« Hachem dit à Moché : "Parle aux  Kohanim, les fils d’Aharon et dis-leur : ‘Nul ne doit se souiller au contact d’une personne [morte] parmi son peuple’". » (Vayikra 21:1)

Rachi explique sur les mots « Parle aux Kohanim » : « Parle » (Émor) et « dis » (Amarta). La répétition vient prévenir les adultes à propos des enfants.

Hachem emploie à deux reprises le même terme quand Il ordonne à Moché d’enseigner les lois de pureté des Kohanim. Rachi, sur la base de la Guémara, explique que la redondance vient nous apprendre que les Kohanim doivent également enseigner ces lois à leurs enfants.[1] Ceci met en avant un principe fondamental dans le ’Hinoukh (l’éducation des enfants) qui s’applique à tous les domaines de la Torah – un parent doit s’assurer que ses enfants respectent les Mitsvot.

Rav Baroukh Sorotskin pose la question, au nom de son père Rav Zalman : étant donné que cet enseignement s’applique à toutes les autres Mitsvot, pourquoi est-il énoncé précisément concernant les Kohanim ? Il explique qu’il existe un élément qui accentue la difficulté d’éduquer les jeunes Kohanim à ces Mitsvot. Pour les autres commandements, tous les Juifs sont tenus d’observer la Torah de manière égale et il y a donc moins de risque qu’un enfant juif soit influencé à transgresser un interdit par ses camarades. Seuls les non-juifs ne respectent pas les lois de la Torah.[2]

Par contre, les lois des Kohanim sont particulières, car elles ne concernent pas la plupart des Juifs. Donc le risque qu’un jeune Cohen ne valorise pas les Mitsvot qui ne touchent que ses semblables est plus grand. C’est pourquoi la Torah choisit ces règles pour véhiculer le message de l’importance de l’enseignement des Mitsvot aux enfants.[3]

Le challenge des Kohanim de l’époque semble être celui de tout Juif de nos jours. Malheureusement, nombreux sont les Bné Israël qui ne respectent pas la Torah. Et même au sein du groupe qui tente d’observer les Mitsvot, certains sont plus sensibles et rigoureux que d’autres sur des sujets comme l’utilisation des technologies modernes et l’implication dans le monde laïque. Comment peut-on élever ses enfants et les faire adhérer aux valeurs auxquelles on est attaché sans qu’ils soient touchés par l’influence extérieure ?[4]

L’une des réponses à cette question peut être apportée par les propos du Rav Moché Feinstein, dans son commentaire sur ce verset de Parachat Émor.[5] Il explique, sur la base du Rachi précité, que la double expression vient nous indiquer deux aspects dans l’éducation des enfants aux Mitsvot. On peut simplement leur apprendre les diverses obligations ainsi que les difficultés annexes à surmonter. Mais cela ne suffit pas ; car cette simple information ne les rendra pas suffisamment forts pour affronter les nombreuses épreuves qu’ils rencontreront. Donc le deuxième « Parle », ajoute l’importance de communiquer la joie de la pratique des Mitsvot. De cette façon, l’enfant recevra comme message que le respect de la Torah n’est pas seulement une étape difficile à passer, mais la source de notre bien-être dans ce monde autant que dans le monde futur. Dans cet ordre d’idées, Rav Feinstein disait que la fameuse phrase répétée par plusieurs Juifs des générations antérieures – « C’est dur d’être Juif » — inculquait aux enfants l’idée que la Torah est un joug à supporter, envers et contre tout. La conséquence est triste ; nombreux de ces enfants décidèrent de rejeter la Torah, parce qu’ils aspiraient à une vie « meilleure ».

Cette leçon du Rav Feinstein est la clé de la réponse à notre question initiale. Nos enfants verront inévitablement des Juifs d’un autre niveau de pratique des Mitsvot, mais si on leur montre que le respect de la Torah est une opportunité formidable et qu’il nous rend joyeux, ils seront bien moins tentés par les modes de vie qui semblent plus « faciles » ou « agréables ». Prenons pour exemple l’approche des parents devant les fêtes juives qui demandent beaucoup de travail et de préparations, comme Pessa’h. Si l’ambiance est tendue à l’idée d’avoir à effectuer le ménage de toute la maison, les enfants grandiront avec l’impression que Pessa’h est un poids. Mais si le dur travail est anticipé positivement, ils considèreront cette fête comme un moment réjouissant.

Enfin, notons qu’il est très difficile, sinon impossible, de communiquer la joie de l’observance de la Torah aux enfants, si le parent ne ressent pas lui-même cet enthousiasme. Les enfants sont beaucoup plus marqués par notre façon de vivre que par nos paroles. Donc cet enseignement ne se limite pas au ’Hinoukh des enfants, mais il nous touche personnellement ; la Torah est l’unique source de satisfaction réelle. En intériorisant ceci, nos enfants le ressentiront certainement aussi.


[1] Yébamot, 114a.

[2] Cette explication est basée sur le fait que pratiquement tous les Juifs respectent des lois de la Torah, comme c’était le cas du temps de la Guémara. Comme nous le préciserons plus loin, la situation actuelle est bien différente et cela a des incidences sur l’éducation des enfants.

[3] Michoul’han Gavoa, Vayikra, p. 177.

[4] De nos jours, ce problème s’applique à tout le monde, peu importe où nous vivons. Ceci, car même si l’on essaie de préserver nos enfants des mauvaises influences, ils seront au moins conscients de leur existence. Inutile de préciser que cela touche davantage les gens qui vivent dans un environnement laïque – que ce soit des membres de la famille, des voisins ou des amis moins pratiquants. Ceux qui sont impliqués dans la grande Mitsva de Kirouv (rapprocher nos frères juifs du judaïsme) sont sûrement confrontés à cette épreuve de manière plus marquée et continue.

[5] Darach Moché, Parachat Émor, p. 97