La Paracha Terouma (25, 30) nous dit : "וְנָתַתָּ עַל הַשֻּׁלְחָן לֶחֶם פָּנִים לְפָנַי תָּמִיד" (et tu placeras sur cette table des pains de proposition, en permanence devant moi)

On raconte qu’à l’époque du Ari Hakadoch za”l, un certain marrane s’enfuit du Portugal et vint s’installer à Safed.

Le Chabbat suivant son arrivée, il assista à une dracha durant laquelle le Rav local évoqua les pains de proposition que l’on apportait au Temple de Chabbat en Chabbat et qui constituaient une source d’abondance matérielle pour tout le peuple. « Quel dommage que nous ayons perdu ce privilège ! » déplora le Rav en soupirant. De retour chez lui, le marrane remué par ces paroles, pria son épouse de confectionner chaque semaine deux miches de pain, pétries treize fois en état de pureté avant d’être cuites avec tous les embellissements possibles dans le four familial, dans l’intention de les offrir à la synagogue comme à l’époque du Temple.

La femme suivit fidèlement les instructions de son mari ; chaque vendredi elle confectionnait les deux miches de pain et son mari les apportait à la synagogue en priant et suppliant D.ieu d’agréer son offrande. Puis à la fin de la prière, il déposait les pains dans l’arche sainte. Et le bedeau, qui ne cherchait pas à connaître l’origine de ces pains, se faisait un plaisir de les déguster chez lui pendant Chabbat…

Le soir venu, l’ancien marrane retournait à la synagogue et constatant que les miches avaient disparu, en concluait que le Saint béni soit-Il avait agréé son offrande…

Un vendredi après-midi, le Rav se rendit à la synagogue pour y répéter son sermon du lendemain. Soudain, notre homme arriva comme à son habitude avec ses deux miches de pain, s’approcha de l’arche et se mit à épancher à son coeur devant D.ieu, inconscient de la présence du Rav…

En entendant cela, le Rav le réprimanda sévèrement : « Sot que tu es ! s’exclama-t-il. Penses-tu que notre D.ieu mange et boit ? C’est sans doute le bedeau qui prend tes pains et dans ta naïveté, tu t’imagines que c’est D.ieu qui les consomme ! C’est là une faute grave que de Lui prêter une conduite physique ! »

A peine eut-il prononcé ces mots que le bedeau entra à la Synagogue pour y récupérer, comme à son habitude, ces miches « tombées du ciel ». Aussitôt, le Rav se tourna vers lui et lui dit : « Remercie cet homme qui t’apporte chaque vendredi deux pains frais ! » Effectivement, l’homme remercia son généreux donateur sans la moindre gêne.

En entendant cela, l’ancien marrane éclata en sanglots et pria le Rav de lui pardonner d’avoir mal interprété son discours sur les pains de proposition, à la suite duquel il avait commis une faute aussi grave.

A ce moment précis, un envoyé du Ari za”l fit irruption dans la synagogue et annonça au Rav au nom de son maître : « Rentre chez toi et annonce à ta famille que demain, à l’heure où tu t’apprêtais à prononcer ton sermon à la synagogue, tu mourras ! Le décret a déjà été promulgué dans le Ciel ! »

Affolé par ces paroles, le Rav se précipita chez le Ari Hakadoch pour connaître la raison de ce verdict. Ce dernier lui répondit : « Sache que depuis la destruction du Temple, le Maître du monde n’a pas connu de plaisir plus grand que celui procuré par l’offrande de ce Juif simple. Puisque tu y as mis un terme, ta mort a été décrétée irrévocablement ! »

Abattu, le Rav rentra chez lui et annonça la triste nouvelle aux siens. Et effectivement, le lendemain, à l’heure où il était censé prononcer son sermon à la synagogue, le Rav rendit l’âme, comme l’avait prédit le Ari Hakadoch.