Dans la Parachat Réé, la Torah décrit brièvement quelques-unes des pratiques de deuil adoptées par les non-juifs à l’époque du don de la Torah. Certains s’infligeaient de graves blessures, d’autres se rasaient entre les yeux. La Torah interdit ce genre de comportement : « Vous êtes les enfants de D.ieu, ne vous tailladez pas, ne vous rasez pas entre les yeux pour [porter le deuil d’] un mort ». Aussi, dans la Parachat Kédochim, la Torah nous enjoint : « Ne tailladez pas votre chair à cause d’un mort, ne vous imprimez pas de tatouage ; Je suis Hachem. »

Ces Mitsvot nous enseignent qu’il ne faut pas lacérer son corps en signe de deuil. D’autre part, il existe une obligation (Mitsvat Asséh) de déchirer son vêtement lors du décès d’un proche parent (connu sous le nom de Kri'a). Le Choul’han 'Aroukh régit : « Celui dont un proche est décédé (s’il s’agit d’un parent sur lequel on est tenu de porter le deuil) doit déchirer [son vêtement] pour lui ». Il est étonnant de constater que deux actes très ressemblants sont considérés si différemment dans la loi juive, au point que la mutilation est prohibée, mais qu’il peut être obligatoire de déchirer ses vêtements !

Pour comprendre la différence entre le fait de se blesser et celui de déchirer ses vêtements, il nous faut analyser dans la Torah le premier épisode où les vêtements jouent un rôle – à savoir le ‘Heth (la faute) de Adam Harichon. La Torah nous raconte qu’avant la faute, Adam et ‘Hava ne portaient aucun vêtement, et qu’ils n’en ressentaient aucune gêne. Par contre, après avoir mangé du fruit interdit, ils réalisèrent qu’ils étaient dévêtus et mirent des habits pour couvrir leur honte. Quel est le changement qui s’est opéré à la suite de la faute ? Nous savons que l’homme est composé de deux éléments contraires : un corps et une âme. Apparemment, il a toujours été évident qu’il était inapproprié d’exposer l’essence de la personne, et il était donc nécessaire de la couvrir ou de l’habiller.

Avant la faute, Adam s’identifiait à son âme, et son corps jouait le rôle d’un « vêtement » pour l’âme. Ainsi, il n’avait pas besoin de couvrir son corps, car le corps était lui-même une sorte de vêtement. En revanche, après la faute, l’identité première de l’homme devint le corps. À partir du moment où il considéra son corps comme le 'Ikar - le principal -, il se sentit gêné du fait qu’il ne soit pas recouvert. Il eut donc besoin d’habits pour se couvrir.

Grâce à cette approche concernant le rapport entre le corps et l’âme, on peut comprendre plus profondément ce que signifie déchirer ses vêtements ou se mutiler. Depuis le ‘Heth de Adam Harichon, l’homme se focalise principalement sur son corps. Ainsi, lorsqu’une personne meurt, on pourrait penser, à tort, que tout son être est parti à jamais. Mais ceci est une grave erreur – il n’a perdu que son corps, mais son âme existe encore. C’est pourquoi il faut déchirer son vêtement pour se souvenir en temps de peine, que l’essence du regretté parent n’a pas disparu. Seul son corps, qui était l’habit de son âme n’est plus, mais son âme est intacte. Cela explique aussi pourquoi il est interdit de se mutiler. Agir ainsi signifie croire que cette personne cesse complètement d’exister.

Les directives de la Torah vis-à-vis du deuil nous enseignent comment réagir face à la mort, mais aussi quelle est l’attitude correcte à l’égard de la vie. Concernant la mort, nous apprenons qu’elle ne marque pas la fin de l’existence de la personne. Nous reconnaissons que la personne décédée est passée à une sphère supérieure. La mutilation sous-entend la croyance qu’un défunt cesse entièrement d’exister. C'est pourquoi c’est un acte totalement inapproprié.

Quant à la vie, ces leçons enseignent à l’homme qu’il ne doit pas perdre de vue que son âme est son identité profonde et que son corps est un ustensile temporaire dont la tâche est de faciliter le bien-être de l’âme. Ainsi, même s’il faut pourvoir aux besoins essentiels du corps, il ne faut pas voir ce dernier comme une fin en soi, mais plutôt se renforcer pour être en bonne santé physique afin de se lancer dans des activités spirituelles. Ceci est très difficile, vu l’état de l’homme après la faute de Adam Harichon ; mais plus la personne renforce sa conviction en la primauté de l’âme, plus elle saura mettre cette leçon en pratique.

Puissions-nous tous mériter de comprendre l’approche de la Torah concernant la vie et la mort.