La Paracha de cette semaine, 'Houkat, commence par les mots « Voici le ’Hok (la loi) de la Torah » et détaille les lois de la Vache Rousse, une Mitsva que la logique humaine ne permet pas de comprendre. Le Or Ha’haïm demande pourquoi cette Mitsva est appelée « ’Hok de la Torah » ; n’aurait-il pas été plus approprié de dire « Voici le ’Hok de la Tahara » (de la pureté) ? En réalité, la Torah nous apprend, par allusion, que si l’on accomplit cette Mitsva bien qu’elle n’ait aucun sens à nos yeux, c’est comme si nous avions observé toute la Torah, parce que c’est une preuve de notre désir de respecter la Volonté Divine de manière inconditionnelle.[1]

C’est un principe fondamental de la Torah – accepter d’exécuter la Volonté d’Hachem, sans attitude calculatrice. Rav Moché Feinstein écrit que ce fut l’erreur de Kora’h lors de ses attaques théologiques contre Moché Rabbénou. Il tenta d’exposer le sophisme des Mitsvot de Tsitsit et de Mézouza en montrant leur nature illogique. Il argua du fait que porter un fil de Tékhélet à chaque coin du vêtement a pour but de nous faire penser à la mer, dont la couleur ressemble à celle du ciel, qui nous fait songer au Trône Céleste. Cela voudrait donc dire que celui qui porte un vêtement entièrement teinté de Tékhélet n’a pas besoin d’un fil de cette couleur attaché à son habit ; le vêtement lui-même est un rappel au Trône Céleste. En réalité, la Mitsva s’applique à tous les cas, même quand la raison rapportée ne semble pas s’accorder, parce que les Mitsvot doivent être respectées et considérées comme une Guézéra (un décret) qui ne doit pas être remise en question.[2]

Une difficulté peut être soulevée à ce sujet. Plusieurs grandes figures en Torah, comme le Rambam, le Séfer Ha’hinoukh, et plus récemment, Rav Hirsh expliquèrent longuement les Taamé Hamitsvot – les raisons sous-jacentes aux Mitsvot. Or, on a bien compris (à travers la Mitsva de Para Adouma) que l’explication des Commandements est au-delà de toute compréhension humaine. Le roi Chlomo pensait avoir compris les raisons les plus profondes de chaque Mitsva jusqu’à ce qu’il réalise qu’il ne saisissait pas celle de la Vache Rousse. Il sut alors qu’il n’avait véritablement compris le sens d’aucune d’entre elles. Alors, comment prétendre expliquer le but d’une Mitsva si le plus sage des hommes – Chlomo Hamélekh – n’y est pas parvenu ?

Rav Its’hak Berkovits précise que les commentateurs n’estiment pas avoir compris l’ultime raison des Mitsvot – chose parfaitement impossible. Mais cela ne signifie pas que les Taamé Hamitsvot sont indémontrables. Hachem dans Sa sagesse infinie « fit en sorte » que Ses commandements aient un sens, à un certain niveau. Par exemple, ils peuvent permettre à la personne d’affiner son caractère et d’améliorer les relations interpersonnelles.

On peut prendre pour autre exemple la Mitsva de Chékhita. Le Ramban écrit qu’Hachem n’est pas affecté si l’on tue un animal en lui faisant la Chékhita, ou en l’étranglant. Néanmoins, Il nous a enjoints de tuer la bête de la manière la moins cruelle, pour nous inculquer la miséricorde, même au moment où l’on exécute[3]. Ce n’est pas pour cela que nous abattons l’animal de la sorte ; l’action est accomplie parce qu’Hachem nous en a donné l’ordre, mais il n’empêche que cela sert également à développer nos qualités – tout en accomplissant les Mitsvot.

On comprend à présent pourquoi les commentateurs ont œuvré pour expliquer les Taamé Hamitsvot. La Mitsva doit être effectuée parce qu’Hachem l’a demandé, mais il ne suffit pas d’agit machinalement, sans réfléchir à ce que nous faisons. Le Séfer Ha’hinoukh nous donne le Chorech (la source) de chaque Mitsva pour que l’on sache ce que l’on peut gagner en l’accomplissant et pour que l’on œuvre pour récolter ce bénéfice.

Les Taamé Hamitsvot ne consistent pas seulement en un exercice profitable, ils sont primordiaux dans les relations avec Hachem. Le Ramban, à la fin de Parachat Bo[4], explique pourquoi il existe tellement de Mitsvot liées à la sortie d’Égypte. Il affirme que leur but est d’instiller en nous une foi profonde en Hachem et en sa Hachga’ha (en la Providence Divine). Il ne suffit pas de poser une Mézouza au poteau de sa porte et de l’embrasser de temps en temps. Nous sommes censés la considérer comme un rappel du message qu’elle véhicule – à savoir qu’Hachem nous a fait sortir d’Égypte et qu’Il dirige nos vies continuellement.

Le Ramban ajoute qu’en réalité, le but de toute Mitsva est de nous rapprocher d’Hachem et de réaliser qu’Il est le Créateur du monde. Ce processus de rapprochement à travers l’accomplissement des Mitsvot n’est pas automatique. Si l’on effectue une Mitsva par habitude, même si techniquement, l’action a été faite, elle n’a pas été utilisée pour réaliser son objectif – la proximité avec Hachem et le renforcement de la Émouna.

Ainsi, les lois relatives à la vache rousse nous enseignent que nous sommes tenus d’accomplir les Mitsvot sans remettre leur logique en question, et nous avons aussi l’obligation de comprendre les Taamim des Mitsvot afin de nous élever par le biais de leur réalisation.


[1] Or Ha’haïm, Parachat ’Houkat, Bamidbar, 19:2.

[2] Darach Moché, Parachat ‘Houkat.

[3] Ramban, Parachat Ki Tétsé, Dévarim, 22:6.

[4] Ramban, Parachat Bo, Chémot, 13:16.