Rachi, sur le premier verset de la Thora commente : Rabbi Its’hak dit : « N’aurait-il pas fallu inaugurer la Thora par le verset : "Ce mois sera pour vous…" qui est la première mitsva qu’Israël reçut ? Pourquoi commencer par "Beréchit…" ?

L’auteur du Darké Moussar, Rav Yaakov Neimann soulève une difficulté concernant l’avis de Rabbi Its’hak (cité par Rachi)[1]. Comment peut-on dire que la Torah n’aurait pas dû commencer par les bases de la Émouna (foi en D.ieu) – le fait qu’Hachem créa le monde ? Il répond qu’il est certes essentiel de croire en la création du monde par Hachem, mais c’est une telle évidence, que Rabbi Its’hak se demande pourquoi la Torah eut besoin de le préciser. En effet, toute personne dotée de bon sens admettra que l’incroyable complexité du monde ne peut être liée au hasard, il y a forcément un Créateur derrière les merveilles de la nature.

Et si les philosophes émirent un doute à ce sujet, c’est parce qu’ils n’arrivèrent pas à comprendre qu’un Créateur Divin puisse demander à des êtres humains d’agir dans Son monde.

Cet enseignement est capital, mais il semble, à première vue, contredire l’idée que l’histoire suivante véhicule. À la suite d’une conversation entre Rav Chlomo Wolbe (le Machgia’h de Béer Yaakov) et Rav Yé’hezkel Lévinstein (le Machgia’h de Poniewicz), ce dernier demanda : « Dites-moi, savez-vous qu’il y a un Créateur ? » Rav Wolbe, au début surpris, comprit que la question sous-entendait autre chose. Bien qu’il ne savait pas ce qu’insinuait Rav Lévinstein, il répondit par l’affirmative. « Bien, répliqua Rav Yé’hezkel, alors allez dire à vos disciples qu’il y a un Créateur ! » Rav Wolbe réalisa que plusieurs personnes vivent leur quotidien, étudient la Torah, accomplissent des Mitsvot, etc., sans ressentir au plus profond de leur cœur qu’il y a un Créateur. Rav Lévinstein voulait que Rav Wolbe imbibe ses élèves de ce savoir et de ce sentiment.

Ainsi, l’explication du Darké Moussar – à savoir, que la Émouna est d’une évidence aveuglante — semble contredire l’histoire de Rav Lévinstein qui estime que cette Mitsva n’est pas si simple, au point qu’il enjoignit à Rav Wolbe de répéter à ses disciples qu’Hachem existe et qu’Il créa le monde. En réalité, il existe une différence énorme entre le fait de savoir intellectuellement qu’il y a un Créateur et le fait de vivre cette vérité de manière constante. Quand Rav Yé’hezkel demanda à Rav Wolbe s’il savait qu’Hachem existait et qu’Il nous avait donné la Torah, il ne doutait pas de sa Hachkafa (conception des choses), mais il soulignait l’importance d’intérioriser ces données ; il s’agit de la base de l’observance de la Torah. Après réflexion, Rav Wolbe comprit l’importance et la pertinence de cet enseignement – il nous rappelle qu’il n’est pas suffisant d’accomplir des « actes juifs », (prier trois fois par jour, étudier la Torah, réciter les bénédictions, acheter les « quatre espèces » pour Souccot, allumer les bougies de ’Hanouka, etc.). Il nous faut réaliser que ces Mitsvot nous ont été données par le Créateur, en tant que moyen pour nous rapprocher de Lui.

Il est essentiel de garder cette leçon à l’esprit. Durant la période de fêtes qui s’est écoulée, nous avons mis l’accent sur notre relation avec Hachem, en Le couronnant à Roch Hachana, en nous repentant à Yom Kippour et en nous réjouissant à Souccot. Mais Rav Lévinstein nous montre qu’il faut constamment travailler sur ce point fondamental. On peut, pour ce faire, étudier des livres de Moussar comme de ’Hovot Halévavot ou le Messilat Yécharim, ou bien en apprenant et en travaillant sur les « Six Mitsvot permanentes »[2]. Une chose est sûre – sans un effort continu dans ce domaine, on est toujours devant le risque que « les arbres nous cachent la forêt » — c’est-à-dire de respecter les Mitsvot dans les moindres détails, mais d’oublier l’objectif de leur observance ; le lien avec notre Créateur.

Puissions-nous tous mériter de toujours améliorer notre relation avec Hachem.


[1] Darké Moussar, Béréchit, p. 27.

[2] Parmi elles, cinq ont trait à la relation avec Hachem. Elles sont : Savoir qu’il y a un D.ieu, ne pas suivre d’autres dieux, savoir qu’Hachem est Un, aimer D.ieu, craindre D.ieu et ne pas suivre les tentations du cœur et des yeux.