Premier jour de vacances, on y est. Aujourd’hui, en ouvrant les yeux, j’avais mes quatre têtes blondes, dont trois bien brunes en fait, qui étaient penchées sur mon visage en train de chuchoter, à leur façon, « On la réveille ? J’ai faim ! Qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui ? ». Je garde donc mes yeux fermés deux minutes de plus pour établir un plan qui déclarera officiellement le début des vacances ! Balade sur le port, glaces, c’est bon, j’ouvre mes yeux.

Autant vous dire que l’annonce du programme a été accueillie très chaleureusement, et très bruyamment, ça va de soi. Honnêtement, je n’avais aucun doute sur le succès de ma proposition, une glace, ça ne laisse jamais indifférent et ça unit les cœurs, du moins dans ma famille de gourmands, c’est comme ça que ça se passe.

Moins d’une heure plus tard, nous voilà sur la route de notre première sortie de vacances en famille. Wouaw, quelle énergie ! Ça faisait bien longtemps que je n’étais pas sortie avec mes quatre « chérubins-ninjas » réunis. Les raisons de cette décision me revenaient soudainement.

On dirait que toutes les mamans bien intentionnées du premier jour de vacances s’étaient données rendez-vous à cet endroit précis où je me trouvais. Quelle foule ! J’avais peur de perdre de vue les petits. Mon grand voulait absolument voir les bateaux, mon deuxième voulait choisir sa glace. Le petit voulait descendre de sa poussette pour caresser le chien. Je ne savais plus où donner de la tête. J’ai promis, menacé, supplié, grondé, puni. Rien ne les calmait. Je repensais à cet article que j’avais lu la veille sur ce magazine de conseils bien-être beauté. Le titre résonnait faux dans mes oreilles « Ah les vacances, on va enfin pouvoir se reposer ». Selon moi, la rédactrice était soit célibataire soit grand-mère. Bref, les cris stridents de ma fille me rappelaient brutalement à la réalité. Sa glace au chocolat venait de redécorer son tee-shirt blanc fétiche qu’elle avait reçu de sa monitrice de centre aéré. Je lui rachetais donc une glace, à la vanille cette fois, et m’éloignai de la foule pour retrouver un peu de calme.

Après une demie-heure d’action intense, agrémentée de rires, grimaces, mais aussi cris, disputes et caprices en tous genres, je décidai qu’il était temps de rentrer. Même l’arbre derrière moi, sur lequel les garçons n’avaient pas arrêté de grimper aux branches, semblait me remercier.

J’avançai doucement en direction de la voiture, suivie de mes quatre enfants montés sur ressort, et là, le drame. La voiture n’est plus là. Me voyant affolée, un monsieur qui était assis tout près, me montre du doigt un écriteau qui interdisait le stationnement sous peine de mise en fourrière. Il ne me manquait plus que ça. Panique à bord. Le bébé commençait à fatiguer. J’étais à plus d’une demi-heure de marche de chez moi. Batterie du téléphone à plat. Je sentais les sanglots de désespoir me monter. Instinctivement, je levai mes yeux au ciel comme pour appeler au secours. Puis là, tout d’un coup, comme un ange tombé du ciel, ma voisine s’approche de moi. Aucun mot ne pourrait décrire mon soulagement et ma joie à sa vue. Uniquement par sa présence, alors qu’elle ne m’avait encore proposé aucune solution, mes problèmes devenaient supportables. Elle était juste là et j’avais déchargé une partie de mon joug sur ses épaules.

Je lui explique la situation. Elle me sourit et me dit « je suis arrivée à point on dirait ». Elle n’a pas idée combien ces propos sont vrais. Je place donc les enfants dans sa voiture vide. Direction la maison. Je voulais d’abord faire rentrer les enfants et coucher le bébé avant de m’occuper de récupérer ma voiture à la fourrière.

Sur le chemin du retour, elle m’explique qu’elle ne devait absolument pas se trouver au port à ce moment. Ça faisait deux semaines que sa mère lui avait demandé de lui faire une course là-bas et elle avait décidé d’y aller ce jour-là, à cette heure précise. Sa voiture était vide, elle, maman de 7 enfants. Ce matin-là, premier jour de vacances, ils avaient tous voulu flâner au lit, donc ma voisine était partie faire sa course seule. Plus elle parlait pour m’expliquer ce concours de circonstances qui a fait qu’elle était au bon endroit au bon moment, plus je réalisai la main d’Hachem qui m’étreignait.

Quelques minutes auparavant, je me sentais abandonnée et seule au monde. Je sais que mon histoire n’a rien d’un sauvetage miraculeux, mais c’est justement ce dont j’ai pris conscience. La présence divine ne se dévoile pas uniquement lorsqu’un couple stérile depuis plusieurs années arrive à avoir un enfant, ou lorsqu’une personne sort d’un coma long et profond, sans séquelles. La présence divine nous accompagne tous les jours à chaque instant. Et c’est ce qu’il y a de merveilleux. Nous n’avons pas de mal à croire qu’Hachem peut accomplir de grandes choses extraordinaires, des miracles hors du commun, mais nous avons énormément plus de mal à croire qu’Hachem peut améliorer notre quotidien par de petites choses, de petits gestes qui paraissent anodins. On a tendance à se dire en quoi mes soucis financiers intéresseraient le Maître du monde ? Le Créateur de l’Univers est déjà bien occupé à gérer les catastrophes naturelles, la famine dans le monde, les pays en guerre, pour se pencher sur mes problèmes de couple. C’est là où nous avons tout FAUX ! Hachem est en permanence à nos côtés, Il attend que nous levions nos yeux vers Lui, Il attend que nous L’appelions. Aucune demande n’est ridicule pour Lui, tant que ça peut aider un de Ses enfants à se sentir mieux.

Ce jour-là, j’ai senti la main d’Hachem posée sur mon épaule, comme pour me dire « ça va aller, tu n’es pas seule, tu n’es jamais seule ». Ce que l’on appelle le hasard, le concours de circonstances, la coïncidence, ce n’est autre que des attentions de notre Père qui veille sur nous à chaque instant.

Le soir au repas, après avoir récupéré ma voiture et mes esprits, j’ai pris la parole, j’ai exprimé ce que j’avais ressenti et expérimenté aujourd’hui, et j’ai surtout exprimé le souhait de toujours voir la main d’Hachem planer sur mon foyer, aider mon mari et mes enfants. Il n’y a rien de plus rassurant que de se sentir protégé et soutenu en permanence. On sait alors que, peu importe ce que la vie nous réserve, nous n’affronterons aucune épreuve seule, Il sera là à nos côtés.

Que nous puissions voir la main d’Hachem nous accompagner uniquement dans les joies.