Il est écrit dans notre paracha de la semaine, Choftim (16, 18) : "וְשָׁפְטוּ אֶת הָעָם מִשְׁפַּט צֶדֶק" (Ils jugeront le peuple selon la justice).

Les grands ouvrages de notre tradition rapportent que lorsqu’un juge s’efforce de rendre des verdicts justes et équitables, D.ieu lui offre en contrepartie une assistance particulière et une grande perspicacité, qui lui offriront une grande acuité d’esprit et lui permettront d’aller au fond des choses.

On raconte qu’un Juif se présenta un jour chez Rav Ber Meizlich, le Rav de Varsovie, se plaignant amèrement de son sort : « Rabbi, soupira-t-il, aidez-moi ! Je suis dans une terrible détresse ! » Le Rav s’efforça de le rasséréner et l’encouragea à raconter son histoire.

« Je suis un commerçant de passage à Varsovie pour mes affaires, expliqua l’homme. Comme je suis arrivé en ville juste avant Chabbat, j’ai préféré ne pas descendre dans une auberge, car je portais sur moi cinq mille roubles en espèces et je craignais qu’on me les vole. Je me suis donc tourné vers l’une de mes connaissances, un marchand de Varsovie, en lui demandant de bien vouloir m’héberger pour Chabbat. Celui-ci a accepté de me recevoir et peu avant l’entrée du jour saint, je lui ai confié mes cinq mille roubles pour qu’il les place en lieu sûr.

Dimanche matin, alors que je m’apprêtais à quitter mon hôte, je lui ai demandé de me rendre mon argent. Mais il a alors tout nié en bloc, prétendant que je ne lui avais jamais confié le moindre sou… »

Rav Ber Meizlich fit appeler le marchand, qui vint aussitôt. Lorsqu’il entra dans la maison du Rav, le plaignant se mit à l’invectiver :

« Mécréant, rends-moi immédiatement mon argent !

— Je ne vois absolument pas ce que me veut cet homme, se défendit l’autre. Il ne m’a jamais rien confié et j’ignore totalement ce que je devrais lui rendre.

— Vous voyez bien, intervint alors le Rav en s’adressant à l’accusé, que cet homme semble très obstiné. Donnez-lui donc quelques roubles pour qu’il vous laisse partir en paix.

— Très bien, répondit l’autre, je suis prêt à lui céder vingtcinq roubles.

— Vingt-cinq roubles ? s’écria son adversaire. Je ne veux pas vingt-cinq roubles, j’exige la totalité de mes cinq mille roubles !

— Donnez-lui alors cent roubles, suggéra le rav.

— Je suis prêt à lui donner même cent roubles, déclara le marchand de Varsovie, s’il m’assure qu’après cela, il me laissera en paix. »

Mais l’autre persista dans son entêtement, refusant de céder pour moins de cinq mille roubles. Le Rav proposa alors au marchand d’augmenter encore un peu plus sa proposition :

« Cédez-lui alors cinq-cents roubles, peut-être que cela le calmera.

— Si tel est le conseil du Rav, je suis prêt à aller jusqu’à cinqcents roubles.

— Sordide voleur ! s’exclama alors Rav Ber Meizlich. J’ai à présent la certitude que vous avez effectivement volé cet argent ! Je connais en effet très bien votre nature et je sais que vous n’avez rien d’un homme prodigue. J’en ai d’ailleurs la preuve car récemment, je vous ai demandé un don pour le mariage d’une orpheline et vous avez refusé de me donner serait-ce même dix roubles. Or soudain, vous vous montrez généreux au point de céder cinq-cents roubles à un homme à qui vous ne devez rien ! Restituez-lui donc immédiatement ses cinq mille roubles ! »

Pris de panique, le marchand avoua aussitôt son méfait et rendit l’argent.