La Haftara relative à la Paracha Vayikra est extraite du livre d’Isaïe (chapitre 43). Isaïe est le premier des grands prophètes « scripturaires » de notre tradition.

Son livre embrasse une large échelle historique et traverse les règnes de quatre rois (Ouzia, Yotam, A’haz et son fils ‘Hizkiya). Au fil des chapitres, Isaïe dénonce avec force les dérives du peuple juif, et notamment ses tendances vers l’idolâtrie. Il se réjouit en revanche du règne vertueux du roi ‘Hizkiya, à qui il donne sa fille comme épouse. Il espère même que ce dernier sera le libérateur d’Israël, le Machia’h.

Le livre d’Isaïe contient également des prophéties dures relatives à la destruction du Temple, et à l’exil. Mais il est resté célèbre tout particulièrement pour ses chapitres de consolation qui rappellent au peuple la proximité d’Hachem, Son amour indéfectible à l’endroit de son peuple, la promesse de la délivrance finale avec le Machia’h (très prochainement avec l’aide d’Hachem) et la reconstruction du Temple.
 

Liens entre la Haftara et la Paracha

Le passage que nous lisons cette semaine présente de nombreux liens avec la Paracha Vayikra. Cette dernière évoque les différentes modalités du culte des sacrifices, notamment destiné à expier les péchés du peuple. Le terme choisi pour désigner les « sacrifices » est celui de « Korban », dont la racine « Karov » évoque la volonté de « se rapprocher » d’Hachem. Prenant conscience de sa faute et des ses conséquences négatives, l’homme se repent et amène un sacrifice afin de matérialiser le désir qu’il nourrit dans son cœur de se rapprocher d’Hachem.

Or, Isaïe dénonce dans la Haftara l’incohérence du peuple qui s’acquitte formellement de sacrifices, mais sans porter dans son cœur le désir ardent et sincère de se rapprocher d’Hachem. Isaïe nous rappelle que la Torah ne saurait se contenter d’un service formel, dénué d’intentions et de volonté. Ce que recherche Hachem, c’est avant tout le désir du cœur de se rapprocher de Lui et de se repentir.
 

L’écho de la Haftara

Un des versets marquants de notre Haftara évoque notamment les difficultés ressenties par Israël de servir Hachem d’un coeur entier et sincère. En lieu et place de tels sentiments, Israël ressent, selon les termes du prophète, « une fatigue » ou une « lassitude ». « Ce peuple, Je l’ai formé pour qu’il publie Ma gloire. Mais ce n’est pas Moi que tu as invoqué Yaakov, car tu t’es lassé de Mon service, Israël. »

La fatigue que ressent Israël lorsqu’il effectue son service divin témoigne précisément que le cœur n’y est pas, et que, par conséquent, Israël ne prend pas la mesure de l’importance, de la grandeur et de la chance qui lui est offerte de servir Hachem.

Tout d’abord, comme le rappelle Isaïe, cet épuisement que ressent le peuple n’est pas justifié par une difficulté matérielle. D.ieu rappelle qu’Il ne demande pas de lui sacrifier des produits rares, abondants qui pourraient susciter un accablement. D.ieu a prévu des offrandes simples composées de farine et d’huile, de quantités limitées.

Mais force est de constater que l’homme se fatigue rapidement dès lors que le cœur et la motivation ne sont plus au rendez-vous, dès lors qu’il a opéré une séparation entre le fond et la forme, la lettre et l’esprit. Des actes matériels dénués de sens deviennent très rapidement pesants pour celui qui les exécute.

Dans une très belle parabole, le Maguid de Douvno nous dit en substance que lorsque D.ieu constate que l’homme est épuisé par le service des Mitsvot, Il comprend que l’homme a échangé Ses diamants pour des lourdes pierres dénuées de valeur.

L’objet de cette Haftara est précisément de mettre l’homme en garde contre cet écueil : ne jamais oublier le sens des commandements. Il ne s’agit pas nécessairement de les comprendre car certains échappent à notre entendement, mais à tout le moins, de garder en tête que c’est Hachem que nous servons en accomplissant les Mitsvot, et cette seule pensée devrait nous exalter et décupler nos forces et rejeter toute forme d’accablement.

Il est intéressant de constater que notre Haftara multiplie les images relatives à D.ieu. « Ainsi parle l'Eternel, ton auteur, qui t'a formé dès le sein maternel, et qui sera ton appui : Sois sans crainte, ô Mon serviteur Jacob, Yéchouroun, mon élu ! Car Je veux répandre de l'eau sur le sol altéré, des rivières sur la terre aride ; Je veux répandre Mon esprit sur ta postérité et Ma bénédiction sur tes descendants. » […] « Ainsi parle l'Eternel, Roi et libérateur d'Israël, l'Eternel-Cébaot : Je suis le premier, Je suis le dernier, hors Moi point de D.ieu ! » […] « Est-il un D.ieu autre que Moi, un Rocher protecteur sans Mon aveu ? » […] « Reviens à Moi, Je suis ton libérateur. »

Peut-être que là encore, l’objectif de notre Haftara est d’éviter que l’homme ait une vision uniquement théorique et intellectuelle de la divinité. A travers la multiplication des images, notre texte semble souhaiter s’adresser davantage au cœur de l’homme, et stimuler son imagination afin qu’il ressente dans sa sensibilité sa proximité avec Hachem et l’amour que D.ieu lui porte depuis toujours. Une telle prise de conscience permet précisément de faire barrage à l’inertie, la lassitude et la pesanteur que peut générer la réduction des Mitsvot à une routine.

C’est un conseil important des maîtres du Moussar (de la morale) d’inviter l’homme à faire un effort de visualisation des notions spirituelles, afin de les ancrer en son cœur et être mieux armé face aux « autres » images pernicieuses que nous suggèrent le Yetser Hara. La visualisation des principes spirituels (« Nous sommes les enfants d’Hachem », « la colère déchire l’âme de l’homme », « Pardonner à autrui comme Hachem nous pardonne »…) permet de leur donner une force particulière et de faciliter leur mise en pratique au quotidien.

Puisse Hachem nous aider à ancrer dans nos têtes et dans nos cœurs le privilège inouï que nous avons de pouvoir Le servir, afin d’accomplir les Mitsvot et étudier la Torah avec toute l’énergie et la profondeur qu’elles requièrent.