La Paracha de cette semaine, Vaéra, nous détaille les sept premières plaies que subirent les Égyptiens. Notons l’étrange réaction de Pharaon, durant les Makot (Plaies), face à la destruction de son peuple. Lorsque Moché Rabbénou et Aharon provoquèrent le premier fléau – le sang –, le verset nous raconte que Pharaon ne fut pas impressionné parce que ses sorciers pouvaient également transformer l’eau en sang.

« Les devins de l’Égypte en firent autant par leurs prestiges, le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne les écouta pas, comme l’avait dit Hachem. Pharaon s’en retourna et entra dans sa demeure et il n’y prêta pas attention non plus. »[1] Les commentateurs demandent à quoi fait référence la mention « Il n’y prêta pas attention ». Le verset nous a déjà informés du fait que Pharaon ne tint pas compte de leurs arguments, qu’ajoute donc cette redondance ? Le Natsiv zatsal explique que le second verset précise que Pharaon resta insensible à la souffrance de ses sujets et qu’il ne chercha pas à amoindrir leur peine.

La cruelle indifférence de Pharaon contraste énormément avec la réaction de Moché Rabbénou face à la douleur du peuple juif. Moché grandit dans le palais de Pharaon, éloigné de ses frères et non soumis à l’esclavage. Néanmoins, il sortit, vit la détresse de son peuple et compatit[2] — il convainquit même Pharaon de leur accorder un jour de repos.[3]

Comment pouvons-nous nous écarter de la froideur de Pharaon et émuler le souci de l’autre personnalisé par Moché Rabbénou ? Il est particulièrement difficile de compatir avec les gens qui vivent une situation qui ne nous affecte pas. Rachi précise que Moché « focalisa ses yeux et son cœur » pour voir la détresse dans laquelle ils se trouvaient[4]. Rav Its’hak Berkovits explique qu’il regarda d’abord l’expression de leurs visages et perçut leur malheur. Puis, il « focalisa son cœur », tentant de ressentir leur douleur.

De même, quand nous entendons qu’une personne est en difficulté, nous devons tout d’abord observer l’expression de son visage pour que son épreuve soit concrète à nos yeux. Nous devons ensuite essayer d’imaginer ce que cela fait de vivre la même chose, pour ressentir sa peine.

Il ne suffit pas de gémir en entendant une triste nouvelle et de poursuivre notre routine. Il convient de faire quelque chose pour montrer que l’infortune de l’autre nous touche, même si nous ne pouvons pas l’aider directement. À l’époque où Rav ’Haïm Soloveitchik était le Rav de Brisk, la moitié de la ville prit feu, laissant des centaines de Juifs sans domicile. Rav ’Haïm sortit de sa maison et alla dormir sur un banc du Beth Hamidrach (maison d’Étude). Quand on lui demanda pourquoi il agissait de la sorte, il répondit : « Comment pourrai-je dormir dans un lit confortable alors que tant de personnes n’ont pas de toit au-dessus de leur tête ? »[5]

Nous apprenons également de Moché Rabbénou qu’il ne suffit pas d’avoir de la peine pour les gens en détresse. Le Midrach raconte que Moché s’attelait à la tâche et allait aider chacun d’entre eux, faisant fi de son statut, afin d’alléger leur fardeau, prétendant aider Pharaon[6]. Nous aussi, nous devons tenter d’assister notre prochain autant que possible.

Rav Frand suggère, dès la prochaine information à propos de l’un de nos frères qui passe une période éprouvante, que nous cherchions tous les moyens envisageables pour lui venir en aide. Si, par exemple, il a perdu son emploi, nous pouvons réfléchir à des amis ou des connaissances qui pourraient lui trouver un autre poste ; s’il cherche à se marier, nous pouvons songer à un éventuel parti correspondant.

Même si, concrètement, nous ne pouvons pas résoudre son problème, le fait d’être à ses côtés et de lui montrer qu’il n’est pas seul est déjà un grand ’Hessed.

L’indifférence face au niveau spirituel d’autrui est peut-être plus répréhensible que le fait de ne pas se soucier de sa situation matérielle. Rav Frand note qu’il est très facile de vivre dans une communauté pratiquante et d’oublier que la grande majorité des Juifs ne s’identifient même pas comme tels et que chaque année, plusieurs milliers de Juifs célèbrent des mariages mixtes. Il ajoute que l’on ne peut pas se permettre d’esquiver en pensant : « Chalom Alayikh Nafchi » — tant que je vis dans un milieu orthodoxe et que je reçois une éducation de Torah, tout va bien. Il convient plutôt de réaliser et de ressentir que l’Holocauste spirituel nous affecte autant que tout autre Juif et que nous devons faire quelque chose pour freiner ceci (par exemple, rester en contact avec un membre de la famille qui n’est pas pratiquant, entretenir une conversation amicale avec un collègue ou inviter des gens pour Chabbat).

Les personnages principaux des Parachiot de l’exil et de la sortie d’Égypte – Moché Rabbénou et Pharaon – nous montrent que la grandeur d’une personne se définit selon sa capacité à se préoccuper d’autrui et inversement, la petitesse est une preuve d’égoïsme. Puissions-nous tous mériter d’émuler Moché Rabbénou.



[1] Parachat Vaéra, Chémot, 7:22-23.

[2] Chémot, 2:11

[3] Chémot Rabba, 1:27.

[4] Chémot, 2:11.

[5] Propos entendus de Rav Issakhar Frand.

[6] Chémot Rabba, 1:27.