« Ils feront une Arche en bois d’acacia, de deux coudées et demie de long, une coudée et demie de large et une coudée et demie de haut. Tu le recouvriras d’or pur, de l’intérieur et de l’extérieur tu le recouvriras… » (Chémot, 25:10-11)

Hachem informe Moché Rabbénou que le Aron Hakodech (l’Arche Sainte) doit être recouvert d’or intérieurement et extérieurement. L’Arche symbolise l’étude de la Torah et plusieurs enseignements peuvent être tirés de certains détails de sa construction. La Guémara[1] précise que le recouvrement intérieur et extérieur nous indique que la personnalité du Talmid ’Hakham doit être en accord avec son aspect extérieur – c’est ce que l’on appelle « Tokho Kébaro ». Le Talmid ’Hakham a généralement l’apparence d’un Tsadik, de quelqu’un dont les intentions d’étudier la Torah et le comportement général sont nobles, mais son mode de vie et ses motivations profondes doivent en être le reflet.

Comment savoir si un érudit est « Tokho Kébaro » ? La Guémara[2] raconte que Rabban Gamliel décréta que toute personne qui n’était digne de ce titre ne pouvait pas entrer dans la maison d’étude ; le garde à l’entrée du Beth Hamidrach ne le laisserait pas entrer. Quand Rabban Gamliel fut remplacé par Rabbi Elazar ben Azaria, celui-ci changea cette règle et permit l’entrée dans la maison d’étude à tout homme désirant étudier. Ce jour-là, des centaines de bancs durent être ajoutés pour les nouveaux disciples.

Plusieurs questions peuvent être posées sur cette Guémara ; nous en soulèverons deux. Comment le garde pouvait-il détecter les élèves correspondant au critère de « Tokho Kébaro » ? Et pourquoi parler de centaines de bancs qui furent ajoutés à la maison d’étude ? Pourquoi ne pas simplement dire que des centaines de nouveaux disciples se joignirent à l’étude ?

Le Michméreth Ariel[3] répond en expliquant que ce qui fait la différence entre celui qui est « Tokho Kébaro » et celui qui ne l’est pas se trouve dans son désir ardent d’étudier, dans sa disposition à le faire malgré les difficultés ou l’inconfort. Par exemple, un élève qui est « Tokho Kébaro » sera prêt à étudier debout, ne cherchera pas à tout prix à s’assoir. D’ailleurs, ’Hazal affirment qu’à une certaine époque, les gens étudiaient debout, et à cause de la Yériat Hadorot (le déclin au fil des générations), les gens eurent besoin de s’assoir pour étudier convenablement. Ainsi, il n’y avait pas réellement de garde à l’entrée de la maison d’étude, mais le « garde », le « filtre » était l’inconfort, le manque de bancs à l’intérieur.[4] Ceux qui n’étaient pas « Tokho Kébaro » n’étaient pas suffisamment motivés à étudier dans de telles conditions et restèrent dehors.

Et quand Rabbi Elazar ben Azaria autorisa le retour de tous les disciples, il fallut ajouter des bancs, parce que les nouveaux élèves n’étaient pas au niveau d’étudier debout, d’où l’accent mis par la Guémara sur la nécessité d’apporter des sièges.

Nous savons à présent définir la personne « Tokho Kébaro ». Celui qui apparait comme un Tsadik, mais qui s’abstient d’étudier à cause de circonstances pénibles ne peut être qualifié de cette vertu.

Rav Pin’has Scheinberg zatsal insistait beaucoup sur l’importance d’un tel effort. Il dit que nombreux sont ceux qui ne sont prêts à étudier que quand tout va bien – ils ont besoin de chambres spacieuses, d’un climatiseur, etc., mais si tout ne fonctionne pas comme ils le désirent, ils ne peuvent pas continuer. Les disciples les plus illustres sont ceux qui poursuivent leur étude en toute circonstance.[5] C’est le sens de la Michna de Pirké Avot : « Tel est le chemin de la Torah ; du pain [trempé] dans du sel tu mangeras, tu boiras de l’eau par petites quantités et tu dormiras sur la terre. »[6] Cela ne signifie pas que l’on doit vivre ainsi pour pouvoir étudier, mais qu’il faut être capable d’apprendre même dans des situations tellement défavorables.

Rav Scheinberg enseigna cette idée dans ses discours, mais aussi, et surtout, par son exemple. Quand sa Yéchiva, Thora Or, était à Bensonhurst, les étés étaient parfois caniculaires et les élèves peinaient à poursuivre leur étude (ils n’avaient pas de ventilateurs, sans parler des climatiseurs !). Pourtant, le Rav qui portait plusieurs Talitoth, ses Tefilin et sa kapota (longue veste portée au-dessus des vêtements) étudiait avec une énergie sans pareille.

Il est important de souligner et de garder à l’esprit que la Guémara dans Brakhot admet que l’approche de Rabbi Elazar ben Azaria était correcte. Donc même celui qui n’est pas encore « Tokho Kébaro » doit rester motivé à étudier la Torah. En effet, « Mitokh Chélo Lichma, Ba Lichma » – de l’étude mue par des motivations externes on en arrive à étudier de façon désintéressée. Donc même celui qui ne désire pas encore se dévouer complètement à l’étude (avec Messirout Néfech) doit s’efforcer d’étudier dans l’espoir de développer cette qualité.


[1] Yoma 72b.

[2] Brakhot, 28a.

[3] Rapporté par Rav Ozer Alport.

[4] On pourrait éventuellement avancer qu’un garde était effectivement présent et qu’il prévenait les disciples potentiels du fait qu’il n’y avait pas de banc dans la maison d’étude – ceux qui n’étaient pas « Tokho Kébaro » n’entraient pas, parce qu’ils n’étaient pas prêts à subir un tel inconfort.

[5] Rav Scheinberg, écrit par Rav Yé’hiel Spero, p. 177.

[6] Pirké Avot, 6:4.