Dans notre paracha Vayakhel, la Thora décrit comment le peuple juif offrit avec empressement et enthousiasme ses précieuses possessions en vue de la construction du Michkan (Tabernacle). « Les hommes vinrent avec les femmes. Tous les gens dévoués de cœur apportèrent bracelets, boucles, anneaux, ornements d’or ; quiconque avait voué une offrande en or pour Hachem. »[1]

Les commentateurs se penchent sur la signification de la phrase « Les hommes vinrent avec les femmes ». Rabbénou Bé’hayé explique qu’en réalité, les femmes vinrent en premier pour donner leurs bijoux, et les hommes arrivèrent ensuite. Ceci, explique-t-il, montre leur vertu, mais redore également leur image, après un incident précédent ayant eu trait aux bijoux – la faute du Veau d’Or. Quand les hommes demandèrent à Aharon de leur ériger une statue, il leur dit d’utiliser les bijoux des femmes. Mais elles refusèrent de retirer leurs ornements ; les hommes se servirent alors de leur réserve d’or personnelle et l’apportèrent pour édifier le Veau.

En ne considérant que cet épisode, on ne comprend pas bien pourquoi les femmes refusèrent d'y contribuer en donnant leurs bijoux. On pourrait penser que leur motivation principale était l’attachement qu’elles ressentaient pour leurs joyaux, et non un refus sincère d’être impliquées dans la terrible faute du Veau d’Or. Néanmoins, dans la paracha de cette semaine, nous remarquons que les femmes désiraient ardemment offrir leurs bijoux pour cette noble cause que fut la construction du Michkan.

Ceci nous indique rétroactivement quelle fut la véritable raison de leur opposition avant la faute du Veau d’Or. Ce n’était pas par affection pour l’or ou l’argent, étant donné que ce n’est pas ce qui les retint de s’en défaire en l’honneur du Michkan. Leur refus émanait de motivations pures – elles ne voulaient pas prendre part à ce grave sacrilège.[2]

Rav Avraham Pam zatsal tire un enseignement très important de cette explication. Maasim chel adam mokhi’him zé eth zé. Cela signifie que les actes accomplis dans un domaine peuvent être révélateurs de ceux effectués dans un autre domaine. En l’occurrence, l’empressement des femmes de se défaire de leurs bijoux pour le Michkan prouva leur sincérité quand elles refusèrent de le faire pour le Veau d’Or.

Ce concept est très important, parce qu’il s’agit d’un mécanisme fort efficace pour juger de la logique des actes des gens. Cette idée est rapportée par le Beth Halévy, sur la paracha de Vayigach. Lorsque Yossef révéla son identité à ses frères, il leur posa la question : « Mon père est-il encore vivant ? »[3] En entendant ceci, les frères restèrent sans voix et complètement décontenancés. Le Midrach compare la révélation de Yossef au Jour du Jugement. Il souligne que les frères ne purent répondre à Yossef qui était plus jeune qu’eux, alors quand Hachem viendra – pour ainsi dire – nous réprimander, nous resterons d’autant plus muets.[4] Les commentateurs demandent quel est, plus exactement, le lien entre le dévoilement de Yossef et le Jour du Jugement.

Le Beth Halévy répond en expliquant tout d’abord la question de Yossef sur l’état de son père – au vu des événements et des déclarations faites précédemment, Yaacov Avinou était évidemment encore en vie !? Il explique que Yossef était en réalité en train d’exprimer indirectement un reproche. Yéhouda venait de finir un long discours pour convaincre Yossef de ne pas garder Binyamin comme esclave, car cela briserait le cœur de Yaacov. En évoquant le bien-être de ce dernier, Yossef laissait sous-entendre que leur prétendu souci pour leur père ne semblait pas cohérent avec la vente de leur frère qu’ils conclurent plusieurs années auparavant. Ils n’avaient alors manifesté aucune préoccupation pour le deuil que leur père vivrait par la perte de son fils bien-aimé. Ainsi, les frères, à travers leur action passée, venaient de démentir cet argument !

Le Beth Halévy explique ensuite la similitude entre la « réprimande » de Yossef et celle du Jour du Jugement. En ce jour redoutable, chacun sera questionné sur ses diverses actions, y compris les fautes commises et les mitsvot qu’il faillit à accomplir correctement. On présentera sûrement des excuses, mais celles-ci seront scrutées minutieusement et évaluées selon les autres actions effectuées dans le même domaine.

Par exemple, un homme peut justifier le fait de ne pas avoir donné suffisamment d’argent à la tsedaka, sous prétexte qu’il n’en avait pas suffisamment pour vivre. Mais toutes ses dépenses seront alors examinées – si l’on découvre que pour d’autres causes, il était tout à fait disposé et suffisamment aisé pour débourser de grandes sommes, alors sa justification sera infondée et mensongère ! Les dépenses effectuées pour ses besoins personnels donneront donc une mauvaise image de celles faites pour la tsedaka.

Le ‘Hafets ‘Haïm reprocha un jour à un homme riche de ne pas faire suffisamment de charité. L’homme lui répondit qu’il donnait déjà une somme importante. Le ‘Hafets ‘Haïm a alors comparé le montant versé à la tsedaka et celui dépensé pour ses propres intérêts. Résultat, cet homme dépensait plus d’argent uniquement pour sa literie que pour tous ses actes de charité !

Nous avons parlé du concept de « maassim chel adam mokhi’him zé eth zé » et expliqué son importance dans le Jugement dernier. La leçon évidente que l’on peut tirer de ce concept est qu’il est essentiel d’analyser la cohérence de nos actions. Par exemple, une personne qui prétend ne pas avoir assez de temps pour étudier devra justifier ce manquement, au Jour du Jugement. S’il eut en réalité suffisamment de temps pour d’autres activités, alors son argument sera sérieusement compromis. Ses actions dans d’autres domaines montrent qu’en vérité, le problème n’était pas le manque de temps, mais la place occupée par l’étude dans la liste de ses priorités. Mieux vaut entreprendre une introspection sérieuse et corriger ce genre d’incohérences avant le Jour du Jugement.

Puissions-nous tous mériter de renforcer et de garantir la cohérence de toutes nos actions.



[1] Chemot, 35:22.

[2] Rabbénou Bé’hayé, Chemot, 35:22.

[3] Beréchit, 45:3

[4] Beréchit Raba, 93:10.