La Paracha de cette semaine, Vaéra, commence par un reproche adressé par Hachem à Moché pour s’être plaint de la situation du peuple juif qui s’était empirée : « Moché revint vers Hachem et dit : "Mon Maître, pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple ?" » (Chémot, 5:22) « D.ieu parla à Moché et lui dit : "Je suis Hachem. Je suis apparu à Avraham, à Its’hak et à Yaakov en tant que ‘El Chakaï’, mais par Mon nom Hachem, Je ne me suis pas fait connaître à eux." » (Chémot, 6:2-3)

Rachi explique, sur les mots « Et D.ieu parla à Moché » : Il lui parla durement, parce qu’il avait parlé durement en disant : « Pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple ? »

Le Midrach[1] détaille cette remontrance : Hachem compare défavorablement Moché aux Patriarches. Ces derniers connurent un moindre niveau de prophétie ; souvent, Ses promesses ne semblaient pas se concrétiser et ils durent affronter de grandes difficultés dans leurs vies. Malgré tout, ils ne se plaignirent jamais de ces vicissitudes. En revanche, Moché protesta quand il vit ses efforts d’aider le peuple juif s’avérer contre-productifs et quand l’esclavage s’intensifia.

Le Darké Moussar[2] souligne une différence de taille entre les complaintes des Avot et celle de Moché. Les challenges des Patriarches concernaient leurs vies personnelles et ils les acceptèrent avec équanimité. Mais Moché se lamentait sur la souffrance du peuple juif – ce qui était sûrement justifié, voire attendu, de la part du dirigeant de la nation ! Moché implora aussi à la suite de la faute du Veau d’Or et supplia Hachem de ne pas punir sévèrement les Bné Israël et nous ne voyons pas qu’il s’agissait alors d’une erreur de sa part.[3]

Le Darké Moussar répond qu’Hachem ne critiquait pas Moché de défendre son peuple, mais des mots qu’il employa : « Pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple ? » Le terme « mal » était inapproprié, incorrect puisque même quand Hachem envoie les défis les plus durs, ils ne peuvent s’appeler « mauvais », car tout ce qu’Hachem fait est pour le bien.

Cet enseignement du Darké Moussar nous incite à redéfinir les notions du bien et du mal.[4] Rav Chaoul Rosenblatt en parle dans son ouvrage Why Bad things don’t happen to Good people (Pourquoi rien de mal n’arrive aux gens bien)[5]. Il souligne que ce que la plupart des gens considèrent comme « mauvais » n’est pas « mal » du point de vue de la Torah.

La meilleure façon de définir le « mal » est tout d’abord de cerner le « bien ». Le « bien » est quelque chose qui nous permet de devenir plus divins, plus proches de D.ieu. La Torah, les Mitsvot, les bonnes actions… sont « bien ». D.ieu Lui-même est bon. Et inversement, le mal est ce qui nous éloigne de D.ieu – source, origine de toute bonté.

C’est ce qu’écrit Rav Moché ’Haïm Luzzato au début de son œuvre, le Messilat Yécharim ; la seule perfection réelle est atteinte grâce à la proximité avec Hachem. Il cite le verset du roi David : « Kirvat Elokim Li Tov » — Pour moi, la proximité avec Hachem est bonne. Telle est la définition correcte du bien.

Ainsi, le fait de se casser le pied est généralement considéré comme une mauvaise circonstance. Mais cela peut être bien ou mal, selon la réaction de la personne. Si celle-ci en profite pour réfléchir, pour renforcer sa Émouna, améliorer son respect de la Torah, ses relations avec autrui, etc., alors cet incident « fâcheux » est en fait bénéfique.

Par contre, si quelqu’un gagne au loto, ce qui est généralement vu comme une bonne nouvelle, mais que ses relations se détériorent à cause de cela ou bien qu’il perd de vue ce qui est réellement important, il s’agira d’un événement mauvais.

Ceci nous montre que bien qu’une personne ne puisse pas choisir ce qui va lui arriver, elle a la possibilité, grâce à son libre arbitre, de déterminer si ce sera une bonne chose ou non.[6]

Le peuple juif a vécu récemment un événement très joyeux, celui de la libération de R’ Chalom Mordékhaï Rubashin. Sa longue période d’emprisonnement fut certainement très éprouvante pour lui, sa famille et pour l’ensemble du Klal Israël. Mais R’ Chalom Mordékhaï se renforça durant cette difficulté. Il l’exprima lors de sa libération, alors que certaines personnes lui conseillèrent de se faire aider pour sa réadaptation à la société. Il répondit, le sourire aux lèvres : « Cela aurait été un bon conseil pour quelqu’un qui sort de prison. Mais je ne me suis jamais senti emprisonné ! » Sur le plan national, les abondantes prières, les résolutions personnelles et l’unité impressionnante manifestée durant cet épisode troublant rapprochèrent plusieurs personnes d’Hachem. Ainsi, cet événement peut donc être considéré comme « bon » malgré la difficulté et la douleur qu’il engendra.

Puissions-nous tous utiliser les événements de notre quotidien de manière positive.


[1] Chémot Raba, 6:4. Rachi, Chémot, 6:4, s.v Latèt Lahem.

[2] Écrit par Rav Yaakov Neimann.

[3] Notons également qu’Avraham Avinou parla très durement à Hachem quand il s’agissait de la destruction de Sodome.

[4] Par « mal, mauvais », nous désignons les événements douloureux, mais qui ne sont pas liés à la mort. Ce sujet ne peut être traité que dans le contexte du Olam Haba, sachant que la mort est le début du processus qui mène au Olam Haémeth – au monde de la Vérité.

[5]  Comme son nom l’indique, ce livre évoque la fameuse question des souffrances endurées et propose l’approche de la Torah à ce propos. Les idées rapportées ici se trouvent dans le premier chapitre.

[6] Inutile de préciser que le libre arbitre de chacun varie selon les circonstances, mais tout le monde peut, à un niveau différent, utiliser son libre arbitre pour se rapprocher d’Hachem.