La Haftara de cette semaine est extraite du livre d’Amos qui appartient aux 12 « petits » prophètes, « petits » non pas quant à l’importance de leur prophétie, mais en raison de la taille limitée de leurs livres respectifs. Rappelons également que les livres des prophètes ne contiennent que les prophéties utiles aux générations futures, mais il est possible qu’ils aient prophétisé beaucoup plus durant leur vie.

Amos est un prophète atypique dans la mesure où il semble être arrivé dans cette « voie » de manière inattendue, alors qu’il n’a pas grandi dans une famille de prophètes et qu’il exerçait une autre profession qui semblait lui suffire pour vivre. C’est en tout cas ce que révèle Amos à Amatsia, prêtre idolâtre du Royaume d’Israël dirigé par Jéroboam, après l’avoir mis en garde des conséquences catastrophiques de la mauvaise conduite de ce Royaume. « Je ne suis, dit-il, ni prophète ni fils de prophète, je suis un simple pâtre et un pinceur de sycomore. Mais l'Eternel m'a pris de derrière le troupeau, et il m'a dit : "Va, prophétise à Mon peuple Israël !" » (Amos, 7-14-15)

C’est d’ailleurs à propos de  ce  verset que Rachi nous donne une explication du nom Amos. En effet, Amos se présente comme expert en matière de sycomore, or ce terme est orthographié « Boless » au lieu de « Bolesh », et Amos aurait ainsi eu un défaut de langue. Voilà pourquoi ses contemporains disaient de lui qu’il était « Amous Béléchono », pris, dominé par sa parole, d’où son prénom Amos.

Dans une fameuse discussion du Talmud (Makot, 24a), nos Maîtres nous révèlent qu’il est possible de réduire les 613 commandements en seulement 11 commandements pour le Roi David, 3 selon le prophète Mikha et à une seule Mitsva selon les prophètes ‘Habakouk et Amos. Ce dernier propose de fixer les 613 commandements dans ce verset : « Recherchez l'Eternel et vous vivrez ! » Amos avait donc une autorité telle qu’il était habilité à pouvoir prétendre résumer l’ensemble des commandements de la Torah en un seul verset sans que personne ne s’en émeuve.

Dans le même sens, une autre discussion des Maîtres du Talmud nous rappelle l’importance et la grandeur du prophète Amos. Ainsi, dans le traité Soucca (52b), nos Sages nous rappellent cet enseignement de Mikha : « Alors régnera la paix ! Que si Achour envahit notre pays et foule nos palais, nous lui opposerons sept pasteurs et huit conducteurs d’hommes » (Mikha, 5-4). Et nos Sages de préciser qu’Amos compte parmi ces huit princes d’Israël.

Nous mesurons mieux ainsi à quel point Amos est un prophète, atypique certes, mais très important, auréolé d’une autorité spirituelle et d’une reconnaissance très grande.

Liens entre la Haftara et la Paracha

La Haftara s’ouvre sur le constat des fautes du Royaume d’Israël, et Amos met en garde de manière définitive ses contemporains sur la gravité de leurs agissements. Il leur reproche notamment de vendre le « Tsadik » pour de l’argent et de corrompre la justice pour une simple paire de chaussures.

Le lien avec la Paracha de cette semaine est donc évident et fait écho à la vente de Yossef Hatsadik par ses frères pour 20 pièces d’argent qui leur serviront plus tard à s’acheter précisément des chaussures.

L’écho de la Haftara

Notons qu’il est particulièrement significatif d’analyser cette référence aux chaussures dans le texte d’Amos comme motif de détournement de la justice.

Les chaussures représentent précisément de manière symbolique le moyen pour un homme de se tenir debout, d’avoir une stature, une reconnaissance sociale.

Or, le besoin de reconnaissance de la part d’autrui est bien souvent à l’origine de dérèglements dans les comportements humains. Aussi, on peut mesurer à quel point un homme est stable dans ses convictions lorsqu’il est capable de faire fi des conséquences sociales que ses croyances peuvent avoir.

La promesse d’une promotion, l’appât du gain, la recherche des honneurs ne valent pas plus que de simples souliers au regard des trésors spirituels promis à l’homme juste et droit. Et pourtant, ces fantasmes font tourner bien des têtes et déterminent des vies et des générations entières. Nos Sages nous ont appris depuis bien longtemps à quel point ces illusions sont délétères : « La jalousie, les désirs et la recherche des honneurs expulsent l’homme de ce monde » nous enseignent-ils.

En cette veille de ‘Hanouka, il est  intéressant de noter que nos Sages ont fixé comme heure propice à l’allumage des bougies, l’heure où les « pieds quittent les marchés ». Peut-être peut-on y voir une exhortation à savoir quitter les lieux de commerce, et les jeux de rôle sociaux où l’on troque des trésors pour de simples chaussures, pour laisser place à la vie spirituelle. Les pieds doivent effectivement quitter les marchés pour pouvoir se réchauffer et renaître dans les foyers, à la chaleur de la Torah.

Puisse Hachem nous aider à allumer dans nos cœurs des lumières spirituelles qui évitent à nos pieds de se perdre dans ces chemins sans issue, et de nous guider toujours vers les voies d’Hachem, les sentiers de la rectitude morale, de la Torah et des Mitsvot.