Quand le peuple juif entra en Erets Israël, il dut se rassembler au bas de deux montagnes pour une nouvelle acceptation de la Torah – l’ordre d’affirmer cet engagement se trouve dans la Paracha de cette semaine, Ki-Tavo !Douze commandements devaient être énumérés et le peuple devait reconnaître que les bénédictions étaient réservées à ceux qui les respectent et que des malédictions s’abattraient sur ceux qui les rejettent. Chaque injonction se réfère à une action spécifique, exceptée la dernière : « Maudit soit celui qui ne renforcera pas les mots de cette Torah et manquera de les respecter ; et tout le peuple répondra : "Amen". »[1]

Les commentateurs se demandent ce qu’implique ce commandement qui semble vague. Le Ramban rapporte une Guémara qui répond à cette question. « Rav Assi dit au nom de Rabbi Tan’houm bar ’Hiya : "Celui qui apprend, enseigne, respecte et accomplit, mais qui ne renforce pas la Torah alors qu’il en a la capacité, est appelé ‘maudit’… Même celui qui était un parfait Tsadik dans sa façon d’agir, mais qui n’a pas renforcé la Torah aux yeux de ceux qui ne s’y conformaient pas, est considéré comme ‘maudit’." »[2]

Le ’Hafets ’Haïm zatsal écrivit un livre entier – ’Homat Hadat – sur l’importance d’œuvrer pour l’essor de la Torah, face à la grande vague d’assimilation qui menaçait alors son avenir. Il insiste sur le fait que ce devoir incombe à tout Juif qui a la possibilité d’influencer les autres. Celui qui le fait reçoit toutes les bénédictions prononcées au Mont Guérizim, mais celui qui s’en abstient, ’Hass Véchalom, souffrira des malédictions proférées au Mont Eval. Rappelons que les Léviim s’adressèrent à six cent mille personnes, qui répondirent toutes « Amen ». Cela signifie que celui qui « maintient » la Torah est béni par les Kohanim, par les Léviim et par six cent mille hommes, avec l’approbation d’Hachem ! L’inverse s’avère pour toute personne qui n’essaie pas de respecter cet ordre…

Il faut noter que ce commandement est énoncé parmi d’autres, comme l’interdit d’avilir ses parents, de se livrer à la débauche ou de frapper son prochain. Soutenir – ou pas – la Torah se place donc au même niveau que ces graves fautes.

Le Talmoud Yérouchalmi rapporte l’exemple d’un personnage biblique qui manifesta le désir d’accomplir cette directive. Le roi Yochiyahou fut couronné dans une génération qui ne connaissait pas du tout la Torah, au pont qu’il n’avait jamais vu de Séfer Torah. Quand il était enfant, l’un des Kohanim, nommé ’Hilkyia, trouva dans la cour du Temple un Séfer Torah entouré du Passouk : « Maudit soit celui qui ne renforcera pas les mots de cette Torah. » En entendant ceci, Yochiyahou déchira ses vêtements et dit : « Alaï Léhakim » — il m’incombe de soutenir la Torah[3]. Il se mit à l’œuvre et réussit à réintroduire l’étude de la Torah et son respect au sein du peuple.

Le Natsiv zatsal transpose les actions de Yochiyahou au contexte de son époque. Un grand nombre de Juifs s’écartaient déjà de la Torah et rejoignaient d’autres idéologies. Les avis divergeaient quant à l’attitude que devaient adopter ceux qui étaient restés fidèles à la Tradition. Certains pensaient qu’il valait mieux rester discrets et se focaliser sur une Avodat Hachem personnelle. Le Natsiv s’opposa vigoureusement à cette approche. Il estimait qu’il ne convenait pas de se concentrer sur sa propre Rou’haniout tandis que le reste du monde vivait une destruction spirituelle.[4] Il ramena l’histoire de Yochiyahou comme preuve. Le Passouk raconte qu’après avoir trouvé le Séfer Torah, Yochiyahou dit aux Kohanim et aux Léviim : « … Maintenant, allez servir Hachem, votre D.ieu et Son peuple Israël. »[5]

Le Natsiv explique que jusqu’alors, les seules personnes qui avaient gardé leur niveau spirituel étaient les Kohanim et les Léviim. Mais ceux-ci s’étaient retirés dans leur petit monde pour éviter les dangers de l’influence extérieure. Ils s’étaient consacrés à leur propre amélioration et à leur relation avec Hachem, mais avaient négligé le reste du peuple. Yochiyahou les encourageait donc à changer de comportement et à répandre la Torah chez ceux qui en avaient perdu tout lien. Il dit qu’en servant le peuple – en les rapprochant de la Torah, ils serviraient simultanément Hachem, puisque telle était Sa volonté.

Le Natsiv considérait que de la même manière que du temps de Yochiyahou, le besoin de maintenir la Torah était de taille, il en était de même à son époque, alors que les gens s’éloignaient de la Torah en masse. Si l’ère du Natsiv pouvait être comparée à celle de Yochiyahou, c’est d’autant plus le cas pour notre génération. Il n’y a jamais eu autant de Juifs éloignés de la Torah que de nos jours.

Une étude statistique[6] montre qu’en 1950, le taux de mariages mixtes était de 6 %, qu’en 1990 il s’élevait à 52 % et qu’il continue de grimper. 2 millions de Juifs ne s’identifient pas comme tels et 2 millions de Juifs qui se disent « Juifs » n’ont aucun lien avec le judaïsme. Pour chaque mariage célébré entre deux Juifs, deux mariages mixtes ont lieu. 625 000 Juifs américains pratiquent d’autres religions. 11 % des Juifs américains vont à la synagogue ! Chaque jour, des dizaines de mariages mixtes sont célébrés, ce qui signifie que pendant que vous lisez cet article, des Juifs sont peut-être en train de s’égarer pour toujours !

Qu’aurait dit le Natsiv s’il avait vécu à notre époque ?

Durant le mois d’Eloul, nous tentons de faire un ’Hechbon Hanéfech sur notre observance des Mitsvot. La Paracha de cette semaine nous apprend qu’une partie essentielle du bilan à effectuer est de se poser la question : « Suis-je suffisamment actif pour assurer le maintien de la Torah ? »



[1] Parachat Ki Tavo, Dévarim, 27:26.

[2] Yérouchalmi, Sota, 7:4.

[3] Midrach Hagadol, Dévarim, 27:26.

[4] Chout Méchiv Davar, 1er volume, Siman 45. Dans cette réponse, il fait l’éloge de l’ouvrage du ’Hatam SoferPitou’hé ’Hotam – qui affirme qu’à certains moments, l’individu doit réduire le temps consacré à son élévation spirituelle pour aider ceux chez qui la Rou’haniout est défaillante.

[5] Divré Hayamim 2, 35:3.

[6] Tiré du National Jewish Population Survey. Gardons à l’esprit que la situation actuelle est pire qu’en 1990 !