La Paracha de cette semaine évoque différents cas d’impureté liés d’une part à l’accouchement, et d’autre part aux affections de « Tsaraat », traduites en français par le terme « lèpre » (même s’il s’agit d’une pathologie différente de celle que l’on désigne ainsi dans le langage courant). Cette dernière forme d’impureté n’est pas une maladie physique, elle est la manifestation physique d’une faute morale. Par conséquent, son thérapeute n’est pas le médecin mais le grand prêtre, et dès lors que l’individu se sera repenti de sa faute, il pourra guérir.

La faute commise par les personnes atteintes de lèpre consistait généralement à avoir prononcé des mauvaises paroles, du Lachone Hara (médisance), sur leur prochain. Une des conséquences de la médisance est notamment de générer de la discorde entre les hommes, de les séparer et les éloigner. L’objectif de l’affection qui atteignait les personnes atteintes de lèpre était de les amener à prendre conscience de la gravité de leur faute et des conséquences qu’elle génère.

Voilà pourquoi le lépreux devait être éloigné des camps où résidaient les enfants d’Israël afin qu’ils vivent lui-même l’éloignement qu’il a contribué à semer dans le peuple. C’est ce qu’indique notamment Rachi dans le commentaire suivant (Vayikra, 13, 46) :

Il demeurera isolé : Les autres personnes impures ne doivent pas résider avec lui. Nos maîtres ont enseigné : Quelle différence sépare-t-elle le tsaroua des autres personnes atteintes par une impureté pour qu’il lui faille demeurer dans l’isolement ? C’est parce qu’il a « séparé » par la médisance le mari de sa femme, et l’homme de son prochain. Aussi devra-t-il être « séparé » lui aussi (Arkhin 16b).

Cette explication de Rachi illustre à nouveau le principe de « mesure pour mesure » qui traverse de nombreux commandements de la Torah, c’est-à-dire que l’homme est puni à l’image de la faute qu’il a commise. Ici, la personne qui faute subit en quelque sorte une double peine : d’une part il est déclaré impur, et d’autre part il est éloigné du camp et doit vivre dans l’isolement, ce qui n’est pas requis dans les autres formes d’impureté. Cela souligne la gravité de sa faute, et donc l’importance du langage.

De manière générale, la Torah insiste sur la nécessité de préserver l’harmonie dans le peuple juif. Nos Sages nous rappellent que nous devons nous sentir co-responsables les uns des autres ; de même, nous devons déployer toute l’énergie possible pour nous témoigner mutuellement du « ‘Hessed », des actes de bonté, de sollicitude afin de renforcer l’amour dans le peuple juif.

Le Talmud (traité Makot) propose même de résumer les 613 commandements en 2 principes fondamentaux : aimer la bonté et pratiquer la justice. Dès lors, l’attention prêtée aux mots que l’on emploie et aux discours que l’on tient sur nos prochains est essentielle pour préserver cette harmonie au sein du peuple juif.

Mais il y a plus, et c’est là tout l’enjeu du langage, sa grandeur et l’importance de ne pas se compromettre avec de la médisance. La parole que l’homme prononce est immatérielle, elle est semblable à un souffle, et elle trouve son origine précisément dans le souffle divin insufflé dans l’homme par D.ieu lors de sa création. Ce souffle a fait de l’homme une « âme vivante », il lui a donné la vie en même temps que la parole, comme les Sages nous l’enseignent. La parole est donc un cadeau qui nous vient directement de D.ieu et qui a vocation à créer du lien entre les hommes. Dès lors, utiliser la parole pour faire de la médisance, D.ieu nous en préserve, c’est détourner la vocation de l’homme, et mépriser le cadeau que D.ieu nous a fait.

Il faut s’efforcer de considérer la parole comme un souffle saint, et mettre toute son intelligence pour préserver cette sainteté. Cela passe non seulement par une attention aux propos que l’on tient sur autrui, mais aussi par un effort pour raffiner notre manière de parler, les mots que l’on emploie, les expressions que l’on utilise.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le traité du Talmud dédié à la fête de Pessa’h s’ouvre sur une longue réflexion sur le choix des mots. Nos Sages nous enseignent ainsi : « L’homme ne doit jamais sortir de sa bouche des propos grossiers », ou simplement connotés négativement. Ils nous encouragent à recourir à des périphrases, si nécessaire, pour ne pas employer de termes négatifs. En effet, l’importance du langage est intimement liée à la fête de Pessa’h. Comme nous l’enseigne le Midrach Raba, un des mérites qui a valu aux enfants d’Israël la chance d’être libéré de l’esclavage est précisément de ne pas avoir dit de Lachone Hara.

Cette année, le Chabbath que nous nous apprêtons à vivre liera tout particulièrement cette importance du langage et la délivrance. En effet, ce Chabbath coïncidera avec Roch ‘Hodech Nissan, et nous aurons le mérite d’y lire la Paracha Tazria en même temps que la Parachat Ha’hodech qui introduit le mois de Nissan.

Nos Sages nous enseignent que de même que nos ancêtres ont été libérés d’Egypte en Nissan, de même nous serons libérés en Nissan avec la venue du Machia’h. C’est précisément en méditant les enseignements de Tazria sur la nécessité de raffiner sa parole que l’on pourra hâter la délivrance évoquée dans la Parachat Ha’hodech.

Essayons donc de profiter pleinement de cette force spirituelle qui va traverser le monde durant ce Chabbath pour prier Hachem de nous aider à purifier nos cœurs, à purifier notre langue afin de développer une harmonie profonde entre nous, ainsi qu’un « amour gratuit » comme nous y invitent nos Sages, afin de susciter rapidement la délivrance finale, avec l’aide d’Hachem, le plus rapidement possible.