La Paracha Chéla'h Lekha traite des explorateurs. Le Kli Yakar note que trois termes différents sont employés pour décrire cet incident : « Véyatourou » (ויתורו), « Véya’hpérou » (ויחפרו) et « Vayéraguélou » (וירגלו). Dans cette Paracha, Hachem utilise le mot « Véyatourou », quand il enjoint à Moché d’envoyer des espions[1]. Dans la Paracha de Dévarim, quand on relate la demande du peuple d’envoyer ces hommes, c’est « Vaya’hpérou » qui est employé[2] et quand on nous décrit cette « inspection », la Torah parle de « Vayéraguélou ».[3]

Le Kli Yakar propose une explication intéressante sur chaque mot et commente leur utilisation en fonction du contexte. Hachem dit « Véyatourou », apparenté au mot « Yitron », qui signifie « avantage ». Hachem voulait qu’ils voient la sublimité du Pays, parce qu’Erets Israël est la meilleure des terres, en particulier sur le plan spirituel. Néanmoins, le peuple avait une intention différente – le Kli Yakar écrit qu’il cherchait constamment une excuse pour retourner en Égypte. C'est pourquoi les Bné Israël employèrent le mot « Véya’hpérou », lié au mot « ’Herpa »[4] — disgrâce, honte — indiquant qu’ils espéraient entendre un compte-rendu négatif sur le pays.

Les Méraguélim[5] avaient, quant à eux, la motivation la plus vile de tous – ils étaient même prêts à mentir quant à la nature du pays pour que le peuple ne veuille pas y entrer. Donc, quand la Torah parle de leur espionnage, elle emploie le terme « Vayéraguélou », faisant allusion à la Ré’hilout, au colportage. De plus, il est apparenté au mot « Réguel », au pied qui est la partie la plus basse du corps humain. Ceci, parce que, contrairement à Hachem, ils souhaitaient montrer aux Juifs que cette terre était pire que toutes les autres, comme le prouve leur calomnie — « une Terre qui dévore ses habitants ».

Les propos étaient, dans  tous les cas, dépendants de l’attitude de ceux qui les énoncèrent. Les seuls explorateurs qui semblent avoir partagé le point de vue positif d’Hachem dans leur mission furent Yéhochoua et Kalev. Ceci se reflète dans leur réponse au rapport diffamateur des autres Méraguélim : « La Terre est extrêmement bonne. Si Hachem nous désire, Il nous mènera dans ce pays et nous le livrera, une Terre où coulent le lait et le miel. »[6]

En revanche, le peuple n’était que trop satisfait d’accepter le compte-rendu des explorateurs qui leur permit de bannir le pays et de demander leur retour en Égypte. Voici leur réaction : « … Si seulement nous étions morts en terre d’Égypte… Pourquoi Hachem nous mène-t-Il vers cette Terre, pour mourir par l’épée ? Nos femmes et nos enfants vont être pris en captivité ! N’est-ce pas mieux pour nous de retourner en Égypte ?! »[7] Les dix explorateurs ont désenchanté le peuple en rapportant négativement les qualités du pays et en le présentant comme une terre étrange qui engloutit ses habitants, ce qui n’a fait qu’accentuer leur approche déjà pessimiste.

L’une des leçons que l’on peut tirer de cette explication est que l’attitude d’une personne quand elle entreprend quelque chose ou qu’elle affronte un défi en détermine grandement le succès ou l’échec. Si elle est optimiste et pense qu’elle y arrivera, elle a beaucoup plus de chances d’aboutir que si elle est défaitiste. Ceci s’applique à deux niveaux. Tout d’abord, il est connu que l’espoir et la joie engendrent d’autres qualités, comme l’enthousiasme, la volonté de surmonter des difficultés. Par contre, le pessimisme entraîne un manque d’entrain et de la tristesse, voire une déprime si les choses ne se déroulent pas comme prévu.

En bref, l’optimisme mène au succès tandis que le pessimisme provoque l’échec.

Une approche positive a aussi un effet plus profond, métaphysique. Un Rav remarqua : « Il est intéressant de se demander si nos pensées ont un réel effet sur la réalité ; est-ce que le pessimisme engendre réellement des événements négatifs et l’optimisme crée vraiment une réalité positive. Les enseignements mystiques et ‘hassidiques du judaïsme disent souvent que non seulement ce que l’on dit ou ce que l’on fait a un effet (bon ou mauvais) dans le monde matériel et spirituel, mais même la pensée, qui est subtile et impalpable, a de telles conséquences. Et en réalité, puisque D. pensa la Création (le verset : « D. dit… » étant interprété comme l’expression de la volonté Divine, puisque D. ne parle pas) et puisque l’humanité fut créée à l’image de D. (là aussi, il ne faut pas prendre ceci au sens littéral, mais plutôt dans notre capacité à vouloir), alors, de la même manière que D. pensa « Création », nos pensées peuvent aussi être créatrices, et il vaut donc mieux penser positif ! »[8]

Le Zohar fait également allusion à cette idée. Il affirme que le monde inférieur a un effet corollaire sur le monde supérieur, qui par la suite renvoie au monde inférieur ce qu’il en a reçu. Si une chose est faite avec un visage lumineux, elle brillera de la même manière d’en haut. Aussi, il est écrit : « Servez Hachem avec joie ! » — car la joie humaine entraîne une joie céleste.[9]

La joie et l’optimisme ont donc un effet spirituel dans les mondes supérieurs qui se reflète ensuite dans le monde matériel. Ils ne sont pas seulement des états d’âme plus agréables que la tristesse et le pessimisme, mais ce sont des attitudes qui se concrétisent.

Des statistiques ont montré que des étudiants optimistes, qui n’avaient pas réussi leur examen d’entrée dans une université, réussirent finalement à obtenir une meilleure note aux examens nationaux que les étudiants pessimistes, qui s’étaient montrés plus brillants en début d’année. 

Puissions-nous tous mériter d’apporter joie et optimisme dans toutes nos entreprises.
 


[1] Bamidbar, 13:2.

[2] Dévarim, 1:22.

[3] Dévarim, 1:24.

[4] Bien que l’ordre des lettres dans les mots « Véyarpérou » et « ’Herpa » soient différents, les commentateurs trouvent souvent des liens entre les mots qui sont composés des mêmes lettres.

[5] À l’exception de Yéhochoua et de Kalev.

[6] Bamidbar, 14:7-8.

[7] Bamidbar, 14:2-3.

[8] Rapporté par Rabbi Josh Boretsky chlita.

[9] Zohar, 3ème volume, 56a.