La deuxième épreuve d’Avraham Avinou [1] 

« Il y eut une famine dans le pays, Avram descendit en Égypte pour y séjourner, la famine étant rude dans le pays. » [2]

La Paracha débute par l’ordre qu’Hachem donne à Avraham de bousculer son existence, en quittant son peuple, son entourage et sa famille pour entreprendre un voyage vers une destination inconnue. Peu de temps après avoir réussi cette épreuve et s’être rendu en Erets Israël, Avraham est confronté à une terrible famine et se voit contraint d’aller en Égypte.

‘Hazal et les Richonim (Sages ayant vécu dans les années 4800-5300 – entre le XIe et le XIVe siècle de l’ère chrétienne) expliquent que cette famine fut l’une des dix épreuves qu’Avraham dut passer pour réaliser son plein potentiel [3].

En quoi consistait exactement ce test ? Rachi enseigne : « Afin de le mettre à l’épreuve et de voir s’il allait s’interroger sur la parole de D. : Hachem lui avait ordonné d’aller en terre de Canaan et voilà qu’Il l’obligeait à quitter celle-ci ! [4] »

Selon Rachi, la difficulté principale de ce test ne résidait pas dans le manque de nourriture, mais dans l’impossibilité pour Avraham d’accomplir le commandement d’Hachem, « Lekh Lekha  - Va pour toi ».

Hachem lui avait dit d’aller en terre d’Israël où il allait pouvoir atteindre le perfectionnement spirituel, et voilà qu’aussitôt après, il rencontrait un obstacle important le forçant à adopter une ligne de conduite apparemment contradictoire à son takhlit (son but) dans cette mission. Alors qu’il pensait avoir pour devoir de résider en Erets Israël, il se vit contraint d’en partir dès qu’il y arriva !

Il aurait pu se demander pourquoi il était obligé d’abandonner cet itinéraire spirituel, et en être contrarié. Mais ce ne fut pas le cas, il ne questionna aucunement la parole d’Hachem. Il admit ne pas vraiment comprendre de quelle façon son voyage de « lekh lekha » devait se passer – tout cela était entre les mains de D.

Il savait qu’il lui incombait uniquement de faire sa hichtadlout (efforts que l’on est en mesure de faire) tout en acceptant que tout ce qui était au-delà de son contrôle était géré par D. et qu’il n’y avait pas lieu de se décourager.

Il réalisait que la famine provenait d’Hachem et que cela faisait partie de Son plan. D’ailleurs, avec du recul, on s’aperçoit que les évènements qui prirent place ensuite et les défis auxquels il fit face eurent beaucoup de conséquences bénéfiques. [5]

Le Ramban écrit que toutes les expériences vécues par les patriarches représentent un siman (un signe) pour leurs descendants. Nous sommes confrontés à des défis similaires aux leurs et la manière dont ils les ont surmontés nous donne la capacité d’en faire autant dans notre propre vie.

Ainsi, l’épreuve de la famine nous concerne grandement ; lorsqu’une personne entreprend une évolution spirituelle basée sur sa compréhension de ce qu’est le ratson Hachem (la volonté divine), cela peut impliquer un changement radical dans sa vie (aller vivre à l’étranger, changer de carrière, se marier, avoir des enfants) ou un engagement spirituel moins visible, dans son évolution dans l’étude de la Thora ou dans le respect des mitsvot.

Peu importe la forme que prend son « voyage », l’individu s’attendra à certains défis, et fera des plans quant à la façon de les surmonter. Or, il rencontrera souvent des difficultés ou des obstacles imprévus qui sembleront aller à l’encontre de son projet. Il pourra alors se sentir frustré de son incapacité à grandir dans la direction prévue.

Quelle est la cause de cette contrariété chez la personne qui voit ses efforts d’amélioration ne pas donner les fruits escomptés ? Le fait de penser connaître le moyen idéal d’atteindre son objectif et de croire qu’en suivant une ligne de conduite donnée, elle deviendra meilleure. C’est pourquoi, lorsqu’elle se trouve dans une situation où ses projets s’avèrent irréalisables, elle est mécontente, car son but lui paraît inaccessible.

Mais elle commet une erreur en pensant connaître le meilleur moyen de réaliser pleinement son potentiel. Elle devrait plutôt reconnaître qu’Hachem est Seul à connaître les situations qu’elle a besoin d’affronter dans la vie, chaque obstacle étant là pour son élévation.

Mon rav, le rav Its’hak Berkovits chlita donne un exemple courant de ce genre d’épreuve : un étudiant en yéchiva ou au collel prévoit de commencer un nouveau « zman » (période d’étude) sans distractions. L’étude de la Thora étant la meilleure façon de se rapprocher d’Hachem et de s’élever, il espère pouvoir consacrer toutes ses forces dans ce domaine.

Mais certaines interruptions sont parfois inévitables, comme la nécessité de voyager à l’étranger pour un mariage dans la famille, ou pour des raisons de santé. La personne peut alors être contrariée de ne pas pouvoir grandir comme elle le prévoyait – elle peut considérer ces bouleversements comme regrettables, car ils l’empêchent de se lier à Hachem.

Elle fait alors l’erreur de penser connaître le meilleur moyen de s’élever en estimant que ces « troubles agaçants » font obstacle à son élévation. Elle devrait plutôt prendre leçon d’Avraham Avinou et admettre que ces « contrariétés » proviennent d’Hachem et lui présentent précisément le défi dont elle a besoin à cet instant. En adoptant cette attitude, elle pourra ainsi éviter une frustration fâcheuse et se concentrer sur la façon d’affronter cette épreuve avec simha (joie) et bita’hon (confiance en D.)

L’épreuve d’Avraham Avinou nous enseigne des leçons fondamentales concernant notre vie de tous les jours. Puissions-nous mériter d’émuler son comportement et sa réaction face aux épreuves.



[1] Selon le Rambam (Avot 5:4), l’épreuve dont il est question fut la deuxième des dix épreuves. D’après Rabbénou Yona (Avot 5:4), il s’agit de la quatrième.

[2] Parachat Lekh Lekha, Beréchit 12 :10.

[3] Voir Rachi, Rabbénou Yona, Rambam, Bartenoura sur Avot 5:4.

[4] Rachi, Lekh Lekh, ibid. Voir Rabbénou Yona, Avot ibid. Voir Ayelet Hacha’har du rav Arié Leib Steiman chlita qui note que Rabbénou Yona explique cette épreuve différemment de Rachi.

[5] Par exemple, il quitta l’Égypte avec de grandes richesses, ce qui eut d’importantes incidences au niveau spirituel. De plus, tout l’épisode de Mitsraïm fut un exemple de « maassé avot siman labanim » (les actions des pères sont un signe pour leurs enfants) : ce qu’il y fit fut une base pour le peuple juif en Égypte, quelques siècles plus tard.