La Haftara de cette semaine se situe dans le deuxième tome du livre des Rois. Ce livre s’ouvre notamment sur l’histoire de la dynastie des Omrides qui s’est illustrée par son manque de piété et sa mauvaise conduite en matière religieuse. Omri, le premier roi de cette dynastie, avait ainsi encouragé son fils, A’hav, à épouser Izével, la fille du Roi de Sidon, qui contribuera à instaurer le culte idolâtre de Baal au sein du Royaume d’Israël. En outre, sous le règne d’A’hav et Izével, les prophètes du peuple d’Israël vont connaître de grandes persécutions, car leur volonté de ramener le peuple à une conduite fidèle à Hachem ne colle pas avec les aspirations des monarques en exercice.

A cette époque, vivait notamment le prophète Eliahou, fidèle serviteur d’Hachem, qui démontra aux yeux de tout le peuple l’inanité du culte idolâtre de Baal. Cet activisme lui valut une hostilité féroce d’A’hav et de son épouse, et il dut fuir et se cacher durant de nombreuses années afin d’échapper à leur colère. Avant sa montée miraculeuse au ciel, il désigna comme successeur le prophète Elicha qui l’avait accompagné durant plusieurs années.

A cette même époque, vivait également le prophète Ovadia qui était resté secrètement fidèle à Hachem tout en officiant dans la cour du roi A’hav. Le prophète Ovadia mit toute sa fortune au service de la protection des autres prophètes qui vivaient en Israël, en leur apportant une aide matérielle discrète mais efficace. Il en vint ainsi à dépenser toute sa fortune pour soutenir ces prophètes, si bien qu’à la fin de sa vie, après avoir dépensé tout son argent et vendu tous ses biens, il ne lui restait plus qu’une fiole d’huile. Il s’était même endetté auprès de la famille royale. A sa mort, son épouse, inquiète, craignait que leurs créanciers s’emparent de leurs deux fils pour rembourser leur dette.

Liens entre la Haftara et la Paracha

Notre Haftara s’ouvre précisément sur la venue de la veuve du prophète Ovadia auprès d’Elicha afin de lui demander son aide pour éviter que ses enfants ne soient pris en gage de la dette impayée, et pour trouver une source de subsistance durable pour elle et sa famille. C’est alors qu’Elicha va susciter un premier miracle à partir de la fiole d’huile qui restait dans la maison d’Ovadia. En effet, ce petit flacon permit à son épouse de remplir miraculeusement un très grand nombre de récipients. Ses enfants purent vendre cette huile sur le marché et récolter une somme d’argent très significative, suffisante pour rembourser leur dette et assurer leur subsistance.

Notre texte nous raconte également un deuxième épisode évoquant l’hospitalité exemplaire d’une habitante de la ville de Chounam. Cette dernière admirait les serviteurs d’Hachem et souhaitait ardemment les servir en leur offrant l’hospitalité. Elle accueillait ainsi régulièrement Elicha, si bien qu’elle résolut avec son mari de dédier une chambre spécifiquement pour le prophète où il serait à son aise. Elicha souhaita alors la remercier pour son abnégation, et s’enquit de ce qui pourrait lui faire plaisir. Il apprit ainsi que ce couple, alors âgé, n’avait jamais pu avoir d’enfants. Il leur promit un fils pour l’année suivante, et le miracle se réalisa conformément à la parole du prophète. Toutefois, la suite du texte nous apprend que l’enfant tomba gravement malade et mourut, mais Elicha  accomplit alors un nouveau miracle en redonnant la vie à cet enfant. La tradition nous enseigne que cet enfant n’est autre que le prophète ‘Habakouk dont le nom évoque une double étreinte : celle de sa mère, et celle du prophète qui lui redonna vie.

Plusieurs liens peuvent être établis entre la Paracha et la Haftara, nous rappelant ainsi l’importance des bonnes dispositions morales, et dressant un éloge implicite de la femme vertueuse.

A l’image de Sarah qui a soutenu Avraham non seulement dans sa mission spirituelle de ramener les hommes de leur époque vers Hachem, mais aussi dans les actes de bonté et d’hospitalité exceptionnels qu’ils accomplissaient envers tous les hommes, la veuve du prophète Ovadia se singularise à son tour par son ‘Hessed (sa bonté) exceptionnel. Elle permit ainsi à son mari de dépenser toute leur fortune pour aider les prophètes authentiques d’Israël à survivre, confiante que la Providence divine ne les abandonnerait pas.

De même, la Chounamite est à l’origine d’une hospitalité exceptionnelle dans son foyer, faisant écho à l’ouverture de notre Paracha lorsqu’Avraham accueille les trois anges. Et, de même que les « invités » d’Avraham et Sarah leur annoncent la naissance prochaine d’un enfant dans leur foyer, de même Elicha annonce à ses hôtes, avec les mêmes mots que les anges, la naissance prochaine d’un fils. Ces deux couples vont être également éprouvés par la crainte de voir disparaître leur enfant unique, mais devant cette épreuve, leur foi ne chancela pas et leur enfant survécut.

L’écho de la Haftara

Comme toujours, ces Haftarot ne sont pas simplement un exercice de style, au terme duquel nos Sages ont cherché des similitudes entre deux textes de la tradition. Le choix de fixer ces versets pour l’éternité et de les lire chaque année nous invite à saisir la part d’intemporalité qu’ils recèlent ainsi que les leçons éternelles, valables à chaque génération, qu’ils véhiculent.

Nos Sages ont vraisemblablement voulu nous sensibiliser à travers ces textes à l’importance du ‘Hessed, conformément à cet enseignement bien connu des Pirké Avot :

« Le monde tient sur 3 principes : l’étude de la Torah, le service divin, et les actes de bonté ».

Et, de fait, les commentaires du Midrach nous enseignent que l’attitude des Juifs de l’époque d’Ovadia déplaisait fortement à Hachem, mais l’Éternel décida de les sauver grâce au mérite de la femme d’Ovadia dont le ‘Hessed envers les prophètes était exceptionnel. Elle sacrifia ainsi tout son confort matériel pour leur venir en aide.

De même, l’hospitalité de la Chounamite nous rappelle l’importance de la Mitsva d’accueillir des invités, illustrée également dans notre Paracha par Avraham puis Loth. A chacun, l’accomplissement de cette Mitsva apporta des miracles prodigieux : la naissance d’un enfant, et le sauvetage de l’anéantissement pour Loth et sa famille.

Ces deux exemples de vertus morales nous montrent notamment l’importance du don. La faculté de donner à l’autre, de s’ouvrir au besoin d’autrui, à sa solitude ou à sa souffrance amène l’homme à dépasser sa tendance naturelle à persévérer dans son être, à prendre plus qu’à donner, et à rechercher son propre intérêt. Il témoigne ainsi de sa volonté de participer pleinement au projet de la création de l’homme, d’être à l’image de D.ieu, c’est-à-dire capable d’un don désintéressé vis-à-vis d’autrui. Notre tradition nous enseigne ainsi que D.ieu contracte cette alliance avec les hommes : « Occupez-vous de Mes enfants, et Moi, Je m’occuperai des vôtres ».

La difficulté que nous pouvons éprouver est que, bien souvent, le ‘Hessed ne fait pas partie de notre « emploi du temps » ni de nos tâches quotidiennes obligatoires. Nous ne sommes pas réticents à faire du ‘Hessed, mais simplement, nous sommes débordés par un flot d’activités et de pensées qui nous submergent et nous éloignent de l’exercice concret et régulier du ‘Hessed. Les versets que nous lisons doivent nous amener à mesurer l’importance de faire davantage d’efforts dans ce domaine, à consacrer du temps pour ces actes de bonté dont la récompense dépasse l’entendement. Comme toujours, le salaire est à la hauteur des efforts que nous accomplissons.

Notre Haftara illustre également un passage du Talmud (traité Taanit) qui nous enseigne que les clefs de la naissance, de la Parnassa et de la résurrection des morts appartiennent à Hachem. En dépit des circonstances matérielles qui peuvent sembler désespérantes, les versets de notre texte nous rappellent qu’il n’est aucune limite matérielle qui entrave l’action divine. Une simple petite fiole d’huile (sur laquelle il y aurait probablement beaucoup à dire) peut engendrer une grande richesse nous invitant ainsi à ne jamais sous-estimer la valeur des biens que nous possédons. Un couple âgé peut accueillir la naissance d’un enfant, et les malades les plus graves peuvent guérir.

Nous ne trouverons probablement pas de meilleure conclusion que les mots du prophète ‘Habakouk, le fameux fils de la Chounamite, qui résuma selon notre tradition l’ensemble des commandements de la Torah par une seule phrase :

« Tsadik Béémounato Yi’hyé », le Juste vivra par sa foi !