Après la deuxième rencontre entre Yossef, déguisé en vice-roi, et ses frères, celui-ci les renvoie et enjoint à son fils de cacher sa coupe en argent dans le sac de Binyamin. Alors que les frères sont en route pour rentrer chez eux, Yossef envoie son fils les convoquer, prétendant que l’un d’entre eux lui a volé sa coupe. Le fils décrit l’ustensile comme « celui duquel mon maître boit et par lequel il prophétise (Na’hech Yéna’hech)[1] ». Ainsi, l’importance de la coupe se trouve dans son aptitude à prédire l’avenir.

Quand les frères reviennent chez le vice-roi, Yossef lui-même met l’accent sur l’importance de la coupe, sur le fait qu’un homme de sa stature en a besoin. Rav Issakhar Frand demande pourquoi l’accent est tellement mis sur le Ni’houch (la sorcellerie). Pourquoi Yossef devait-il, à ce point, montrer à ses frères sa confiance en cette forme de magie ?

Rav Chimchon Raphaël Hirsch nous éclaire en analysant le mot Ni’houch. Il souligne qu’il est apparenté au terme « Na’hach », serpent. Contrairement aux autres animaux, le serpent n’avance pas en ligne droite, il zigzague. Dans la vie, pour atteindre quelque chose, l’individu doit aller d’un certain endroit à un autre, en passant par un dur labeur, en faisant de gros efforts. C’est le principe de causalité — on travaille, on gagne de l’argent ; on se comporte bien, on est récompensé.

Mais il y a une façon de contourner l’effort, pour atteindre le but sans passer par le travail habituellement requis. C’est la sorcellerie, qui peut correspondre au Ni’houch. Dans le cas de Yossef, c’était par une coupe spéciale qui lui permettait de prédire l’avenir. Rav Frand explique que Yossef voulait convaincre ses frères qu’il était égyptien. Un Juif qui respecte la Torah sait que la seule manière de s’élever dans ce monde est de bien se conduire, de pratiquer les Mitsvot. Une récompense est attribuée à ceux qui la méritent.

Les Égyptiens ne réfléchissent pas ainsi. Ils veulent les honneurs, le pouvoir, sans œuvrer pour ces causes. Ils souhaitent avoir une grandeur non méritée. En laissant la superstition gérer sa vie, l’homme se dispense du labeur nécessaire pour grandir. Si tout dépend des « astres », des « cartes », selon sa philosophie, il peut obtenir certaines choses, même sans le mériter. Et cela autorise alors un comportement médiocre, voire répréhensible – il peut faire ce que bon lui semble.

Yossef – tentant de se déguiser en égyptien devant ses frères – leur montre qu’il a besoin de cette coupe, c’est la sorcellerie qui lui a permis de gravir les échelons et d’être vice-roi.

Une telle idéologie est étrangère aux enfants de Yaacov et devrait être étrangère à toute personne ayant des valeurs basées sur la Torah. Nous savons que l’on reçoit une récompense si l’on en est digne. On ne peut pas compter sur des raccourcis superstitieux.

Il y a une certaine tendance, même chez les Juifs pratiquants, à « miser » sur des Ségoulot pour résoudre les problèmes ou alléger des souffrances. Rav Its’hak Berkovits affirme que dans ce cas, on risque de laisser passer l’essentiel. Par exemple, si Hachem envoie des difficultés, ce n’est pas pour que l’on fasse une quelconque Ségoula (bien qu’elle puisse s’avérer efficace pour apaiser la douleur), mais pour que l’on s’améliore. Cela ne signifie pas que toutes les Ségoulot soient négatives, mais il ne faut pas oublier l’objectif des Yissourim (épreuves) – Hachem nous incite à grandir.

C’est pourquoi, quand on demande aux Guédolim des Ségoulot pour divers maux, leurs propositions sont souvent liées à une meilleure pratique des Mitsvot ou à une étude de la Torah plus sérieuse ou importante.

Un jeune marié demanda à un Rav quelle Ségoula pouvait l’aider à améliorer son Chalom Baït (harmonie conjugale), la veille de Chabbat, quand la tension est palpable. Le Rav lui répondit qu’il devait prendre un balai et aider à nettoyer la maison ! Le message était clair : les meilleures Ségoulot ne sont pas celles qui nous font prendre des raccourcis, mais elles demandent du travail et une amélioration constante de notre Avodat Hachem.


[1] Béréchit, 44:5.