Après l’épreuve de la Akéda et celle de la mort de sa femme, Avraham est contraint de négocier longuement avec Efron, un homme mauvais et rusé, afin d’acheter une sépulture pour Sarah Iménou. Il acquiert le terrain pour la somme exorbitante de 400 pièces d’argent. Les commentateurs soulignent l’absence inhabituelle de la lettre vav dans le nom d’Efron. Rachi explique qu’il a beaucoup parlé et peu agi ; il avait dit à Avraham qu’il souhaitait lui offrir la parcelle de terre et finalement, il lui en demanda un prix très élevé. Le Baal Hatourim note que le nom Efron, sans vav, a pour valeur numérique 400.[1] Rav El’hanan Fishman[2] affirme que lorsqu’Efron reçut cet argent, il estima qu’il valait 400 pièces d’argent. Son évaluation personnelle dépendait de sa situation financière. Il fut la proie du Yétser Hara qui incite à voiler le niveau spirituel au profit du statut matériel. C’est une tendance naturelle chez l’homme, depuis la faute d’Adam Harichon – l’individu est bien plus marqué par son physique que par son âme. Rav Motty Berger[3] remarque que nous nous identifions généralement à notre corps ; une personne malade dira : « Je ne me sens pas bien », impliquant que son corps représente son être. Il serait plus correct de dire : « Mon corps ne se sent pas bien », montrant ainsi que notre âme est le principal « nous ».

Quand Efron reçut l’argent, il se sentit plus important – il était dès lors riche. Mais il a en réalité perdu une lettre à son nom ; or le nom représente l’essence de la personne. Il perdit donc de la valeur, de sa véritable valeur. Notons que la lettre qu’il lui manque est le vav, qui marque le lien entre deux concepts, deux choses, il signifie « et ». Son lien avec Hachem s’est émoussé. Lorsqu’un individu accorde une plus grande importance à son corps, son âme est inévitablement éprouvée.

Le rapport inverse entre le corps et l’âme se retrouve dans la Paracha prochaine. Rivka apprend que les deux enfants présents dans son ventre deviendront deux nations opposées, en conflit, et que lorsque l’une tombera, l’autre grandira. Selon le sens simple, le peuple juif et celui d’Essav se feront contrepoids, quand l’un monte, l’autre descend. Une analyse plus approfondie montre que la lutte oppose le corps (Essav) et l’âme (Yaacov) et les deux forces sont en conflit continu. Si l’âme prend une place prépondérante, le corps est automatiquement affaibli et l’inverse est vrai également.

Comment réussir à engager le combat et éventuellement à remporter la victoire ? Le roi David nous apprend qu’il y a deux façons de travailler sur soi et de s’améliorer – abandonner le mal et faire le bien[4]. L’abandon du mal signifie, dans ce contexte, affaiblir l’emprise du corps. Par exemple, s’abstenir de trop manger. Mais il faut aussi « faire le bien » ; en s’élevant spirituellement, notre attache au monde matériel sera alors forcément amoindrie.

Un étudiant de Yéchiva demanda un jour à Rav Orlowek[5] comment cesser d’attendre avec plus d’impatience le déjeuner que la prière de Min’ha. Le Rav lui répondit qu’il devait apprécier davantage la Téfila afin de réduire sa préférence pour le repas.

Rav Brevda propose de se concentrer durant les dix premières minutes des Pessouké Dézimra et de ne porter son regard que sur le Sidour pendant ce temps. C’est un exercice qui empêche la dissipation et qui aide donc à améliorer notre Avodat Hachem.

La lutte entre le corps et l’âme est longue et difficile, mais si nous parvenons, au moins, à engager le combat, la victoire est à portée de main. Le Maharal[6] fait une remarque sur le commentaire de Rachi à propos du destin inversement proportionnel de Yaacov et d’Essav. Quand Yaacov tombe, Essav s’élève ; quand Yaacov s’améliore, Essav trébuche. C’est Yaacov qui mène la barque – Essav ne peut s’élever qu’en résultat de la chute de Yaacov et si Yaacov triomphe, Essav est impuissant. Il en est de même pour la lutte entre le corps et l’âme. On peut décider de celui qui vaincra – si l’on s’efforce de renforcer notre âme, la force du corps décline.

Puissions-nous tous engager et remporter la bataille entre notre corps et notre âme.


[1] Baal Hatourim, ’Hayé Sarah, 23:16.

[2] Le Machguia’h de la Yéchivat Torat Moché, Jérusalem.

[3] Conférencier à la Yéchiva Ech Hatorah.

[4] Téhilim, chap. 34.

[5] Il s’agit du Machguia’h de la Yéchivat Torah Or, auteur de nombreux ouvrages.

[6] Gour Arié, Toldot, 25:23, Ot 33.