La paracha Metsora est bien souvent lue en même temps que celle de la semaine dernière « Tazria ». Cette année, l’organisation du calendrier nous permet de la lire et de l’étudier de manière indépendante, même si son thème est lié à celui que nous avions étudié précédemment. En effet, notre texte évoque à nouveau les cas de « tsara’at » lèpre qui pouvaient affecter, non seulement les individus comme nous l’avons vu la semaine dernière, mais aussi, de manière surprenante, les maisons et les vêtements.

Plusieurs raisons pouvaient être à l’origine de cette affection, nos sages en énumèrent 7 notamment qui trouvent leur source dans une faute morale, notamment dans la relation au prochain. Cette faute est bien souvent identifiée au lachon hara’, à la médisance qui peut être énoncée sur le compte de quelqu’un d’autre (même si les reproches en question sont vrais et fondés), mais elle est liée plus généralement à une faute d’orgueil de l’homme qui s’est cru à un moment supérieur à son prochain et s’est permis de le juger de haut, ou bien d’agir avec « mesquinerie » à son égard.

L’orgueil est une faute très grave dans la tradition juive, car elle incite l’homme à se séparer de ses frères en les considérant inférieurs à lui. Elle prive l’individu d’un regard bienveillant sur la vie et les hommes, et le mène bien souvent au cynisme, à l’ironie et à la sévérité, quand ce n’est pas au mépris et à la haine. En outre, en matière de service divin, de notre relation à Hachem, l’orgueil est une entrave fondamentale dans la mesure où elle fait obstacle à l’humilité nécessaire au repentir, à la reconnaissance de ses fautes, à la volonté de se placer dans une démarche perfectibilité permanente destinée à rapprocher l’homme de son créateur. Seul celui qui, à l’instar de Moché Rabenou, est capable d’être humble, est susceptible de recueillir la parole divine car rien, en lui, ne fait obstacle à ce dialogue authentique avec Hachem.

A l’approche de Pessah’, il est bon de réfléchir à l’importance de l’orgueil, et d’essayer d’identifier, de traquer les formes qu’il peut prendre dans notre vie quotidienne. Une des traductions de l’orgueil en hébreu est « gaava » ou encore « gaas rouah » « un esprit épais, gonflé ». Or ce gonflement de l’esprit n’est pas sans rappeler le gonflement, la fermentation de la pâte qui définit le h’ametz. De même, que dans ces jours qui précédent Pessah’, nous avons l’obligation de rechercher et éliminer toute forme de h’ametz de notre environnement, de même sommes-nous invités à rechercher et éliminer l’orgueil de nos cœurs.

La paracha Metsora est très intéressante car elle nous indique également la procédure qui permettait de mettre fin à l’impureté liée à cette « tsara’at », cette lèpre. Elle se déroulait en plusieurs étapes mais requérait la présence de 5 éléments : des oiseaux, du bois de cèdre, de l’hysope, un fil de laine rouge écarlate et de l’eau vive. Ces éléments ne sont évidemment pas choisis au hasard et lis revêtent tous une signification bien précise par rapport à la faute initiale qui avait entrainé l’impureté.

Ecoutons ce que nous dit Rachi sur leur signification. A propos des oiseaux, Rachi précise « Étant donné que les affections sont engendrées par la médisance, qui constitue la conséquence du bavardage, le texte a imposé pour sa purification des oiseaux qui passent leur temps à caqueter en babillant (‘Arkhin 16b).

A propos du bois de cèdre, Rachi nous explique leur nécessité « parce que les affections sont engendrées par l’orgueil. » et le cèdre qui est un bois fort et majestueux vient donc incarner cette prétention de supériorité de l’orgueilleux.

Enfin à propos de « l’écarlate d’un ver et de l’hysope », Rachi nous précise  « Quel est le moyen de sa guérison ? Qu’il s’abaisse de son orgueil comme un ver et comme l’hysope. ». L’hysope, par opposition au bois de cèdre, est une branche fragile et faible, la plus modeste peut-être de tous les végétaux.

Comme toujours, ce qui intéresse D.ieu et le Torah, ce n’est pas la sanction en soi, mais le processus de repentir à travers lequel l’homme prend conscience de sa faute et s’engage à s’améliorer et à ne plus recommencer les mêmes erreurs. La vocation de l’homme sur terre est précisément de s’engager au cours de sa vie, dans une quête de perfectibilité, de progrès et d’amélioration. Nul ne nait parfait, et le Roi David nous enseigne qu’il n’est pas d’homme qui ne faute pas. En revanche, ce qui appartient à l’homme, c’est l’humilité d’apprendre de ses erreurs, et de tout mettre en œuvre pour ne pas les reproduire. Cette tâche n’est bien sûr pas facile, mais celui qui le désire ardemment doit savoir qu’il trouvera toujours D.ieu à ses côtés pour lui apporter le courage et la force nécessaires pour y parvenir.

Pour conclure, il est intéressant de constater que les éléments que nous avons mentionnés plus haut, comme étant constitutifs de processus de purification se retrouvent dans les éléments que D.ieu nous a demandé d’observer pour mériter la sortie d’Egypte. En effet, avant de les faire sortir de l’esclavage égyptien, D.ieu avait demandé aux Bné Israël, de sacrifier un agneau, et d’apposer le sang de cet agneau sur les poutres des maisons à l’aide d’une branche d’hysope. Nous retrouvons à la fois la couleur rouge, le bois de cédre (incarné ici par les poutres des maisons) et l’hysope.

Nous voulons y voir une invitation faite à l’homme, une nouvelle fois, de prendre la mesure que le véritable esclavage auquel il est astreint à travers les siècles est d’abord un asservissement au Yetser Hara’ (mauvais penchant) qui emprunte différents visages, se cache derrière différents calculs, prend le visage des plaisirs matériels pour éloigner l’homme, D.ieu préserve, de Son créateur, le déconnecter de la source originelle  de son âme, et l’empêcher d’accomplir la Grande Œuvre spirituelle à laquelle D.ieu l’avait destiné.

Mais, nous avons la chance d’être les enfants d’un D.ieu infniment bon et patient, Qui attend que l’homme  se réveille et revienne vers Lui, Qui ne prend aucun plaisir dans les sanctions mais au contraire souhaite, comme nous venons de le voir, que l’homme accede au repentir. Rappelons, à nouveau ces mots merveilleux du prophète Ezéchiel, que nous mentionnons lors de la Néila de Kippour : « Dis-leur: Par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je ne souhaite pas que le méchant meure, mais qu'il renonce à sa voie et qu'il vive! Revenez, revenez de vos voies mauvaises, et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël? ”