La Haftara de cette semaine est issue du Livre des Rois, « Mélakhim ». Bien que divisé en deux parties, ce livre a été écrit par un seul auteur selon notre tradition (Talmud, traité Baba Batra 14b), le prophète Jérémie, et constitue un ensemble cohérent.

Cet ouvrage traite de différentes histoires et s’étend sur une longue durée, près de quatre siècles, depuis la mort du roi David jusqu’à la destruction du premier Temple, sous le règne de Tsidkiyahou.

Il est possible d’identifier un fil directeur à travers ce livre qui peut se résumer ainsi : la prospérité d’Israël dépend de son attachement à l’Éternel, et de son observance de la Torah. Il nous rappelle également que le prestige d’Israël, et son salut, est entre les mains de ses leaders spirituels, les prophètes à cette époque, et non entre les mains des dirigeants politiques, dont certains étaient vertueux, mais d’autres ne l’étaient guère.

Notre Haftara nous décrit la construction du premier Temple, sous le règne de Salomon. Elle nous rappelle en introduction le pacte conclu avec ‘Hiram, le roi mégalomane (cf. Midrach) de Tsor, qui avait entretenu de bonnes relations avec David, puis avec Salomon. Nous découvrons également à la faveur de ce texte, les ressources impressionnantes, aussi bien en main d’œuvre qu’en matériaux, requises pour ce projet.

Liens entre la Haftara et la Paracha

La Paracha et la Haftara de cette semaine traitent toutes deux de la construction d’un sanctuaire pour Hachem. La Paracha évoque la construction du Michkan, alors que la Haftara évoque l’édification du premier Temple à l’époque de Salomon. Les champs lexicaux de nos deux textes sont très similaires, à travers notamment tous les détails de cette construction.

Il est intéressant toutefois de noter des différences sur le fond. Le Michkan a été construit par l’ensemble du peuple, et ses matériaux étaient constitués des offrandes apportées spontanément par le peuple. Ses dimensions sont relativement limitées, et il avait vocation à se déplacer au gré des étapes suivies par les enfants d’Israël dans le désert. En revanche, le Temple construit par Salomon était majestueux et imposant. Sa réalisation avait duré plusieurs années, et il avait nécessité l’intervention d’autres peuples que le peuple Juif. De même, ses matériaux ne provenaient pas uniquement des offrandes.

L’écho de la Haftara

Parmi les différentes leçons que nous pouvons tirer de la Haftara, le premier verset mérite une attention particulière. Ce dernier nous rappelle que D.ieu avait donné à Salomon la sagesse en réponse à sa prière. En effet, D.ieu avait demandé à Salomon ce qu’il désirait obtenir par-dessus tout, et ce dernier avait demandé « simplement » la sagesse. Et, de fait, bien souvent, toutes les gratifications et les privilèges que l’homme recherche au cours de sa vie dépendent de sa sagesse.

Nous savons que la quête de la sagesse est un leitmotiv de la Torah. Celle-ci cherche précisément à former des hommes Sages, c’est-à-dire des hommes susceptibles de mener leur vie dans les voies d’Hachem, en étudiant la Torah, en pratiquant les Mitsvot et en raffinant leurs traits de caractère.

A la question « Qui est l’homme Sage ? », nos maîtres apportent plusieurs réponses.

Certains considèrent que l’homme Sage est « celui qui perçoit ce qui va advenir, le futur », c’est-à-dire celui qui est capable d’anticiper les évènements de sa vie, et qui ne se contente pas de les subir.

D’autres, dans les Maximes des Pères, nous rappellent que « l’homme Sage est celui qui est capable d’apprendre de tout homme ». A leurs yeux, la modestie et l’humilité sont précisément au cœur de la sagesse.

A la lumière de cette précision, nous pouvons peut-être mieux comprendre pourquoi notre Haftara précise que D.ieu « a donné » la sagesse au roi Salomon. Bien souvent, les hommes sont enclins à considérer qu’ils sont eux-mêmes les artisans de leur propre sagesse et que celle-ci est liée à leur travail, à leurs mérites, à leurs efforts. Or, notre tradition ne nous enseigne pas la même chose. Elle nous demande de nous pénétrer de l’idée que c’est seulement D.ieu qui accorde la sagesse comme une « Matana », un don aux hommes (Rav Rozenberg).

Sans ce secours indispensable de D.ieu, la faute et l’erreur guettent l’homme en permanence. Nous constatons ainsi dans la vie quotidienne combien il est facile de s’égarer, et nous nous étonnons parfois que des hommes réputés pour leur sagesse dans un domaine particulier manquent de discernement sur d’autres questions. Nous mesurons alors véritablement combien la sagesse est effectivement un don de D.ieu, combien elle est une qualité précaire, qui menace de nous échapper dès lors que nous prétendons l’avoir conquise.

Nos Maîtres nous enseignent ainsi que l’humilité est totalement constitutive de la sagesse. Ils remarquent notamment que le terme sagesse, en hébreu « ‘Hokhma », peut se décomposer en « Koa’h Ma » (la force du « quoi ? »). Cette racine nous rappelle opportunément que la capacité à questionner, à s’interroger, est au cœur de la sagesse. Nos Sages se méfient de ceux qui se tiennent chaud dans des certitudes, souvent erronées.

En outre, l’étymologie suggérée par nos Sages nous rappelle également que la sagesse est l’apanage de ceux qui sont capables de s’interroger sur eux-mêmes, qui font preuve d’une grande humilité. « Nah’nou Ma » (nous sommes « Ma », nous sommes « quoi »], voilà l’exclamation qu’ont eu Moché et Aharon face aux reproches que leur adressaient le peuple, sous-entendant : « Nous ne sommes rien, nous ne faisons qu’exécuter la volonté d’Hachem ».

C’est précisément dans cette humilité, notamment celle de Moché dont nous disons qu’il était le « plus humble de tous les hommes », que réside le secret de leur grandeur, de leur sagesse, et de leur proximité avec Hachem.

L’humilité permet de faire échec aux stratégies personnelles concurrentes de la volonté divine, et de donner à l’homme la capacité d’accomplir la volonté de son Créateur. L’homme est alors capable de s’engager dans un cercle vertueux où sa sagesse ira en grandissant. « Lev ‘Hakham Yaskil Pihou », celui dont le cœur est sage parle avec intelligence, nous disent nos maîtres, et il peut alors rayonner autour de lui et diffuser sa sagesse.

Mentionnons un élément supplémentaire dans la même direction. A l’époque du Michkan, la parole de D.ieu s’adressait à Moché Rabbénou à partir du petit espace qui séparait les deux chérubins sur le couvercle de l’arche. Et, de fait, Hachem ne recherche pas, a priori, les espaces grandioses, majestueux. Il recherche simplement les cœurs sincères et authentiques, ceux qui « aiment la bonté, pratiquent la justice et marchent modestement aux côtés d’Hachem », comme nous le dit le prophète Mikha.

Le Temple construit par Salomon est certes une œuvre admirable, un témoignage de la grandeur de la génération qui a eu le privilège de le côtoyer, mais il est considéré comme inférieur au Michkan en sainteté, de même que le second Temple sera inférieur au premier. Le luxe et la grandeur des Temples sont peut être une concession faite aux hommes qui ont besoin d’être parfois stimulés dans leur Service divin par un apparat extérieur.

D.ieu met d’ailleurs en garde Salomon à la fin de notre Paracha que ce Temple, aussi majestueux soit-il,  n’a de sens que pour des hommes qui suivent les chemins de D.ieu, qui respectent la Torah.

Il appartient probablement à notre génération qui vit dans l’espérance de voir le troisième Temple être reconstruit (très rapidement avec l’aide de D.ieu) d’essayer d’éduquer nos coeurs à devenir les sanctuaires d’Hachem, à travers précisément les vertus de l’humilité, de la bonté, de la rectitude, en développant le désir intime et ardent de servir Hachem et diffuser Sa Royauté dans ce monde.