« Quand vous entrerez dans la terre et planterez un arbre fruitier, vous considérerez ses fruits comme Orla ; durant trois années, il sera Orla pour vous, il ne pourra être consommé. »[1]

Dans la Paracha de cette semaine, Kedochim, la Torah nous présente la Mitsva de Orla, qui nous interdit de manger tout fruit durant les trois premières années qui suivent la plantation d’un arbre[2]. Le Midrach souligne un point intéressant à propos de cette règle.

« Qui retirera la poussière de tes yeux, Adam Harichon, toi qui ne parvins pas à respecter un commandement une heure ; voici que tes enfants attendent trois ans pour la Orla. »[3]

Les commentateurs expliquent qu’Adam Harichon reçut l’ordre de s’abstenir de consommer du fruit de la Connaissance du Bien et du Mal, à la neuvième heure de la journée et il commit la terrible faute d’en manger la dixième heure – il ne réussit donc à se retenir que pendant une heure. En revanche, le peuple juif attend trois ans avant de se nourrir du fruit d’un arbre. L’un des fondements de la Mitsva de Orla est peut-être de développer en nous la patience.

Les Kabbalistes explicitent la comparaison entre la faute d’Adam Harichon et la Mitsva de Orla en soulignant que l’interdiction d’Adam Harichon n’était pas permanente, il devait seulement attendre jusqu’à Chabbat. Ils ajoutent que, selon l’opinion affirmant que l’arbre en question était la vigne, il devait utiliser son vin pour le Kidouch du Chabbat. C’est donc son impétuosité qui le fit trébucher et pour rectifier ce défaut, ses descendants doivent patienter avant de profiter d’un arbre qu’ils plantent.[4]

Un disciple du Arizal souligne qu’Adam devait attendre trois heures, d’où l’interdit de Orla pendant trois ans.[5]

Rav Issakhar Frand ajoute, sur la base d’une explication de ’Hazal, que juste après la Mitsva de Orla, la Torah affirme : « Lo Tokhlou Al Hadam » qui signifie littéralement « Vous ne mangerez pas en présence du sang »[6]. ’Hazal déduisent plusieurs commandements de ces mots[7], l’un d’eux étant de ne pas consommer un animal tant que son sang n’en a pas été entièrement retiré. Rav Frand explique que cette Mitsva s’adresse à ceux qui n’ont pas la patience d’attendre que tout le sang soit extrait – la Torah leur enjoint de se contenir et d’attendre le moment approprié. C’est la même leçon que l’on tire du Midrach concernant la Orla – on peut consommer les fruits de cet arbre, mais uniquement au bon moment.

Pour la plupart des gens, la tentation de manger de la viande avant que le sang de l’animal soit ôté n’est pas marquée, et la Mitsva de Orla n’est pas non plus courante chez ceux qui n’ont pas de plantations. Mais les messages véhiculés par ces Mitsvot sont très pertinents.

Ils nous enseignent que l’on ne peut pas toujours obtenir ce que l’on souhaite dès qu’on le désire et que chercher à recevoir quelque chose avant que l’heure peut être très destructeur. Ceci s’applique souvent dans le quotidien – l’un des exemples courants est la volonté, l’attente de se marier. Cette impatience peut mener à de graves erreurs, à de mauvais jugements. Pour d’autres, cela peut être l’envie d’avoir des enfants, ou bien le désir de trouver du travail. Dans tous ces domaines, on risque de se sentir frustré ou bien d’accélérer les choses de manière contre-productive.

Aussi, on est souvent porté à réagir promptement dans certaines situations, sans réfléchir ou considérer suffisamment les choses. C’est un problème particulièrement présent dans la société actuelle – un monde d’avancées technologiques, dans lequel on peut communiquer ou répondre immédiatement via les e-mails ou autres médias. Auparavant, le principal moyen de communication était l’envoi de courriers, ce qui était long et laissait à l’individu suffisamment de temps pour repenser à ce qu’il avait écrit. Rav Israël Belsky conseilla à rav Daniel Travis de ne jamais envoyer une lettre (ou un e-mail) le jour où il l’a rédigé. Pour toute chose importante, « la nuit porte conseil ». Rav Travis raconte qu’à plusieurs reprises, il suivit cette sage recommandation et cela lui évita plusieurs conséquences fâcheuses – les messages eurent presque toujours besoin d’être réécrits. De nombreuses relations furent affectées, voire détruites à cause de réponses trop hâtives.

Nous apprenons donc de la Orla qu’il vaut parfois mieux attendre avant d’agir.


[1] Vayikra, 19:23.

[2] Du temps du Beth Hamikdach, les fruits qui poussaient durant la quatrième année devaient être consommés à Yérouchalaïm. Ce n’est qu’à partir de la cinquième année que le propriétaire pouvait les manger chez lui.

[3] Vayikra Raba, 25:2.

[4] Rav Issakhar Frand, Torah.org, Kédochim, 5775.

[5] Ibid.

[6] Vayikra, 19:26.

[7] Voir Torah Témima, Vayikra 19:26, pour une description de ces Mitsvot.