Parachat Vayakhel. Il est écrit : « Il fabriqua la cuve en cuivre et son support en cuivre, au moyen des miroirs des légions qui s’étaient attroupées à l’entrée de la Tente d’Assignation. » (Chemot, 37:8)

Rachi explique, sur les mots « Au moyen des miroirs des légions » : Les filles d’Israël avaient en mains les miroirs dans lesquels elles se regardaient quand elles se paraient ; elles n’hésitèrent pas à les apporter, eux aussi, en cadeau pour le Michkan. Moché ne voulait pas les accepter parce qu’ils étaient destinés au yétser hara. Hakadoch Baroukh Hou lui dit : « Accepte [-les], car ils Me sont plus chers que tout ; ce sont grâce à eux que les femmes mirent au monde d’une multitude [d’enfants] en Égypte. Quand leurs maris rentraient de leur travail éreintant, elles [les femmes] venaient leur apporter à manger et à boire et les nourrissaient. Elles prenaient les miroirs et s’y regardaient avec leurs maris et les séduisaient par les mots… Ainsi elles attiraient leurs maris, tombaient enceintes et enfantaient. Le Kiyor fut fabriqué à partir de ce qui fit régner la paix entre un homme et sa femme…

Rachi décrit le dialogue entre Hachem et Moché Rabbénou concernant le don des femmes pour le Michkan. Moché pensait que l’utilisation de ces miroirs était inappropriée, parce qu’ils furent utilisés pour séduire. Hachem lui dit que ceux-ci étaient non seulement admissibles, mais qu’ils étaient les dons les plus précieux à Ses yeux, parce qu’ils furent l’origine de la naissance de « légions » d’enfants juifs durant l’esclavage d’Égypte.

Plusieurs questions peuvent être soulevées sur ce Rachi. Tout d’abord, sur quoi repose exactement le débat entre Hachem et Moché ? Deuxièmement, même si l’on peut comprendre qu’Hachem considérait ce don comme acceptable, pourquoi le valorisait-Il plus que toute autre offrande ?
 

Moché Rabbénou avait certainement compris que les femmes avaient de bonnes intentions en s’embellissant grâce aux miroirs. Néanmoins, il estimait que malgré leur motivation, ces objets avaient été utilisés pour une cause très matérielle. Par ailleurs, le Michkan, pour lequel les miroirs étaient censés servir, devait être le lieu de résidence de la Chekhina.  Un lieu tellement saint devait, d’après lui, être construit uniquement avec des matériaux parfaitement purs, sans aucune attache au monde physique.

L’approche de Moché concorde avec son niveau sublime dans la avodat Hachem. Son éminence le détachait de la matérialité. La grande fréquence de ses prophéties l’amena, contrairement à tous les autres prophètes, à se séparer de sa femme. Aussi, il passa quarante jours sur le Mont Sinaï, sans manger ni boire.

Toutefois, Hachem lui fit remarquer que pour toute autre personne, le niveau suprême n’est pas atteint par une séparation totale du monde physique. Le but de l’homme est plutôt d’élever sa nature humaine pour la avodat Hachem. Les miroirs que les femmes utilisèrent pour enfanter et faire régner la paix dans leur foyer étaient les objets les plus chers à Hachem, parce qu’ils canalisèrent les désirs les plus physiques et les orientèrent vers un Service Divin honorable et authentique.

Le Soukat David relie cette idée à l’exhortation de la Thora à servir Hachem de tout notre cœur[1]. Le terme « lévavkhem » est employé pour parler du cœur. Le mot « lev » - cœur, est ici écrit avec deux « beth » — ‘Hazal affirment que cela fait référence à deux cœurs, c’est-à-dire aux deux penchants — le yétser hatov et le yétser hara.
 

Comment servir D.ieu avec son mauvais penchant ?

Le rav Issakhar Frand chlita explique : « Ces femmes en Égypte furent capables de relever ce défi. Elles réussirent à servir D. même avec leur "mauvais penchant". Elles prirent les miroirs et se rendirent séduisantes pour inciter leurs maris à s’unir à elles. Cet acte est généralement considéré comme trivial, mais elles parvinrent à l’élever : elles utilisèrent la beauté de la manière la plus digne. »

Plusieurs leçons peuvent être tirées de ce développement. Tout d’abord, on nous rappelle que l’objectif d’un Juif dans ce monde est d’élever sa nature, son physique à des fins louables. Mais on nous montre également le caractère sacré que peut avoir la relation entre un homme et sa femme. De simples miroirs furent, à ce point, chéris par Hachem parce qu’ils symbolisaient la sainteté que l’on peut atteindre quand les conjoints ont de nobles motivations.

Hazal mettent ce point en relief en affirmant que si les époux vivent dans le Chalom, ils méritent la Présence Divine. L’histoire suivante, au sujet du rav Chlomo Zalman Auerbach zatsal nous montre le niveau de Chalom Baït que l’on peut atteindre, une fois ce précepte intériorisé.

Un disciple raconta qu’il raccompagna un jour le rav chez lui et le vit ajuster son chapeau et son manteau, comme on le fait avant d’entrer chez une personne importante, pour un rendez-vous sérieux. L’élève s’interrogea de la raison de cette attitude, ce à quoi le rav répondit : « Quand on est sur le point de se tenir devant la Chekhina, il faut être respectable. Je vais entrer chez moi ; or il est écrit : "Si un homme et sa femme sont méritants [vivent dans l’harmonie], la Chekhina réside parmi eux". Je m’apprête donc à rencontrer la Chekhina. »

Cette histoire nous montre l’aspect élevé du mariage, selon la conception de la Thora, mais aussi combien notre approche du mariage doit être influencée par cette perception. En ennoblissant cette relation physique, nous pouvons émuler les femmes vertueuses qui assurèrent l’avenir du peuple juif.



[1] Devarim, 11:13.