Nos Sages nous enseignent que les différents habits du Cohen Gadol permettaient d’expier les fautes du Klal Israël. Le Méïl (manteau) réparait celle du Lachone Hara'. L’une des caractéristiques du manteau était sa couleur Tekhélet – bleu azur, couleur qui fait penser au Trône Céleste [1].

Quel rapport y a-t-il entre le bleu azur du manteau et l’expiation du Lachone Hara' ?

Le ‘Hafets ‘Haïm zatsal rapporte un Tana Devé Eliahou qui affirme que le Lachone Hara' monte vers le Trône Céleste. Cela signifie qu’une personne qui dit du Lachone Hara' devra affronter le jugement devant le Kissé Hakavod (Trône Céleste). La couleur du Méïl était donc un rappel au fait que nos paroles ont une influence spirituelle de taille [2].

Grâce aux « campagnes » menées contre le Lachone Hara', les gens sont beaucoup plus conscients des lois de Chémirat Halachone (préserver sa langue des paroles néfastes) et en comprennent plus le sens. Pourtant, le Lachone Hara' reste l’une des Avérot les plus difficiles à éviter. Plusieurs raisons expliquent ceci ; l’une d’elles est le fait que nous parlons tellement et que la pression sociale est si forte, que nous avons beaucoup de mal à éviter les propos négatifs.

Il existe cependant une origine plus profonde qui expliquerait une grande partie de la médisance proférée. Selon la Halakha, nous retirons du plaisir à parler négativement des autres – nous déduisons ceci des lois concernant les paroles « constructives » : il est parfois permis, voire nécessaire de dire du Lachone Hara', afin d’éviter qu’un dommage soit causé. En revanche, ces paroles sont interdites si celui qui les dit retire un quelconque plaisir à prononcer un jugement négatif sur autrui. Essayons de comprendre quel est le plaisir physique obtenu quand on parle négativement d’une autre personne.

Apparemment, ce qui stimule le Lachone Hara', c’est la confiance en soi de la personne. Lorsque nous ressentons un manque de confiance en soi, il y a deux façons d’y remédier : on peut s’investir dans des activités positives et améliorer notre caractère, ce qui permettra d’être plus satisfait et sûr de soi. Mais on peut choisir l’autre option, certes, plus facile : l’individu a tendance à se comparer aux autres et par conséquent, son image de soi dépend souvent de son entourage. En critiquant autrui, nous « l’enfonçons », ce qui nous permet de nous sentir, comparativement, bien meilleurs. Par exemple, si nous nous sentons moins intelligents que quelqu’un d’autre, nous pouvons, en le critiquant sur ce point, développer notre estime de soi dans ce domaine.

Il semblerait, d’après l’explication donnée par ‘Hazal, qu’une personne ne critique les autres que sur des défauts qu’elle possède elle-même. ‘Hazal ont compris que les gens avaient psychologiquement besoin de se sentir « au-dessus », et que la façon la plus simple d’y parvenir est de rabaisser les autres en exposant leurs propres points faibles.

Bien entendu, une confiance en soi plus forte, qui provient du Lachone Hara', n’est qu’artificielle et de courte durée. Peu de temps après, l’insuffisance socioaffective de la personne réapparaît et elle ressent le besoin de rabaisser autrui davantage pour se remonter le moral. Celui qui se garde de dire du Lachone Hara' peut affirmer que les fois où il s’est abstenu d’en dire, il n’a ressenti aucun manque – au contraire, il était content d’avoir fait le bon choix.

Nous pouvons tirer deux leçons importantes de cette explication sur le Lachone Hara'. Tout d’abord, il nous faut être très vigilants quant à nos intentions lorsque nous parlons négativement, même dans un but constructif. Cela s’applique en particulier aux critiques émises sur certains groupes ou idéologies au sein du judaïsme. Le Roch Yéchiva de Manchester, le rav Segal zatsal dit en effet, que seuls les grands Tsadikim peuvent se permettre de critiquer certains individus ; ils sont suffisamment équilibrés et n’ont pas besoin de diffamer les autres.

Par contre, toute autre personne est susceptible de ressentir un manque de confiance en soi et d’exprimer un blâme « justifié » sur ceux qu’elle désapprouve pour des raisons qui ne sont pas Léchem Chamaïm (pour le Ciel). En ce cas, l’interdit de dire du Lachone Hara' est Min Hatorah et il est alors bien judicieux de prendre en compte des paroles du rav Segal afin de ne jamais risquer de transgresser cette terrible faute.

Le deuxième enseignement est le suivant. Si une personne ressent le désir de déprécier quelqu’un, elle doit s’introspecter pour comprendre la source de ce désir. Très souvent, cela peut provenir d’un manque de confiance en soi. Mais au lieu de rabaisser les autres, on peut se stimuler en améliorant ses Middot (traits de caractère) et en s’efforçant d’être actif dans la société. Puissions-nous tous mériter d’épurer notre langage et de prendre leçon du Méïl.


[1] Arakhim 16a.

[2] ‘Hafets ‘Haïm al Hathora, Parachat Tétsavé.