valoriser les efforts fournis par la maîtresse de maison, la femme juive : celle d’Échèt ‘Hayil ou de la femme vaillante. Mais d’où provient cette chanson et que signifie-t-elle ? Quelles louanges nous offre-t-elle et quelles instructions nous livre-t-elle à propos du rôle de la femme juive dans le foyer ?

Écrite par le Roi Salomon en l’honneur de sa mère Batchéva, la chanson d’Échèt ‘Hayil apparaît dans le livre des Proverbes, chapitre 31. Elle contient 22 versets ; un pour chaque lettre de l’alphabet hébraïque. Passons au travers chacun d’entre eux et tentons d’en extraire le sens, ainsi que d’examiner la profondeur dont ils regorgent.

« Heureux qui a rencontré une femme vaillante ! Elle est infiniment plus précieuse que les perles. »

En hébreu, une Échèt ‘Hayil, une femme vaillante, possède une force inégalée. En effet, le mot ‘Hayil provient du mot ‘Hayal, qui signifie soldat, et qui veut littéralement dire la force. La Rabbanite Tsipora Heller stipule qu’une femme vaillante est aussi consciente de la richesse qu’elle engendre et de l’abondance dont elle est récipiendaire. En effet, telle que la Michna dans Pirké Avot (les Maximes de nos Pères) l’énonce : « Qui est riche ? Celui qui est content de ce qu’il a ».

« En elle le cœur de son époux a toute confiance; aussi les ressources ne lui font-elles pas défaut. »

Nous voyons ici un trait de caractère essentiel : la confiance. Mais le verset traite non pas d’une confiance intellectuelle, mais plutôt d’une confiance émotionnelle, puisqu’il est beaucoup plus aisé d’avoir confiance en quelqu’un par l’entremise du cœur. Le mari d’une Échèt ‘Hayil sait pertinemment que sa femme aura les meilleures intentions envers lui et son foyer. Les ressources qui sont évoquées dans le verset font allusion à l’influence cruciale que la femme possède sur son foyer. Chaque fait et geste peuvent avoir un impact. À nous de calculer lequel employer afin d’amener notre foyer à bon port !

« Tous les jours de sa vie, elle travaille à son bonheur : jamais elle ne lui cause de peine. »

Notre société d’aujourd’hui valorise immensément le concept de réciprocité dans les relations interpersonnelles. Donne-moi et je te donnerai ensuite. Ce verset dit tout le contraire. En effet, il affirme que le don de soi constitue la plus grande forme d’amour qui existe. Puisqu’en donnant, on reçoit sur-le-champ. Plus on donne sans attendre quoi que ce soit en retour, et plus l’autre partie risque de nous rendre la pareille, ou davantage.

« Elle se procure de la laine et du lin et accomplit sa besogne d'une main diligente. »

Nous remarquons ici que le verset mentionne deux types de matériaux que la Torah interdit de mélanger lors de la confection d’un vêtement : la laine et le lin. La Rabbanite Heller poursuit en offrant une magnifique explication. Le lin et la laine détiennent toutes deux des énergies distinctes, ce qui constitue une dimension essentielle d’une Échèt ‘Hayil : savoir distinguer les énergies des gens, et comment les canaliser. Par surcroît, le lin symbolise la Guévoura (rigueur), alors que la laine symbolise le ‘Hessed (bonté). Une des fonctions premières d’une femme vaillante est de savoir jongler entre ces deux attributs et de les appliquer envers toute personne de manière proportionnelle.

« Pareille aux vaisseaux marchands, elle amène de loin ses provisions. »

Qu’y a-t-il de si exceptionnel dans le fait d’amener de loin ses provisions ? Le corps n’est pas le seul à avoir besoin de provisions ; l’âme en nécessite également. Et l’âme est très souvent influencée par des concepts étrangers et extérieurs. La perspicacité de la femme vaillante repose sur sa capacité à faire le tri entre nourriture et poison, entre pureté et impureté.

« Il fait encore nuit qu'elle est déjà debout, distribuant des vivres à sa maison, des rations à ses servantes. »

De manière littérale, le fait qu’une femme soit debout très tôt ou bien qu’elle dorme peu fait allusion à l’exemple qu’elle montre aux membres de sa famille. C’est elle qui veille à ce que tout le monde ait ce dont il a besoin. De manière plus profonde, la nuit symbolise la Galout (l’exil). En exil et lors des moments plus difficiles, la Émouna, la confiance en D.ieu inébranlable qui l’habite, fait tenir la famille en place.

« Elle jette son dévolu sur un champ et l'acquiert ; avec le produit de son travail, elle plante un vignoble. »

Le sens profond de ce verset repose sur le fait qu’une femme vaillante a recours à tous ses atouts et ressources. Elle ne perd pas de vue ses priorités ; bien qu’elle soit impliquée dans le monde extérieur, elle mettra sur un piédestal son rôle de mère et de maîtresse de maison.

« Elle ceint de force ses reins et arme ses bras de vigueur. »

La monotonie des tâches ménagères de la femme peut la conduire à un sentiment de faiblesse ou d’exaspération. Mais afin de combattre cette baisse d’énergie, la femme se doit d’être armée de force et de courage et de réaliser que ces tâches a priori futiles sont d’une grande sainteté et qu’elles obéissent à la volonté divine.

« Elle s'assure que ses affaires sont prospères ; sa lampe ne s'éteint pas la nuit. »

La traduction française de ce verset est erronée. Ce n’est pas une lampe, mais une bougie qui est évoquée dans le texte hébraïque d’origine. La Torah compare une femme à la mèche, et l’homme à la flamme. Malgré que la flamme soit celle qui offre la lumière, la mèche est celle qui la retient et qui la munit de matériel afin qu’elle puisse brûler. La mèche d’une Échèt ‘Hayil est celle qui nourrit la lumière de la Torah de son mari et ses actions vertueuses, même la nuit, lors des moments plus sombres. Là, réside le secret de la prospérité au sein d’un couple.

« Ses mains saisissent le rouet, ses doigts manient le fuseau. »

L’art de la filature dont il est question dans ce verset est également l’art de séparer. Séparer entre divers matériaux afin de les rassembler par la suite. Les femmes excellent à faire des séparations pour ensuite mieux tisser des liens au sein des membres de sa famille. Le concept de Taharat Hamichpa’ha (pureté familiale) est un exemple parfait de ce phénomène.

« Elle ouvre sa main au pauvre et tend le bras au nécessiteux. »

Ce verset explique que la femme n’utilise pas uniquement ce qu’elle a pour elle-même, mais également pour les autres. Sa tendance à avoir toujours la main tendue constitue une qualité exemplaire d’une femme vaillante. 

« Elle ne redoute point la neige pour sa maison, car tous ses gens sont couverts de riches étoffes. »

En surface, ce verset fait allusion au fait que la femme donne à tout un chacun ce dont il a besoin. De manière plus profonde, la neige fait allusion au Guéhinam (l’enfer). Il existe deux types de Guéhinam : celui du feu et celui de la neige. Le Guéhinam de la neige symbolise la froideur et l’incapacité à aller de l’avant ; être paralysé par les circonstances qui surviennent. Cet état peut être créé de notre propre gré, et peut grandement nous limiter. Cela veut dire que la femme ne laissera personne au sein de son foyer être paralysé ; elle trouvera les outils pour permettre à tous d’exploiter son potentiel.

« Elle se brode des tapis. Lin fin et pourpre forment ses vêtements. »

Ce verset fait allusion au souci de la beauté, plus particulièrement au sein de l’intimité entre mari et femme. En embellissant toute chose, elle rehausse l’ambiance de son foyer ainsi que sa relation maritale.

« Son époux est considéré aux portes, quand il siège avec les Anciens du pays. »

Ce verset énonce que la force du mari lui est instillée par sa femme. Sa confiance en lui est d’abord et avant tout présente puisque sa femme le valorise et l’estime. De manière plus profonde, Ché’arim (les portes) sont une parabole pour la pureté et l’impureté. Pourquoi en est-il ainsi ? La fonction première d’une porte est de filtrer entre le bien et le mal. L’impureté constitue une forme de blocage, alors que la pureté représente un flux qui ne cesse de couler. Le mari est le maître de cet art de filtration, et c’est grâce à l’aide de sa femme qu’il y parvient.

« Elle confectionne des tissus qu'elle vend, et des ceintures qu'elle cède au marchand. »

Ce verset affirme que la femme, malgré les ressources limitées dont elle peut disposer, trouve toujours un moyen de faire avec ce qu’elle a et de ne rien gaspiller.

« Parée de force et de dignité, elle pense en souriant à l'avenir. »

Oz (force) et Hadar (dignité ou gloire), les deux types de « vêtements » qu'elle revêt, constitue les deux types d’habillement d’une Échèt ‘Hayil. Le rôle du vêtement est de se sentir moins vulnérable ; rappelant le péché d’Adam et ‘Hava, lorsque ceux-ci ont été contraints de se vêtir en guise de conséquence. Le vêtement constitue une réflexion de ce que l’on veut projeter à l’autre. Lorsque la femme « sourit » lorsqu’elle pense à l’avenir, cela fait allusion au fait qu’elle sait que tout est entre les mains de D.ieu et que toute chose est pour notre bien. Même lorsque notre cerveau humain perçoit les choses de manière négative, la femme a conscience qu’au jour dernier, lorsque tout sera clair, elle rira, puisqu’elle saura que la justice divine était parfaite depuis le début.

« Elle ouvre la bouche avec sagesse, et des leçons empreintes de bonté sont sur ses lèvres. »

Le fait qu’une femme vaillante possède de la sagesse signifie que sa bouche est l’endroit où elle harmonise entre spiritualité et matérialité. La sagesse selon le Talmud signifie de voir le bien en toute personne, même si cette dernière ne s’est pas encore parfaite. Scruter le potentiel de chacun fait partie des qualités d’une Échèt ‘Hayil.

« Elle dirige avec vigilance la marche de sa maison, et jamais ne mange le pain de l'oisiveté. »

Cette femme qui parvient à jongler entre Torah, ‘Hessed et Émouna, saura gérer son foyer à la fois avec force et douceur. La seconde partie du verset fait allusion au « pain de l’oisiveté ». Selon la Halakha, du pain doit être fait à partir d’au moins une des cinq graines suivantes : le blé, l’orge, l’épeautre, l’avoine et le seigle. Le blé est l’espèce la plus communément utilisée. Selon le Talmud, le blé symbolise l’intellect, puisqu’on peut détecter l’intellect d’un enfant à partir du moment où il sera capable de digérer du blé. La femme vaillante ne mange pas le pain de l’oisiveté en ce sens qu’elle n’essaie pas de faire de la sagesse à travers la paresse. Elle n’invente pas de vérités pour valider ses dires.

« Ses fils se lèvent pour la proclamer heureuse, son époux pour faire son éloge. »

L’investissement qu’elle a mis dans l’éducation de ses enfants lui sera rendu lorsque ces derniers lui feront des louanges et la respecteront.  Sa volonté sera la leur, et celle de son mari également.

« Bien des femmes se sont montrées vaillantes, tu leur es supérieure à toutes ! »

Pour son mari et ses enfants, nul ne la surpasse. Elle est cruciale pour tous ceux qui l’entourent.

« Mensonge que la grâce ! Vanité que la beauté ! La femme qui craint l'Éternel est seule digne de louanges. »

La grâce est fausse lorsqu’elle est décrite par des termes faisant allusion à la matérialité et à l’apparence physique. Mais une vraie grâce est celle qui émane de l’âme. Par ailleurs, la vraie grâce est lorsque l’on a la capacité d’absorber la Lumière divine. Lorsque l’on devient un Kéli (récipient) pour D.ieu, la grâce est visible. La crainte du Ciel fait aussi partie intégrante de cette grâce.

« Rendez-lui hommage pour le fruit de ses mains, et qu'aux portes ses œuvres disent son éloge ![1]»

Le fruit symbolise l’action. D.ieu a commandé aux arbres de porter leurs fruits, chose à laquelle ils n’ont pas obéi. Chez une Échèt ‘Hayil, il n’y a pas d’inconstance entre pensée et action.

En somme, une Échèt ‘Hayil est une femme d’une valeur inestimable, plus précieuse qu’une perle. Sa spiritualité est reflétée dans ses actes, et sa force est inégalée. Chaque femme a la capacité d’en être une, et de l’exprimer à sa façon. La femme idéale réside en chacune d’entre nous, mesdames !